La prison à perpétuité : c’est la peine requise mercredi le procureur Richard Adou devant le tribunal criminel d’Abidjan contre l’ex-Premier ministre ivoirien Guillaume Soro, accusé entre autres de « complot », de « tentative d’atteinte à la sûreté nationale » ainsi que de « diffusion et publication de nouvelles fausses jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement, ayant entraîné une atteinte au moral des populations ». L’objectif visait, selon la justice, à renverser le pouvoir fin 2019.
Soupçons de complots
L’ex-président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro est jugé par contumace avec dix-neuf de ses partisans. Vingt ans de prison ont été requis contre Souleymane Kamagaté dit Soul to Soul, ex-chef du protocole de Guillaume Soro. Les mêmes réquisitions ont été prononcées contre son avocate et ancienne ministre Affoussy Bamba, et contre son responsable de la Communication Toure Moussa, tous deux en exil.
Le parquet a aussi demandé 17 mois de prison ferme pour « troubles à l’ordre public » pour sept militaires, l’ancien ministre Alain Lobognon, considéré comme son bras droit, et Simon Soro, jeune frère de Guillaume Soro. Le procureur a également réclamé « la dissolution » de Générations et peuples solidaires (GPS) « parce que ce mouvement politique (créé par Guillaume Soro) se livre à des actes subversifs ».
Ses accusations s’appuient en particulier sur un enregistrement sonore effectué par les services de renseignements ivoiriens. On y entend deux hommes dialoguer, dont Guillaume Soro. Selon Richard Adou, des armes ont aussi été découvertes lors de perquisitions.
Bras de fer
Le procès, qui avait débuté le 19 mai, avait été ajourné après une demi-journée d’audience, la défense ayant obtenu un délai pour étudier des pièces du dossier qui n’avaient pas été communiquées par le parquet. « Il y a beaucoup de complots, de parjures, trop de forfaitures dans ce dossier », a dénoncé, de son côté, Me Souleymane Diallo, l’avocat de la plupart des accusés, dans sa plaidoirie.
« La dissolution du GPS demandée par le procureur montre le caractère politique du procès. Parce qu’il n’appartient pas au juge pénal de prononcer la dissolution d’une association. Il n’y a pas de complot, pas d’atteinte à l’autorité de l’État », a assuré Me Diallo, plaidant « la relaxe pure et simple » de ses clients. Les accusés ont nié toutes les charges.
Après une élection présidentielle tendue en octobre 2020, la Côte d’Ivoire traverse depuis plusieurs mois une période de détente politique, avec des discussions entre le pouvoir et les deux principaux partis d’opposition, et des libérations d’opposants. Mais Guillaume Soro et ses partisans restent dans le collimateur des autorités et semblent marginalisés. En avril 2020, Guillaume Soro a été condamné à 20 ans de prison pour recel de détournement de deniers publics, pour avoir tenté de s’approprier, selon la justice, une résidence achetée par l’État pour le loger lorsqu’il était Premier ministre.
Cette condamnation avait justifié l’invalidation de sa candidature à la présidentielle, alors qu’il était vu comme un challenger sérieux. En effet, longtemps allié du président Alassane Ouattara, qu’il a aidé, en tant que leader de l’ex-rébellion du Nord, à accéder au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011, il est devenu Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, avant de rompre début 2019 avec le chef de l’État et son parti, le RHDP. Depuis, son avenir s’est assombri.
Par Le Point Afrique