A l’appel d’une coalition d’ONG et associations, une marche blanche et silencieuse contre les violences faites aux femmes a été organisée à Bamako. Plusieurs centaines de personnes y ont participé. Elles réclament l’adoption par le Parlement d’une loi spécifique contre les violences basées sur la genre. Et ce, alors que l’affaire dite « Sidiki Diabaté » suscite une vive émotion au Mali. L’ancienne compagne du célèbre musicien, l’accuse de menaces, séquestration et coups et blessures. La famille du musicien dénonce un complot. Une enquête est en cours.
Avec notre envoyée spéciale à Bamako, Florence Morice
« Tapez sur les tam tam par sur les femmes », « femme victime je te crois », « pas d’empathie pour les bourreaux ». Voilà quelques uns des slogans que l’on pouvait lire samedi à Bamako, à l’occasion d’une marche contre les violences faites aux femmes.
Blouse blanche, et banderole à la main, le docteur Seydou Oumar Cissé a tenu à être en première ligne de la marche. Choqué des nombreux témoignages de violences qu’il entend chaque semaine dans son cabinet. « Le dernier exemple qui m’a beaucoup marqué, c’est une femme qui a été mariée à 13 ans et son mari avait 42 ans. Il l’a séquestré, violenté pour coucher avec elle. La femme est traumatisée. Je suis là pour dire “ça suffit” ».
Selon les organisateurs de la marche, 70% des victimes taisent les violences qu’elles subissent. Anna Touré, 38 ans est venue dénoncer les pesanteurs sociales qui étouffe la parole de ces femmes jusque dans leurs familles. « On te dit, “c’est normal, j’ai été frappée, il faut que ce soit pareil pour toi”. On te dit “ton mari t’aime, c’est comme ça que ça se passe”. Non, c’est pas vrai ! Quand on aime, on ne frappe pas. »
« La volonté politique qui manque », déplore Balla Mariko, porte-parole du collectif contre les violences conjugales. Il plaide pour l’adoption d’un projet de lois spécifique en gestation depuis des années. « La loi est coincée entre le ministère de la Justice et le ministère de Protection de la femme. Elle n’a pas encore atterri à l’Assemblée. J’espère que l’affaire Sidiki Diabaté va provoquer une prise de conscience chez les décideurs. »
Dans les rangs de la marche. Me Nadia Biouélé, avocate de l’ex-compagne du chanteur Sidiki Diabaté. En ouvrant une enquête dans ce dossier, la justice a envoyé selon elle un signal fort. « Parce qu’il y a une normalité de la violence au Mali, qui veut que la femme soit scrupuleusement soumise. On a tendance à ne pas donner suite aux cas de violences déférés devant la justice. »
Ce qui est encore plus ahurissant c’est que c’est la famille qui demande à ce que la victime se taise. Avec tout ce qu’elle a vécu, elle peut se suicider, être exclue de la société. Mais on observe depuis un certain temps que la justice est de plus en plus attentive et engagée.
Me Nadia Biouélé, avocate de Mariam Sow
« Il y a de l’espoir », veut croire l’avocate sans présumer de l’issue judiciaire de l’enquête en cours.
RFI