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Mali – Mortalité maternelle : Une problématique qui questionne

Au Mali, sur 100 000 naissances, 325 femmes ont perdu la vie en la donnant selon l’Enquête démographique et de santé (EDS) 2018. Des morts de trop et une situation inacceptable, d’autant que la plupart des causes sont évitables. Malgré les efforts fournis et les progrès enregistrés ces dernières années, il est urgent pour certaines associations de mettre fin à la fatalité autour de la mortalité maternelle. Car les défis sont énormes pour améliorer la lutte et résoudre ce « problème de santé publique ».

« La mortalité maternelle est très élevée, ce qui est inacceptable. Environ 830 femmes meurent chaque jour dans le monde du fait de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. (…) La majeure partie de ces décès se sont produits dans des pays à revenu faible et la plupart auraient pu être évités », déclare l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Facteurs multiples

Le recours tardif aux soins, dû au retard dans le transport ou la prise en charge, entre autres facteurs, contribue à ces décès survenus, pendant la grossesse ou dans les 42 jours suivants l’accouchement. Parmi les causes les plus fréquentes, on recense en premier l’hémorragie, responsable de plus de 40% des décès maternels «  imputables aux complications obstétricales directes », puis la pré-éclampsie et les éclampsies dans plus de 25% des cas.

Selon le rapport de surveillance de la mortalité maternelle 2020, les problèmes de sang (hémorragie et anémie) constituent les principales causes de décès, suivis des crises hypertensives (éclampsie, pré-éclampsie).

Chargée de la surveillance de la femme, de la grossesse aux suites de couches en passant par l’accouchement, la sage femme joue un rôle central dans le dispositif de suivi des femmes enceintes. C’est à elle notamment qu’incombe le dépistage des pathologies susceptibles de représenter un risque pour la grossesse.

Si, en principe, en plus de la sage femme dans la salle d’accouchement, la présence d’autres personnels, comme un gynécologue, un infirmier obstétricien et même un pédiatre est nécessaire, cela n’est pas toujours le cas dans la pratique. Même si la tendance est actuellement à la présence de ce personnel qualifié, y compris dans les CSCOM. Mais le véritable problème est pour beaucoup d’acteurs la formation de ces agents.

Pour Madame Sanogo Awa, Présidente régionale de l’Ordre des sages femmes de Sikasso, la formation du personnel et la pléthore de structures privées avec des agents « formés n’importe comment », dans des écoles qui ne disposent pas souvent de programmes de formation, constitue une véritable « plaie » dans ce domaine.

À la retraite depuis maintenant quatre ans, elle continue de faire bénéficier de son expérience en dispensant des cours. Avec le recul, elle déplore que malgré la présence de personnel qualifié le taux reste élevé. « La conscience professionnelle qui les caractérisait » n’est plus de rigueur et ce n’est plus l’amour du métier qui attire, mais la recherche du gain, qui conduit souvent à des pratiques contraires à l’éthique et au serment de l’agent de santé.

Les outils de lutte

Même si des efforts pour la faire reculer ont été entrepris, la mortalité maternelle est un véritable problème de santé publique, eu égard à son taux très élevé, selon le Pr Issa Diarra, chef du département de Gynécologie obstétrique du CHU « Mère Enfant » Le Luxembourg.

Parmi les mesures envisagées par le Mali figure notamment la césarienne, mais elle représente une infime partie des solutions. « Il faut mettre l’accent sur la formation continue des agents de santé », insiste le Pr Diarra. Indispensable à tous les échelons. Plus que sa disponibilité, il faut une répartition juste du personnel de santé sur le territoire. Ce qui est très mal fait, selon le Pr Issa Diarra.

