Chacune dans son rôle, la majorité et l’opposition ont, en fin de semaine dernière, effectué des sorties largement médiatisées. La première, à l’occasion de l’An I d’Ibrahim Boubacar Kéita au pouvoir, pour tenter d’embellir et justifier une année que la seconde qualifie de catastrophique et désastreuse. Le peuple n’est pas dupe, connaissant les vraies intentions de l’une et de l’autre, et sait à quoi s’en tenir.
Ce sont les partis de l’opposition (Parena, URD, PS Yelen Coura, Pdes) qui ont donné le ton. Dès vendredi dernier, ils ont organisé un meeting à Paris pour se faire entendre des Maliens de la diaspora mais surtout de la France, chef de file de la communauté internationale au chevet du Mali, mais aussi ancien maitre colonisateur du giron duquel certains ont encore du mal à sortir. Quarante-huit heures plus tard, ces mêmes partis de l’opposition, auxquels se sont adjoints entre temps le PRVM, le Pids, le PSP, l’AFP, se sont retrouvés à Bamako pour une démonstration de force au cours de laquelle ils ont remué le couteau dans la plaie- pour certains, ils essayent de verser de l’huile sur le feu. Que reprochent-ils à IBK et à son gouvernement ?
En premier lieu de ne pas avoir résolu la crise du nord. Ils se sont fait un plaisir de rappeler à leurs nombreux auditeurs que si IBK a été élu (plébiscité) c’est parce qu’il avait promis aux Maliens, au cours de la campagne pour la présidentielle, de résoudre définitivement la crise du nord. Mais, au lieu de régler ce problème, IBK et son gouvernement l’ont aggravé et compliqué suite au voyage du Premier ministre, le 17 mai, à Kidal. Résultat : dans cette ville où l’armée et l’administration étaient présentes mais privées de liberté de manœuvre, le Mali n’a plus ni représentant officiel ni symbole de l’Etat après que des militaires eussent été massacrés et mis en déroute le 21 mai. Pire, le cercle de Ménaka et les alentours de Gao sont sous le contrôle des groupes armés.
Trop de scandales nuit à la crédibilité
Une autre promesse de campagne d’IBK, c’était d’assainir les finances publiques en menant une lutte sans merci contre la corruption, la fraude, la délinquance financière, la gabegie. Or, note l’opposition consternée, en un an de gestion, au cours duquel un premier chef de gouvernement horrifié par certaines pratiques a démissionné, IBK s’est révélé au grand public comme le président qui serait le plus grand auteur de mal gouvernance. Comme s’il les fabriquait, les pires scandales scandent le quotidien des Maliens. Des scandales relatifs à l’attribution présumée opaque de marchés estimés douteux concernant l’achat d’un second avion présidentiel et l’acquisition de matériels et équipements pour les forces armées et de sécurité. En plus de cette mauvaise gouvernance économique, l’opposition accuse également IBK de mal gouvernance démocratique. Le chef de l’Etat aurait laissé (suscité, encouragé ou instruit ?) sa famille, sa belle-famille et celle de son fils envahir l’espace public : pendant que Karim Kéita, fils du chef de l’Etat préside la très importante commission défense de l’Assemblée nationale, son beau-père est élu président du parlement. Révolté, IBK rétorque : Karim est un Malien comme tous les autres citoyens électeurs et éligibles, rien ne l’empêche d’être élu député ; indigné, il laisse entendre qu’il serait indécent de sa part de réchauffer le fauteuil présidentiel pour le beau-père de son fils. Sur le plan de la mal gouvernance politique, IBK n’est pas épargnée non plus : il laisserait libre cours à la « RPMisation » de l’administration et de tous les secteurs de développement.
D’ailleurs, ce même dimanche, un complot ourdi par le RPM, avec l’aval de la plupart des partis de la majorité, permis de débarquer Moussa Mara du fauteuil très convoité de président de la mouvance présidentiel au profit de Boulkassoum Haïdara, un cacique du parti présidentiel et un inconditionnel d’IBK. Le président du parti Yelema voit également son fauteuil de Premier ministre menacé, sachant que tôt ou tard IBK cherchera un bouc émissaire pour expliquer cette année « désastreuse et catastrophique. »
Discours trompeurs ?
Pour l’heure, il ne s’agit pas de cela mais d’expliquer aux Maliens ce qu’il a pu faire. En direct et en mondovision, le président de la République est sorti à la télé pour un bilan partiel. Auparavant, il avait chargé sa jeunesse de préparer le terrain. De tout cela, il ressort, contrairement à ce que dit l’opposition, qu’IBK n’aurait pas chômé. A son actif, la tenue, le 1er septembre 2013 des assises nationales du nord ; puis, quelques jours plus tard, la réunion (le 16 septembre 2013) des chefs des groupes armés et terroristes à Bamako, la chute de Kati et la mise en examen de militaires putschistes avec lesquels sa grande famille politique avait cheminé ; la tenue, dès le 22 octobre dernier, des états généraux de la décentralisation ; la « reconstruction de l’Etat et le rétablissement de son autorité » ; « la lutte implacable contre la corruption » ; « la mise en œuvre d’une stratégie de jeunesse » ; les pourparlers en juillet dernier entre le gouvernement et les groupes armés et terroristes ; les négociations, depuis le 1er septembre, en cours entre le gouvernement et six groupes armés, toujours à Alger.
Le peuple a écouté ébahi ces discours officiels qui prêtent beaucoup d’enjolivures à un attelage gouvernemental qui va laborieusement dans le mur, en se demandant sur quels critères IBK et ses amis se basent pour dire que les institutions financières internationales reviendront à de meilleurs sentiments, surtout que la sortie parisienne de l’opposition est perçue par beaucoup comme une manière de compliquer encore plus les relations entre le Mali et les partenaires techniques et financiers. Réussira-t-elle ? Ca se saura avant la fin de ce mois fatidique.
Abdel Hamy