Ils nous permettent de dormir à peu près normalement. Ils incarnent le Mali, son Etat, son indépendance et sa souveraineté. Bien qu’affaiblis et subissant des pertes, ils essaient de tenir et d’accomplir leur mission, c’est-à-dire assurer à notre pays un futur.
Ils ? Ce sont nos hommes en armes, les militaires de l’armée auxquels il est légitime d’ajouter les autres forces que sont la gendarmerie, la garde, la police et les autres services paramilitaires. Ceux qui sont en première ligne en cas de confrontation armée et qui en subissent les conséquences.
Sous d’autres cieux, ces hommes et femmes qui risquent leur vie au service de leur pays, sont adulés voir idolâtrés. On les célèbre à chaque occasion. En la matière, les États unis d’Amérique dont l’armée est la plus forte du monde, constitue un exemple à méditer. La France n’est pas en reste. En témoignent les hommages régulièrement rendus dans ce pays aux militaires ayant perdu la vie.
Les cérémonies organisées à ce titre, à l’occasion de l’accident tragique ayant causé le décès de treize militaires français dans notre pays, démontrent à suffisance la place particulière des soldats pour cette nation. Ces pays estiment justement qu’aucun dispositif ne sera suffisant pour illustrer la reconnaissance d’une patrie à l’égard de ses enfants morts pour elle !
Notre pays, depuis sept ans, vit un véritable traumatisme, silencieux pour l’instant mais hautement dangereux si on ne le traite pas à hauteur de souhait. Nos soldats meurent, sous les coups des groupes armés divers et variés, à la suite d’attaques ou de manière lâche par des mines. Cela n’est malheureusement pas prêt de s’arrêter compte tenu du contexte.
De la tragédie d’Aguelhok à celle de Tabankort en passant par Nampala, Bambara maoude, Indelimane, Kidal ou Boulkessi, trop de jeunes soldats sont morts sans pour autant que la nation en soit suffisamment sensibilisée et surtout ne soit engagée dans un processus permettant aux parents des victimes et à leurs camarades d’être persuadés qu’ils ne sont pas morts pour rien ! Qui se souvient encore du capitaine Sekou TRAORE dit Bad et de ses camarades suppliciés à Aguelhok ?
Les dates anniversaires de ce massacre ignoble passent désormais dans l’anonymat. Il ne se passe pas de semaine sans qu’au moins certains de nos jeunes soldats meurent de manière violente, dans un relatif anonymat. Les communiqués sont diffusés et on passe à autre chose ! D’autres sont blessés dans la même indifférence et sont soignés dans nos hôpitaux, dans des conditions précaires.
Il faut rectifier rapidement le tir si nous voulons rehausser le moral de nos troupes et leur insuffler ce surcroît de fierté et de bravoure qui fait la différence sur les champs de batail. Toute la nation malienne, sous le leadership de nos autorités, doit s’engager dans la voie du soutien irréductible à nos hommes en arme. De nombreuses initiatives sont à envisager dans cette perspective.
La première initiative est de faire du rehaussement moral de nos soldats, notre objectif permanent. Nous devons bannir le dénigrement de nos forces, cesser les railleries et la remise en cause de la combativité des militaires maliens. Les faiblesses sont connues de la hiérarchie et des décideurs publics. Il faut laisser à ceux-ci la mission de conduire les reformes permettant de corriger les faiblesses de nos Forces Armées Maliennes (FAMA).
À nous autres, leaders politiques et de la société civile, citoyens et forces vives de nous inscrire dans le soutien tous azimuts et sans concession à nos troupes. Nous devons mettre désormais en avant toute situation permettant de soutenir le moral de nos troupes et faire d’eux nos héros.
On doit magnifier les actes de bravoure, célébrer ceux qui se comportent bien et le faire savoir. Dans ce segment, les autorités maliennes doivent faire des efforts, publier toutes initiatives à porter au crédit de nos soldats, les mettre en avant, les soutenir par des stratégies de communication appropriées pour que l’ensemble des Maliens en soit informé. La réalisation de monuments, de stèles commémoratives, sur base d’initiatives nationale, régionale ou locale constitue une action à encourager.
