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Mali – MINUSMA : « Exit Strategy » enclenchée?

Le 29 juin dernier, le mandat de la MINUSMA a été renouvelé. Elle entame sa dixième année de mission, dans un environnement opérationnel non propice et avec un bras de fer avec le Mali, qui entend faire changer à la Mission onusienne ses priorités en termes d’opérations de maintien de la paix. La Mission se heurte également à l’opposition de plusieurs associations de la société civile, qui lui demandent de quitter le Mali au plus tard le 22 septembre prochain. Ce qui hypothèque l’avenir de la MINUSMA dans le pays.

Pas de répit pour Abdoulaye Diop. Après Barkhane, Takuba et les sanctions « illégales, illégitimes et inhumaines » de la CEDEAO, le chef de la diplomatie malienne «s’occupe» maintenant de la MINUSMA. Le mandat de la mission onusienne a été renouvelé le 29 juin dernier pour une année supplémentaire, sans opposition du Mali, contrairement à l’appel de certaines associations de la société civile. Cependant, celles-ci n’entendent pas en rester là. Le 20 juillet dernier, Yerewolo – Debout sur les remparts, qui regroupe plusieurs associations de soutien aux autorités de la transition, a remis une lettre au Quartier général de la MINUSMA à Bamako, lui enjoignant de quitter le pays avant le 22 septembre prochain, date commémorative de l’Indépendance du Mali. Le nom de code de l’opération est « Bonnet bleu ». Le 29 juillet prochain, d’autres Maliens vont se rassembler au Palais de la culture de Bamako avec comme objectif de réitérer cet ultimatum. Le même jour, des manifestations du même ordre vont se tenir à l’intérieur du pays, notamment dans les zones où la mission onusienne intervient. « La MINUSMA, c’est une ordure qu’on se doit de balayer de notre pays », a lâché Adama Diarra dit Ben le cerveau, membre du Conseil national de transition et porte-parole de Yerewolo – Debout sur les remparts mardi 19 juillet lors d’un point de presse. Cet appel au départ de la MINUSMA, ajouté aux réserves de la partie malienne par rapport à son nouveau mandat complexifie la mission de la MINUSMA. D’autant que dans un communiqué en date du 20 juillet, le gouvernement a donné 72 heures au porte-parole de la mission Olivier Salgado de quitter le pays. Il lui est reproché ses tweets jugés tendancieux et inacceptables suite à l’interpellation des 49 militaires ivoiriens le 10 juillet dernier.

Un mandat, des visions

Le mandat n’a pas substantiellement changé et reste adossé au Chapitre VII de la Charte des Nations unies, avec comme principale priorité stratégique l’appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et à la transition politique. Alors que les autorités maliennes voudraient voir la MINUSMA dotée d’un mandat antiterroriste, avec comme priorité la protection des populations civiles et l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national. « Il est indispensable de mieux définir et articuler la notion de protection des civils dans un contexte de guerre asymétrique. Il y a lieu de clarifier contre qui on veut protéger les populations, sachant que la menace principale vient des groupes armés terroristes. Comment, dans ce contexte, la MINUSMA peut-elle protéger les populations si elle ne peut pas faire face à cette menace ? », s’est interrogé Abdoulaye Diop devant le Conseil de Sécurité de l’ONU le 29 juin dernier.

C’est ce vœu que formulent également les populations maliennes. Dans l’enquête d’opinion Mali-Mètre 2022 de la Fondation Friedrich Ebert, l’analyse des résultats montre que plus de la moitié de la population malienne n’est pas satisfaite de la MINUSMA, avec « 14% plutôt insatisfaits et 45% très insatisfait». Le manque de protection des « populations contre les violences des groupes est la principale critique à l’encontre de la MINUSMA dans l’ensemble des régions, hormis la région de Kidal, où 79% évoquent principalement que le mandat de la MINUSMA n’est pas suffisamment connu ». « La priorité pour le gouvernement malien n’est pas la protection des civils, mais plutôt le contre-terrorisme. La protection des civils a toujours été une priorité dans le mandat de la MINUSMA. La tension existe parce que depuis des années le Mali a voulu que la MINUSMA s’engage à lutter contre les groupes djihadistes. Ce n’est pas dans son mandat et il y a plusieurs raisons à cela. Une opération de maintien de la paix n’est ni capable, ni bien placée pour faire des opérations offensives contre des groupes particuliers. Beaucoup de Maliens, même des politiciens, n’ont jamais compris ou jamais accepté les limites d’une opération de maintien de la paix », explique un chercheur en maintien de la paix qui requil’anonymat.

