L’Algérie et le Mali ne sont pas de simples voisins partageant une frontière longue de près de 1 400 kilomètres. Ils sont des frères, unis par une histoire commune, une géographie indissociable et une culture partagée. Cette relation, forgée à travers les épreuves du temps, ne saurait être entachée par des tensions passagères ou des incompréhensions. Aujourd’hui, plus que jamais, il est impératif de rappeler les fondements historiques et géopolitiques de cette amitié exceptionnelle, tout en appelant à la raison et à la préservation de cette fraternité.
Une histoire commune, fondation d’une solidarité indéfectible
La relation entre le Mali et l’Algérie s’est construite sur des bases solides, notamment durant la guerre de libération algérienne (1954-1962). À cette époque, le Mali, fraîchement indépendant, a joué un rôle crucial en soutenant la lutte du peuple algérien contre le colonialisme. Les régions nord du Mali ont servi de bases arrière stratégiques pour l’Armée de libération nationale (ALN), offrant refuge, soutien logistique et ressources aux combattants algériens. Les maquis les plus importants de cette guerre se trouvaient dans cette zone, témoignant de l’engagement du Mali en faveur de la liberté de son voisin.
Ce soutien n’était pas simplement un acte diplomatique, mais une preuve de solidarité entre deux peuples partageant une vision commune de la libération africaine. Cette période a scellé une relation de confiance et de fraternité, qui constitue encore aujourd’hui une pierre angulaire des relations entre les deux nations.
Une géographie et une culture qui unissent
Au-delà de l’histoire, la géographie et la culture rapprochent profondément le Mali et l’Algérie. La frontière qu’ils partagent n’est pas une ligne de séparation, mais un pont entre deux mondes intimement liés. Les populations touarègues et arabes, qui vivent de part et d’autre de cette frontière, incarnent cette continuité culturelle et humaine. Ces communautés transfrontalières partagent des traditions, des langues et des modes de vie similaires, renforçant l’idée que le Mali et l’Algérie ne sont pas seulement des voisins, mais des partenaires naturels dans la région sahélo-saharienne.
Un partenariat géopolitique essentiel pour la stabilité régionale
Sur le plan géopolitique, l’Algérie et le Mali jouent un rôle clé dans la stabilité du Sahel, une région confrontée à de nombreux défis, notamment le terrorisme, le trafic transfrontalier et les crises humanitaires. L’Algérie, en tant que puissance régionale, a souvent agi en médiateur dans les conflits internes au Mali, notamment dans la gestion des rébellions touarègues. Elle a été un acteur central dans la signature de l’Accord de paix d’Alger en 2015, un texte fondamental pour la résolution des tensions dans le nord du Mali.
L’Algérie a également clairement affirmé son opposition à toute tentative de sécession ou de création d’un « État » sous la bannière de l’Azawad, contribuant ainsi à préserver l’intégrité territoriale du Mali. Cette position, bien que parfois mal comprise, reflète un engagement en faveur de la stabilité régionale et de la souveraineté des États.
Les tensions récentes : un appel à la raison
Cependant, comme dans toute relation, des tensions peuvent émerger. Les récents différends, marqués par des restrictions aériennes, des rappels d’ambassadeurs et des malentendus sur des incidents transfrontaliers, ont suscité des inquiétudes. Certains discours belliqueux, amplifiés par les réseaux sociaux, appellent à une confrontation qui serait non seulement inutile, mais également destructrice.
Une guerre entre le Mali et l’Algérie serait une aberration totale, un non-sens historique, culturel et géopolitique. Elle ne ferait que raviver des blessures inutiles, fragiliser davantage une région déjà instable et diviser des peuples qui ont tout à gagner en restant unis. Ceux qui attisent les tensions doivent prendre conscience des conséquences désastreuses de leurs propos. L’histoire nous enseigne que la violence ne résout jamais les différends, mais ne fait qu’aggraver les souffrances.
Un avenir commun à construire
Face à ces défis, il est impératif de renouer avec l’esprit de fraternité qui a toujours caractérisé les relations entre le Mali et l’Algérie. Le dialogue et la diplomatie doivent primer sur les provocations et les démonstrations de force. Les dirigeants des deux nations ont la responsabilité historique de préserver cet héritage commun et de travailler ensemble pour relever les défis régionaux.
L’Algérie et le Mali doivent également s’appuyer sur leurs nombreux points communs pour renforcer leur coopération économique, culturelle et sécuritaire. Ensemble, ils peuvent devenir un modèle de solidarité et de partenariat en Afrique, montrant qu’il est possible de surmonter les différends pour construire un avenir commun.
Mamadou Ismaïla KONATE
Avocat aux Barreaux du Mali et de Paris
Ancien Garde des Sceaux, ancien ministre de la Justice