En février, le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a admis qu’il cherchait à établir un contact avec Iyad Ag Ghali, le chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM], une organisation fédérant plusieurs organisations jihadistes liés à al-Qaïda.
« J’ai un devoir aujourd’hui et la mission de créer tous les espaces possibles et de tout faire pour que, par un biais ou un autre, on puisse parvenir à quelque apaisement que ce soit. Parce que le nombre aujourd’hui de morts au Sahel devient exponentiel. Et je crois qu’il est temps que certaines voies soient explorées », avait en effet expliqué M. Keïta, lors d’un entretien donné à RFI et à France 24.
Cette tentative de nouer un dialogue avec les responsables du GSIM avait été recommandée en mai 2019 par l’International Crisis Group. Mais établir un canal de discussion : encore faut-il avoir des choses à se dire pour, in fine, espérer trouver un terrain d’entente. D’où la question : quelles concessions les autorités maliennes seraient-elles prêtes à faire aux chefs jihadistes dans l’espoir de trouver un accord? Qui plus est, outre le fait de leur donner une certaine légitimité en les invitant à discuter, les groupes terroristes tiendraient-ils leurs engagements?
Aussi, en novembre, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA] avait jugé que nouer un dialogue avec les jihadistes serait « catastrophique ». Et d’ajouter : « Le point de vue qui est le mien, c’est qu’on ne peut pas faire preuve de cynisme et qu’on doit être constant dans l’effort. La France est là pour faire valoir une vision de la dignité de l’homme, de l’état de droit, de la démocratie qui, à mon avis, ne s’accommode pas de ce type de négociation. »
Cela étant, comme aurait dit M. de La Palice, il faut être au moins deux pour discuter. Et les chefs jihadistes concernés, à savoir Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa, ont fait savoir que, s’ils sont disposés à dialoguer avec Bamako, ils mettent une condition. Comme les talibans en Afghanistan, ils exigent le retrait préalable des « forces étrangères » du Mali, donc de Barkhane et de la Mission des Nations unies [MINUSMA]. C’est en effet ce qu’a affirmé le JNIM dans une déclaration de deux pages, publiée par al-Zallaqa, sa branche médiatique.
« Nous sommes prêts à engager des négociations avec le gouvernement malien, dont le président a annoncé son souhait de négocier avec [le JNIM] afin de discuter des moyens de mettre fin au conflit sanglant entré dans sa septième année à cause de l’invasion des croisés français », est-il affirmé dans cette déclaration, intitulée « Concernant les appels à négociations ».
« Nous n’avons pas d’autre condition préalable pour prendre part à ces négociations » si ce n’est « la fin l’occupation raciste et arrogante des croisés français », poursuit le JNIM. Et ce dernier d’insister : « Il ne saurait être question de négociations à l’ombre de l’occupation avant le départ du Mali de toutes les forces françaises et de ceux qui les suivent. »
Aussi, estime le groupe jihadiste, qui dit se faire « l’avocat » de la population malienne, Bamako « devrait […] déclarer ouvertement la fin de la présence de Barkhane et des troupes de la MINUSMA sur son territoire ». Quant au contenu des discussions qu’il pourrait avoir avec les autorités maliennes, le JNIM ne fait guère mystère de ses intentions. « Toutes les bonnes choses sont dans la charia [loi islamique] », avance-t-il.
Quoi qu’il en soit, il est hors de question pour Paris de céder à ce type de chantage. « Iyad [Ag Ghaly] reste un membre éminent de la hiérarchie d’al-Qaïda, donc à partir du moment où al-Qaïda reste notre ennemi, Iyad reste notre ennemi. Son statut n’a pas changé et son positionnement, à ma connaissance, n’a pas changé non plus », a récemment fait valoir un conseiller de l’Élysée, lors d’une rencontre avec l’Association de la presse diplomatique.
Par ailleurs, la condition posée par le JNIM est inacceptable pour les autorités maliennes dans la mesure où un départ de la force Barkhane, de l’EUTM Mali et de la MINUSMA les mettraient dans une position de faiblesse.
Source: opex360