De la rentrée scolaire, le 1er octobre dernier, à ce jour, les grèves des enseignant se suivent et se ressemblent, entrainant une paralysie programmée de l’école qui, on le sait, a encore du mal à se remettre de la turbulence qui l’a secouée, au cours de l’année écoulée. De trois jours à 14 jours, on en est aujourd’hui à 20 jours de grève annoncée, dans un intervalle de trois mois à peine d’activité scolaire. D’où le spectre de l’année scolaire compromise qui se profile. Voire le risque d’un chaos orchestré qui guète le système éducatif, tout entier.
Contre cela, le Premier ministre, Boubou Cissé, veut anticiper, en empêchant que l’école, qui a tant souffert, ces dernières années, des perturbations prolongées et répétées, ne soit pas à nouveau endommagée par la série de grèves, annoncées par les syndicats d’enseignants, signataires du 15 octobre 2016. Les mêmes qui ont, on le sait, secoué l’année scolaire écoulée de longs mois de contestation catégorielle, dont les conséquences sont loin de se cicatriser au niveau de la qualité d’apprentissage des enfants.
Le point de discorde de cette année scolaire qui commence mal, entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, tient à une question de détails. Au regard des textes qui régissent le statut des enseignants, ces derniers doivent bénéficier des augmentations obtenues au niveau du statut général des fonctionnaires.
Là-dessus, le gouvernement est d’accord et reconnait d’ailleurs la légitimité des revendications des enseignants formulées dans ce sens. Seul bémol : l’Etat insiste sur le rééchelonnement de ces augmentations entre le 1er janvier 2020 (sur 1.100 points) et le 1erjanvier 2021(sur 1.200 points), soit une augmentation de 20% étalée sur cette période. Cette démarche du gouvernement s’explique par la conjoncture actuelle difficile du pays, en proie à d’intenses efforts de guerre. Il s’agit aussi d’honorer un engagement qui s’est soldé pour l’Etat, à l’origine, au compte du statut général des fonctionnaires, de manière échelonnée.
Les syndicats d’enseignants, eux, rejettent en bloc cette proposition du gouvernement en adoptant une attitude intransigeante basée sur « le tout ou rien ». Les grévistes veulent tout et tout de suite et exigent en outre que les augmentations concernées soient annexées sur leur grille salariale. Ce qui ne semble pas être soutenable pour l’Etat d’autant que cela risque de constituer la boite de pandore pour les autres corporations qui n’hésiteront pas à réclamer les mêmes avantages.
On en est à ce point de blocage quand les négociations, entamées sous l’égide de la commission de conciliation, ont débouché sur un désaccord patent, à partir d’un mot d’ordre de grève de 14 jours, déposé sur la table du gouvernement. A partir de ce moment, le Premier ministre sort de sa réserve pour présenter un ensemble de mesures destinées à garantir le temps d’apprentissage effectif à l’école.
De là, un nouveau tollé éclate sur le front syndical avec les grévistes qui durcissent leur ligne d’attaque. Dans le feu de la contestation, un nouveau préavis de grève de 20 jours est déposé sur la table du gouvernement qui ne recule pas sur les mesures annoncées pour empêcher la paralysie de l’école. Le recrutement de plus de 15 mille volontaires est lancé, depuis la semaine dernière. La retenue de salaire pour les grévistes et la réquisition sont entre autres mesures en application dans le but d’empêcher la paralysie à l’école et de garantir le droit à l’apprentissage des enfants.
Le caractère sauvage des grèves et le refus des grévistes d’accepter les propositions du gouvernement, dans ce contexte de crise aiguë pour le pays, pendant que l’Etat reconnaît la légitimité des revendications des enseignants, font que l’action des grévistes passe mal au sein de l’opinion publique qui croit aujourd’hui, dans sa majorité, à un sabotage orchestré du système éducatif de la part de ceux-là mêmes qui en constituent pourtant l’un des segments importants.
Les enseignants, tout comme l’Etat et d’autres partenaires de l’école, sont des éléments importants du système éducatif. Comme tous les autres éléments constitutifs de ce dispositif, ils ont la responsabilité ; les enseignants de tous bords, de ne pas compromettre la pérennité du système. Or, vraisemblablement, le caractère sauvetage des grèves des enseignants, qui se suivent selon un rythme dangereux et compromettant pour la stabilité de l’école, est perçu comme une menace sérieuse contre le système éducatif, dont la stabilité incombe à tous les partenaires, au même titre que les enseignants, qui en constituent l’un des plus importants segments.
Sans système éducatif, point de partenaire de l’école et donc pas d’enseignant. Il est donc évident que la survie du système éducatif passe par la responsabilité de tous ses éléments constitutifs, à l’image des enseignants qui doivent nécessairement s’impliquer pour jouer pleinement leur rôle dans sa pérennité.
Le gouvernement joue alors la leur, en adoptant cet ensemble de mesures destinées à sauver l’école du chaos qui la menace du fait de ces grèves sauvages qui sont ainsi programmées.
Les mesures annoncées par le gouvernement, sous cet angle, ne déplaisent pas à l’opinion publique, dans sa grande franche majorité, d’autant qu’elle les considère comme salutaires pour la stabilité de l’école, donc forcément garantes de la pérennité du système éducatif malien. Pour cela, les grévistes ont tout intérêt à mettre de l’eau dans leur vin pour ne pas apparaître comme de vils démolisseurs d’un système éducatif dont ils ont la responsabilité, devant Dieu et les hommes, d’en assumer la survie.
L’école ne doit pas être compromise par ces grèves sauvages et le refus des enseignants d’accepter les propositions faites par le gouvernement qui, lui, reconnaît par ailleurs la justesse de ces mêmes revendications catégorielles. Dès lors que l’esprit du dialogue est garanti par le gouvernement qui parvient, lui, à faire des propositions concrètes, dans ce sens, les grévistes, eux, pour la responsabilité qui les incombe, pour la pérennité du système éducatif, doivent aller à l’école, enseigner les enfants, qui sont en réalité la seule finalité de l’action éducative, d’autant qu’il s’agit en définitive de l’avenir de tout un pays.
Cet enjeu ultime ne doit pas être occulté par les enseignants qui doivent savoir, qu’en tant qu’éléments indispensables de la pérennité du système éducatif, aucun autre élément important de ce dispositif, fut-il gouvernement, ne peut jouer à leur place, leur rôle dans la stabilité de cet ensemble national. Si les grévistes oublient cela, en se comportant comme les ravageurs désignés de l’école, voire du système éducatif, ils en assumeront, devant l’histoire, la charge négative sur eux et sur leur profession qui n’est que don de soi et sacerdoce, ici et ailleurs, sous d’autres cieux.
Il n’est pas mauvais, dans un tel contexte de déviance vis-à-vis de l’école, loin s’en faut, que le gouvernement, avant que le chaos ne s’installe à l’école, en menaçant de sclérose généralisé tout le système éducatif, puisse agir, vite et bien, en prenant des mesures de sauvetage de l’école, dans la durée et dans la fermeté.
Oumar KONATE
La Preuve