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Mali: la Constitution calquée sur celle de la France n’est «plus du tout adaptée aux besoins actuels»

Alors que la communauté internationale continue de condamner le coup d’État militaire du 18 août au Mali, Mossadeck Bally, le PDG de la chaîne d’hôtels Azalaï –qui a subi les répercussions de la crise–, plaide pour plus d’entraide et de solidarité et propose sa recette pour son pays.

Mossadeck Bally a fondé en 1993 la chaîne d’hôtels Azalai, devenue une référence aujourd’hui dans toute l’Afrique de l’Ouest. Cet opérateur économique a l’habitude de brasser des affaires au Mali et dans la sous-région. Il y possède une dizaine d’établissements classés quatre étoiles, en plus d’avoir créé une école hôtelière à Bamako.

Déjà à l’arrêt pendant deux mois du fait de la pandémie de Covid-19, son activité a à nouveau été suspendue après la cessation de toute liaison aérienne, puis la fermeture des frontières par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui a condamné le coup d’État du 18 août. À l’instar de l’Union européenne, l’un des principaux bailleurs de fonds du Mali avec la France, qui a décidé la semaine dernière de suspendre «momentanément» toute représentation en guise de représailles

Profiter du changement de pouvoir

Pourtant, pour Mossadeck Bally, cette nouvelle intrusion des militaires dans la vie politique du pays représente une «chance unique» pour «tout remettre à plat». Car il s’agit maintenant, selon lui, de doter le Mali des institutions devant lui permettre de «sortir du marasme» dans lequel l’ont entraîné «trente ans de mauvaise gouvernance», a-t-il affirmé au micro de Sputnik France.

 

Invité de Sputnik Afrique, il ne s’est guère montré surpris de la tournure prise par les événements. Lui-même avait prévenu, lors du Forum de Bamako il y a deux ans, que le pays «allait droit dans le mur» du fait de la corruption, «ce cancer au stade terminal qui a tué le Mali».

Pour ce capitaine d’industrie, régulièrement invité en France à débattre de la situation économique dans son pays, la prise du pouvoir par une junte militaire est un «moindre mal» si elle permet, enfin, de réaliser les réformes institutionnelles nécessaires et le renouvellement de la classe politique malienne qu’il appelle de ses vœux:

«Le Mali est un pays riche. Il ne peut, à ce stade, que compter sur ses propres forces. Mais il a aussi besoin qu’on l’aide à assurer une transition harmonieuse afin de se reconstruire sur de nouvelles bases et avec de nouvelles valeurs.»

Cosignataire de deux appels à la tête d’un collectif de cadres ayant décidé de s’engager pour reconstruire le Mali et préparer une transition réussie, ce grand patron n’a eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme depuis le début de la crise politique dans son pays, le 5 juin dernier.

Parmi les mesures que ce collectif préconise figure la promulgation d’une nouvelle Constitution et, donc, l’avènement d’une quatrième République au Mali. Celle-ci est d’autant plus indispensable, selon eux, que le Mali est aujourd’hui occupé sur les deux tiers de son territoire «par des groupes armés terroristes qui veulent la destruction de l’État malien», rappelle Mossadeck Bally.

 

«Nous avons besoin de cette quatrième République car les promesses de réforme après le soulèvement populaire de mars 1991 [qui a vu la chute du Président Moussa Traoré] sont restées lettre morte. Cela fait trente ans que l’on a un semblant de démocratie au Mali. On organise des élections dont on connaît à l’avance le vainqueur. Ce qui explique aussi le faible taux de participation qui n’excède jamais les 30%.»

Or, fait-il remarquer, la Constitution malienne de 1992 est «calquée» sur celle de la Ve République en France qui, elle, avait été «taillée pour le Général De Gaulle». Elle n’est donc «plus du tout adaptée aux besoins actuels», estime-t-il.

Aussi, la tâche qui attend le prochain gouvernement sera, selon lui, de «rebâtir urgemment l’État malien qui est par terre» en faisant en sorte de «diminuer le nombre de nos institutions, trop nombreuses et, donc, budgétivores», insiste-t-il.

 

La corruption «n’est pas dans l’ADN d’un peuple»

Concernant la lutte contre la corruption, il reconnaît que des pratiques, aujourd’hui profondément enracinées dans la société malienne, «ne vont pas disparaître du jour au lendemain». Mais il reste persuadé que, dans un Mali réformé, il sera possible de «diriger par l’exemple», comme il l’affirme avec conviction:

«Si nous arrivons à organiser de vraies élections et à élire des dirigeants compétents et honnêtes, ils seront les premiers à montrer l’exemple. Alors la base suivra. La corruption, la gabegie, le désordre, la pagaille ne sont pas dans l’ADN d’un peuple. Si les leaders sont vertueux, le peuple sera vertueux. S’ils sont corrompus, il en sera de même à la base», estime le PDG des hôtels Azalaï.

Le respect des gouvernants à l’égard de leurs administrés est également l’un des critères mis en avant par son groupe de cadres. Loin d’avancer masqué, ce collectif, qui s’est formé «spontanément», dit-il, «milite pour une transition réussie et une reconstruction harmonieuse du Mali».

Craint-il, pour sa part, que le Mali ne soit en danger en ce qui concerne sa laïcité?

«Même l’imam Dicko ne parviendra pas à nous détourner de notre idéal laïque qui a toujours profondément été ancré dans la volonté de vivre ensemble des Maliens. Il n’y aura jamais d’État islamique* au Mali et si [l’imam] Dicko voulait nous l’imposer, des millions de Maliens descendraient dans la rue pour s’y opposer», avertit Mossadeck Bally.

Devenu l’objet de toutes les attentions médiatiques, l’imam Dicko, qui a pris une grande part dans les manifestations du M5-RTF depuis le 5 juin, malgré son soutien initial au Président Ibrahim Boubacar Keita, semble apparaître de plus en plus comme l’homme clé de la transition au Mali bien qu’il ait toujours dit ne pas vouloir accéder au pouvoir.

Pour Mossadeck Bally, c’est en ne fermant la porte à personne «ni aux Russes, ni aux Chinois, ni aux Marocains en ce qui concerne l’Afrique» que le Mali réussira, selon lui, le mieux à  lutter contre le terrorisme. À condition que la junte sache «tirer très vite les leçons des échecs passés» et qu’elle n’exclue personne «à commencer par la diaspora», affirme-t-il.

 

«La diaspora malienne jouait déjà un rôle fondamental en transférant chaque année plus d’un milliard de francs CFA (environ 6,56 millions d’euros) aux familles restées au pays. Aujourd’hui, il est certain que son intervention sera cruciale dans la construction du nouveau Mali», prédit le chef d’entreprise.

Sputnik France

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