Après l’élection présidentielle, la prestation de serment, la constitution du nouveau gouvernement, le Mali a fêté avec faste le 58ème anniversaire de son indépendance. A l’entame de ce second mandat, on se demande ce que l’histoire retiendra finalement de la gouvernance d’IBK. Analyse sous le double spectre de la bonne gestion des affaires publiques et de l’avènement du renouveau politique.
IBK ET LA GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES
Après un premier mandat dont beaucoup pensent que les résultats sont plutôt mitigés, le peuple malien a tout de même choisi de maintenir IBK à la barre face à une opposition décevante, plus intrigante et vindicative que critique et constructive. Les intentions présidentielles pour ce second mandat sont expliquées dans la lettre de mission 2018-2023 adressée au Premier Ministre, qui se décline en cinq axes : les réformes, la croissance, le capital humain, l’environnement, la diplomatie.
Les réformes politiques et institutionnelles sont devenues indispensables pour, d’une part permettre la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger et, d’autre part sortir de la sclérose politique et administrative dans laquelle le pays reste plongé depuis un quart de siècle. Les défis sécuritaires sont tels aujourd’hui que la cohésion nationale est mise à rude épreuve. Heureusement, IBK a compris contrairement à d’autres qu’une démocratie forte s’appuie sur une armée puissante et respectée. Il s’est donc engagé sur la voie du renforcement quantitatif et qualitatif des forces de défense et de sécurité, y consacrant 22% du budget national contre 12%. Le défilé miliaire du 22 septembre 2018 a donné un aperçu de sa volonté de faire de l’armée nationale un outil de décision politique. Cette vision est largement partagée par le peuple malien floué et humilié en 2012, avec la découverte de l’état de quasi-indigence de nos forces de défense et de sécurité face à la rébellion. Aujourd’hui, l’armée malienne n’est plus une armée des ombres condamnée aux replis stratégiques. Elle a fière allure et rassure les Maliens.
Sortir le pays de la sclérose sur la base d’un diagnostic sans complaisance du corps social et du tissu économique est un autre défi qui permettra la transformation structurelle de l’économie nationale, une croissance inclusive et, par voie de conséquence une répartition équitable des fruits de la croissance. Les propositions dans ce domaine sont assez pertinentes : promotion de la finance islamique comme mode de financement alternatif, développement de l’agro-industrie, bonne gestion de l’habitat et du foncier. Cependant, rien de tout cela ne sera possible sans un capital humain de qualité, l’inclusion sociale, la promotion d’un citoyen nouveau. Pour cela, l’environnement dans son ensemble doit être mieux connu et maîtrisé : environnement physique (écosystème), environnement socio-politique, environnement international. Aujourd’hui, les métiers des mines sont un bon gisement pour l’emploi des jeunes et la création d’entreprises. Ils seront un complément idéal à ceux de l’agriculture, l’élevage et la pêche. Toutefois, la bonne gestion de l’environnement ne peut être un facteur d’un développement durable des communautés que si elle s’appuie sur la prise en compte de la responsabilité sociétale des entreprises. Enfin, la diplomatie doit être pragmatique, au service de la coopération et du partenariat. Dans ce cadre, le Mali dispose grâce à ses enfants établis à l’extérieur d’un outil inestimable de promotion jusqu’ici sous exploité. En plus des transferts de fonds et de connaissances, IBK a compris l’avantage que le pays peut tirer de la bonne gestion de la diaspora. En prélude au renouveau tant espéré, la mise en place d’un mécanisme de suivi-évaluation du programme est annoncée dans la lettre de mission. Son rôle sera déterminant.
IBK ET LE RENOUVEAU POLITIQUE
Au-delà des débats politiciens et des causeries de » grin » dont les Maliens raffolent, l’histoire retiendra que Modibo Kéita est un nationaliste qui a conduit le Mali à l’indépendance en 1960, que Moussa Traoré a mis fin à l’expérience socialiste de Modibo avec le premier coup d’Etat militaire en 1968, qu’Amadou Toumani Touré a parachevé une fronde populaire contre Moussa en coup d’Etat en 1991, qu’Alpha Oumar Konaré a été en 1992 le premier président élu de l’ère démocratique, qu’ATT lui a succédé en 2002 avant d’être déposé dix ans plus tard par des jeunes soldats conduit par le Capitaine Hamadou Haya Sanogo, que Dioncounda Traoré a dirigé une transition politique agitée entre 2012 et 2013, organisé l’élection présidentielle qui a amené IBK au pouvoir en 2013, que le mandat d’IBK a été renouvelé en 2018. Celui-ci sera-t-il l’homme qui va réussir à sortir le Mali du bourbier politique et de la grande corruption créés et entretenus depuis 1992, ou rejoindra-t-il ses devanciers dans le maintien du système et du statu quo ?
L’ouverture du gouvernement en faveur du rajeunissement et de la promotion du genre est certainement un premier pas pour sortir de l’ère des dinosaures de 1991. Cependant, le vrai problème au Mali, c’est l’évolution des mentalités pour s’émanciper de l’influence supposée ou réelle de certains chefs coutumiers et religieux dans la dévolution du pouvoir d’Etat. IBK a déjà prouvé son indépendance d’esprit, sa haute conscience des charges qui lui incombent et son choix du Mali. Tant mieux pour la République ! Il s’agit donc d’éviter à tout prix la gestion partisane et du court terme au profit de la planification stratégique, d’abandonner la politique à l’eau de Western qui offre le dénouement manichéen du bon et du méchant s’affrontant à la fin dans un duel à mort. Le Mali n’a pas besoin de morts supplémentaires, il a besoin que tous ses enfants vivent et travaillent à sa grandeur et à sa prospérité. On peut servir son pays à tous les postes à condition que l’amour guide notre action, amour du pays et du prochain. La jeunesse n’est pas qu’une question d’âge, c’est plutôt un état d’esprit, c’est la capacité de relever de grands défis.
De 2002 à 2013, IBK a connu la solitude du coureur de fond entre Sébénikoro et différentes destinations au Mali et à l’étranger. Depuis septembre 2013, il connaît le vertige du pouvoir que procurent les hauteurs de Koulouba. Le train de la paix et du développement à lui confié par ses compatriotes avance mais avec un temps d’arrêt bien compté pour chaque gare. Il le sait certainement. Qu’il soit donc bien inspiré dans ses choix et dans sa démarche car, de l’amour à la déception le pas est vite franchi. Bon mandat Monsieur le Président !
Mahamadou Camara
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