Il en est de même de l’instauration de journées spéciales pour nos troupes, indépendamment de la fête de l’armée. Les journées peuvent avoir un lien avec un fait majeur à ne pas oublier, être instituées pour mettre en avant un acte de bravoure source de fierté ou pour toute autre cause destinée à inscrire les FAMA dans l’agenda national, régional ou local.
Le travail de mémoire et la célébration de ceux qui perdent la vie pour la patrie, forment le cœur des initiatives à envisager pour redonner à nos soldats, toute la place qu’ils méritent dans le pays et au cœur de la nation. Nous devons porter le deuil de ceux qui meurent pour nous et nous organiser à nous remémorer de leur sacrifice. Cela doit être une constante au Mali, quel que soit le nombre ou la fréquence des décès. Plus jamais, aucun soldat malien ne doit mourir dans l’indifférence générale !
À chaque perte, les autorités doivent organiser les cérémonies en grande pompe et y participer. Elles doivent créer les conditions pour que les Maliens se sentent concernés par la perte de nos soldats. La densification et la diffusion très large des communiqués participent de ce principe. On pourrait également multiplier les émissions télé consacrées à ces évènements et insérer un bandeau noir sur les images de la télé. On devrait également égrener les noms des militaires disparus à la télé…
Les services sociaux doivent accélérer les procédures administratives pour la succession afin que les familles ne connaissent pas les affres du dénuement matériel après le choc psychologique de la perte de leur proche. Nous devons montrer le quotidien des blessés, organiser des actions de solidarité à leur égard et à l’égard de la famille de ceux qui sont décédés. Il faut travailler à la reconversion des blessés et la vie future des veuves et orphelins, leur accorder des quotas de logements sociaux…
Le dispositif des pupilles de la nation est une bonne idée, il faut le mettre en œuvre rapidement et communiquer dessus pour que toute la nation sache que les enfants des militaires décédés bénéficient de la solidarité de la nation. Nos soldats en sauront gré au pays et cela démultipliera leur engagement pour la patrie.
Les autorités locales doivent prendre part à ce dispositif de reconnaissance nationale : dans chaque commune, il faut identifier les veuves et orphelins et les blessés de guerre et leur donner une place dans les cérémonies locales, accorder dans les édifices publics une place aux héros, leur faire des monuments spécifiques, mettre les rues en leur nom ou des places…
Au niveau national à l’occasion de la fête de l’armée, des initiatives de solidarité en faveur des veuves, orphelins et des blessés peuvent être envisagées. On peut décider, à l’instar de ce qui est fait pour les personnes âgées dans le cadre du mois de la solidarité, que l’ensemble des autorités nationales se partagent entre les différentes familles de disparus et les blessés de guerre afin de leur signifier que la nation reconnaissante ne les oublie pas.
Les initiatives étatiques, nationales et locales, feront écho à celles des services sociaux des FAMA, de la société civile et des forces vives pour rendre à nos héros les hommages qu’ils méritent. Les autorités peuvent inciter et encourager les activités de ces acteurs au bénéfice des soldats et de leurs familles. Elles peuvent également mettre en place un dispositif de recueil voire de prime aux idées et suggestions utiles dans le sens de la solidarité de la nation à l’égard des forces de sécurité.
Ces initiatives viendront compléter toutes les activités prévues dans la Loi d’orientation et de programmation militaire (soutiens divers, renforcement de la formation, amélioration des rémunérations, acquisition d’équipements, réalisation d’infrastructures dont un hôpital militaire, premier en son genre dans notre pays, etc.) qu’il convient de concrétiser rapidement.
Nos soldats doivent sentir l’Etat et la nation derrière eux comme c’est le cas ailleurs. Et, comme ailleurs, ils donneront le meilleur d’eux-mêmes au service de nous tous.
Moussa MARA