La concentration du personnel qualifié dans la capitale est un problème récurrent et une triste réalité qui continue à influer négativement sur la prise en charge des patientes dans le besoin. Mais la persistance de cette difficulté relève de la responsabilité des autorités, estime le Pr Diarra. En effet, c’est à elles de créer les conditions du maintien de ce personnel, crucial pour le suivi de la grossesse. À travers notamment l’impérieuse nécessité de disposer d’un « équipement adéquat pour travailler dans des structures médicales dignes de ce nom ». Parce que même les structures de référence ne disposent pas encore des moyens nécessaires pour « appliquer tout ce que nous avons appris », ajoute le Pr Diarra. Ce qui consistera un pas décisif dans la lutte contre ce fléau. À cela s’ajoute une sensibilisation plus accrue afin de faire fréquenter ces centres par les patientes.

Dans le cadre de cette formation, les autorités n’ont pas encore pris la mesure des enjeux. Le personnel qualifié doit être présent. Dans les CHU, cela est le cas normalement. Mais souvent, dans certaines structures, c’est une seule sage femme qui s’occupe des cas. Le temps d’observation n’est souvent pas suffisant, faute de place. « Les patientes sont souvent libérées trop tôt, parce que nous n’avons pas de places », ajoute le Pr Diarra. Il est aussi nécessaire d’améliorer l’accueil dans les structures de santé, car il s’agit quelquefois de femmes vivant leur première expérience. « L’accueil doit être à la hauteur, car il constitue 50% des soins ». En outre, un bon suivi prénatal permet de diminuer les risques.

Innover

« La vie est sacrée », c’est le slogan du mouvement de sensibilisation et de libération de la parole autour de la mortalité maternelle, des violences, des erreurs et des négligences médicales. Né il y a moins d’un mois, suite au décès lors de son accouchement de la journaliste Togola Hawa Semega, directrice de Kunafoni et ancienne collaboratrice de Journal du Mali, le mouvement veut donner la voix aux femmes pour dénoncer ce qu’elles ont subi et également mener le plaidoyer auprès des autorités et des personnels concernés (notamment sages femmes et médecins), qui d’ailleurs participent à la plateforme pour entreprendre les actions nécessaires pour améliorer les conditions, à la fois pour les médecins et les patients, explique Madame Inna Tall, l’une des promotrices de la plateforme, qui a déjà mis en place une association Diam Doktoro.

Sur ces sujets « dramatiques », des témoignages ont déjà été recueillis. Des violences verbales aux agressions graves, en passant par les problèmes de corruption ou de moyens techniques pour les agents de santé, aucun sujet n’est tabou. Mais, plus qu’à sanctionner les mauvais comportements, l’initiative vise à la recherche de l’empathie afin d’améliorer l’écoute pour mieux prendre en charge et même anticiper les complications. Pour le Dr Ousmane Ly, maître assistant à la faculté de Médecine et conseiller national de l’Ordre des médecins, l’initiative est salutaire. « La parole des femmes est dans notre contexte difficile à libérer ». Alors que dès qu’il s’agit d’incidents réels, le but de l’Ordre des médecins est de lutter contre les « morts évitables ». La mortalité maternelle constitue « une problématique permanente » et l’idéal est de parvenir à « zéro mortalité ».

Pour atteindre les objectifs dans la fourniture des soins, il faut aborder « les problèmes structurels et organisationnels », ajoute le Dr Ly. Même si la question de la faute professionnelle est taboue, et pas qu’ici, elle mérite d’être traitée. Pour lui, « la clé est la formation continue, qui permet de s’améliorer et de ne pas tomber dans la routine ». Il faut en outre réussir une bonne collaboration avec l’ensemble des professionnels de la santé, qui constituent de fait une équipe qui doit travailler dans un but unique : le mieux-être du malade. Déterminé à être « ferme et implacable contre les brebis galeuses », il faut appliquer les règles de déontologie sans complaisance, suggère le Dr Ly. Pour changer les choses, il faut agir. Le patient doit devenir responsable de sa santé en identifiant les problèmes en amont et en choisissant de ne pas « se faire soigner n’importe où ».

Fatoumata Maguiraga

Repères:

2005 : Gratuité de la césarienne

2019 : 1 404 CSCOM fonctionnels

325 : Décès liés à l’accouchement en 2018

Source: journaldumali

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