Le gaz butane joue la star. Il faut débourser le double, voire le triple du prix subventionné (3.500 Fcfa) pour s’offrir la bouteille de 6 kg. Les usagers se tournent vers le charbon de bois, dont les prixprennent aussi l’ascenseur. Mais les vendeurs réfutent toute relation de cause à effet
Depuis plusieurs semaines, Bamako est confrontée à une pénurie de gaz butane. Ce combustible non pollueur est devenu au fil du temps un compagnon indispensable aux ménages vivant dans la Capitale des Trois Caïmans. Se substituant même souvent au charbon de bois, de moins en moins, utilisé par une classe moyenne. Une rupture ou une augmentation prolongée du prix d’un tel produit pousse les ménages à se tourner vers le charbon de bois dont les prix prennent aussi l’ascenseur à l’occasion. Les dommages sur l’environnement restent à évaluer.
Sur les points de vente du charbon de bois à travers la ville de Bamako, la situation est à la surenchère. N’Golo Diarra est vendeur grossiste de charbon depuis près de 25 ans au marché de Lafiabougou.
Habits et visage colorés de noir à cause du contact avec le charbon, ce grossiste est catégorique : «Le manque de gaz butane n’a pas impacté le prix du charbon». Pour lui, la flambée, ces derniers temps, du prix du charbon est périodique. En ce sens, argumente-t-il, que l’accès aux sites de production du charbon est très difficile pour les véhicules pendant la saison des pluies. S’y ajoute le froid qui empêche les producteurs de couper suffisamment d’arbres.
Créant ainsi une situation où l’offre est inférieure à la demande. «C’est ce qui a entrainé l’augmentation du prix du charbon», tente de convaincre N’Golo Diarra, dont le dépôt était pris d’assaut par les clients. À l’en croire, les prix pourraient baisser après la saison froide.
Car, la production du charbon est moins onéreuse et moins pénible en saison sèche comparée aux autres saisons. «C’est pourquoi, nous cassons les prix pendant la saison sèche», explique celui qui cède le sac de charbon à 5.000 Fcfa, précisant que le prix varie d’un point de vente à un autre et en fonction des localités de provenance.
La Région de Sikasso apparaît comme un centre de production par excellence du charbon de bois. En témoigne la disparition accélérée et inquiétante des forêts qui ceinturent la région frontalière de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. À preuve, toutes les deux semaines, Madou Sonta décharge des centaines de sacs de charbon transportés par des véhicules en provenance de Sikasso. Ce fournisseur, âgé d’une cinquantaine d’année est installé au marché de Ouolofobougou. Par jour, Madou Sonta peut écouler plus d’une cinquantaine de sacs de charbon.
Le manque de gaz butane, renchérit-il, n’a pas provoqué une augmentation de prix du sac de charbon. Il a, par ailleurs, entrainé un soudain afflux de la clientèle, reconnaît M. Sonta. «Bien avant la crise de gaz, on vendait le sac aux détaillants à 4.500 Fcfa», rappelle-t-il, ajoutant que le charbon qu’il vend provient de Kolondièba.
Si les marchands de charbon réfutent tout lien entre la hausse du prix et la pénurie de gaz butane, ils confirment tous que cette crise a gonflé leur clientèle. «La crise du gaz, nous arrange en quelque sorte, car par jour je vends plus de 50 sacs. Et les sacs que vous voyez seront écoulés avant la fin de la journée», sourit Madou Sonta, en pointant le stock du doigt.
Contrairement à son voisin Madou Sonta, Salif Doumbia a, lui, cassé ses prix. «Le prix dépend de la provenance. Je cède le sac à 3.500 Fcfa, voire 3.750 Fcfa», assure M. Doumbia, qui venait de vendre une dizaine de sacs à Mme Diarra. Le charbon qu’il commercialise provient de Siby, localité située à quelques dizaines de kilomètres de la capitale.
La pénurie de gaz semble être une aubaine pour des livreurs de charbon. Saisissant l’opportunité, ils se sont transformés revendeurs ambulants de charbon de bois. Tel est le cas du jeune Boua Théra. Rencontré au niveau du marché de Fassambougou, en Commune III, il explique : «Maintenant, le commerce de charbon est très florissant. Comme la plupart de mes camarades, j’ai choisi cette option, c’est plus rentable que la livraison que je faisais. Sur chaque sac, je fais un profit de 500 Fcfa».
Conséquence, les ménagères, elles, se plaignent de la hausse du prix du combustible. «Le sac de charbon est intouchable. Le gaz butane est introuvable, c’est vraiment difficile pour nous», peste Aïssata Diallo qui venait d’acheter quelques sachets de charbon.
Babba B. COULIBALY