En outre, le Mali a émis des réserves qui mettent à rude épreuve la bonne exécution du mandat de la MINUSMA et annoncé au Conseil de Sécurité son « opposition ferme » au soutien aérien de la Force Barkhane à la mission onusienne, qui fait également face à des restrictions sur une partie de l’espace aérien malien. Il a également attiré l’attention du Conseil sur « les risques de politisation et d’instrumentalisation des droits de l’Homme aux fins d’agendas cachés », pointant du doigt le poids des droits de l’Homme dans le mandat. Issa Konfourou, ambassadeur malien auprès des Nations Unies, a déclaré devant les membres du Conseil que le Mali s’opposait à la liberté de mouvement de la MINUSMA dans l’exécution de son mandat, en particulier concernant les enquêtes. Cette présence accrue de la protection des droits de l’Homme dans la résolution a amené la Chine et la Russie à s’abstenir de voter pour la résolution. « Ces deux pays se sont abstenus pour la première fois sur une résolution renouvelant le mandat de la MINUSMA. Ils ont expliqué leur vote par le fait que la résolution, proposée par la France et appuyée par le Royaume Uni et les États-Unis, donne trop de poids à la division des droits de l’Homme et ne prend pas suffisamment en compte les efforts du gouvernement malien en matière de lutte contre le terrorisme », explique un spécialiste des questions internationales.

Au Mali jusqu’à quand ?

La MINUSMA n’a plus de soutien aérien français et fait face à des mesures de restrictions sur une partie de l’espace aérien malien. Sa liberté de mouvement pour enquêter sur les allégations de violation des droits de l’Homme est limitée et intervient dans un contexte géopolitique tendu et sécuritaire préoccupant, avec la montée en puissance de l’EIGS. Récemment, toutes les rotations de ses contingents militaires et policiers, y compris celles déjà programmées ou annoncées, ont été suspendues par le Mali jusqu’à « l’organisation d’une réunion » pour « faciliter la coordination et la réglementation » de ces rotations. Décision que les autorités maliennes justifient en invoquant le « contexte de sécurité nationale » après l’interpellation de 49 militaires ivoiriens, que Bamako qualifie de « mercenaires », ce que dément Abidjan, qui maintient qu’il s’agit des éléments d’appui à la MINUSMA.

Ces « entraves » au mandat de la mission onusienne au Mali constituent une violation de l’Accord sur le statut des forces (SOFA) signé entre l’ONU et le Mali ,« qui est tenu de le respecter », a prévenu le 30 juin dernier l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, en réaction à « l’intention du gouvernement de transition malien de refuser à la MINUSMA la liberté de mouvement nécessaire à l’accomplissement de son mandat ». « Le gouvernement de transition ne doit pas empêcher la MINUSMA de mener à bien une quelconque partie de son mandat (…). Nous exhortons le gouvernement de transition à assumer immédiatement et complètement sa responsabilité en tant que pays hôte d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies et à respecter les termes du SOFA ».

Cependant, il est aussi possible pour le Mali de dénoncer l’Accord sur le statut des forces. « En cas de dénonciation unilatérale du SOFA signé entre l’ONU et le Mali, il faut d’abord indiquer qu’une période de plusieurs mois doit être observée avant que celle-ci ne soit pleinement effective. Si celle-ci intervenait, cela compromettrait évidemment les possibilités de rotation et le renouvellement du mandat au-delà du 30 juin 2023 », explique notre spécialiste des questions internationales.

Mais, avant même d’en arriver là, plusieurs pays contributeurs de troupes au sein de la MINUSMA pourraient désengager leurs contingents, au regard des incertitudes qui planent. D’ores et déjà, l’Égypte et le Bénin ont donné le ton et d’autres pourraient suivre. Avec « l’ultimatum » des associations de la société civile malienne à la MINUSMA, les choses se compliquent davantage. Car elles sont convaincues qu’après le départ de Barkhane, la MINUSMA est le seul moyen pour la France de continuer à intervenir au Mali. « Les projets de résolutions concernant le Mali au Conseil de Sécurité de l’ONU sont rédigés par la France. Et dans la résolution renouvelant le mandat de la MINUSMA il est prévu que la mission onusienne utilise tous les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs. Cela veut dire la possibilité de recourir aux forces françaises pour assurer des opérations de sécurisation sur le territoire malien. Pour toutes ces raisons, le Mali est en train de créer un ensemble de procédures administratives qui vont avoir pour effet de complexifier toute intervention dans le cadre de la MINUSMA et, in fine, d’empêcher la mission onusienne de fonctionner pour qu’elle parte d’elle-même, sans être chassée », explique le Dr. Amidou Tidiani.

Cependant, pour le chercheur en maintien de la paix ayant requis l’anonymat, même avec ces limitations sur le mandat de la MINUSMA, le Conseil de Sécurité ne va pas la retirer, à cause de la situation sécuritaire. « C’est vrai, la Mission est plus limitée, plus critiquée et plus isolée que jamais sur les plans sécuritaire et politique. Pourtant, je ne m’attends pas à ce que le Conseil de Sécurité décide de retirer la MINUSMA avant longtemps, parce que la situation au Mali est toujours terrible ».

En attendant, le Conseil de Sécurité décide de « demeurer activement saisi de la question ». Le 13 janvier 2023, le Secrétaire général va lui transmettre une analyse détaillée des problèmes politiques et sécuritaires « ayant eu une incidence sur la capacité de la Mission de s’acquitter de son mandat » et une évaluation de la coopération avec les autorités maliennes et « des restrictions à la liberté de circulation ». Il partagera également avec le Conseil de Sécurité des « propositions concernant la future configuration de la MINUSMA », en vue de son adaptation auchangements dans son environnement opérationnel. Entre le 22 septembre 2022 et le 13 janvier 2023, beaucoup d’évènements vont donc se produire.

Boubacar Diallo

Source : Journal du Mali

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