Après l’échec de la dernière médiation entreprise par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le week-end du 18 et 19 juillet, une autre délégation de la région est attendue, jeudi 23 juillet, à Bamako, capitale du Mali, pour tenter de trouver un accord entre le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), et le « M5 » (mouvement de contestation dit du 5-Juin), plateforme hétéroclite où l’on retrouve les déçus du président, de la gauche laïque à l’islam politique.

Cette délégation de haut niveau réunit les quatre principaux présidents de la Cedeao : le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Sénégalais Macky Sall, le Ghanéen Nana Akufo-Addo et l’Ivoirien Alassane Ouattara. Il y a urgence à trouver une solution acceptée par tous, car Bamako est paralysé par un large mouvement de contestation déterminé à obtenir le départ du président malien.

Le M5 organise en effet, depuis le 5 juin, des marches de protestations le vendredi contre la mal gouvernance et la corruption. À sa tête, l’imam Dicko, ancien président du Haut Conseil islamique (HCI) de 2008 à 2019 originaire de Tombouctou. À 65 ans, il est la figure la plus importante du wahhabisme au Mali, pour qui les valeurs de la société doivent être conformes à celle de l’islam conservateur.

 Quelle est la nature de la crise dans le pays ?

Le facteur déclenchant a été la tenue des élections législatives des 13 et 19 avril qui, selon l’opposition, ont été l’objet d’une vaste manipulation de la part du clan IBK : tricherie, mensonge sur les résultats en faveur des élus du parti présidentiel. La validation de ces résultats par la Cour constitutionnelle a « achevé de dissoudre les liens de confiance entre la population, le président et l’intégrité des institutions maliennes », analyse Caroline Roussy, de l’Iris, dans une note parue le 3 juillet.

Confrontée à des difficultés économiques accentuées par la pandémie du Covid-19 et à une situation sécuritaire de plus en plus grave, la population est exaspérée, tandis que le président et ses proches sont régulièrement accusés de corruption et de népotisme : « L’affaire de Karim Keïta, le fils d’IBK, en est une illustration. Placé à la présidence de la Commission parlementaire de la défense au sein de l’Assemblée nationale malienne, il a dû démissionner en raison de son comportement », souligne le politologue Michel Galy, auteur de La guerre au Mali (La Découverte).

 

La circulation de vidéos privées le montrant en train de danser et de boire du champagne en Espagne a soulevé l’indignation des manifestants, le contraignant à quitter ses fonctions le 13 juillet. « Nous souffrons et ils se gavent », explique anonymement, un professeur d’université, résumant le sentiment général à Bamako.

La précédente tentative de conciliation de la Cedeao a buté sur un obstacle : l’exigence d’une démission d’IBK de la part du M5. Or, rappelle Michel Galy, le président malien a été élu démocratiquement, « largement et à deux reprises ». « Le scénario positif serait que la médiation obtienne l’annulation des élections législatives et une réforme constitutionnelle, ajoute-t-il. Un résultat qui aurait pu satisfaire le M5 au début de la contestation. Mais aujourd’hui ? »

L’échec est d’autant plus probable, souligne encore le politologue, que les quatre présidents chargés de la médiation ne sont pas tous des exemples de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.

Source: La-croix.com