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Mahamat Saleh Annadif (ONU): Mali, «le fait de reporter les Assises nationales est plutôt bon signe»

À quand des élections au Mali ? Comment faire face au défi sécuritaire au Burkina Faso ? Quelle suite pour la transition en Guinée, après la chute d’Alpha Condé ? Autant de dossiers suivis par le Tchadien Mahamat Saleh Annadif. Ancien patron de la MINUSMA, il est depuis avril dernier le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, basé à Dakar. Mahamat Saleh Annadif est l’invité de Charlotte Idrac.

RFI : Au Mali, on va de report en report dans le processus de transition, les assises nationales ont été reportées sine die… Est-ce que la situation politique vous inquiète ?

Mahamat Saleh Annadif : Pour moi, je trouve que le fait que les assises nationales aient été reportées est plutôt bon signe, parce que cela s’est passé après une rencontre assez élargie avec l’opposition, qui justement n’est pas d’accord pour la tenue de ces assises. Et j’ose croire que cela permettra un moment de réflexion, pour pouvoir déconnecter le chronogramme conduisant à des élections, qui est l’exigence de la Cédéao, et les assises nationales pour la refondation, qui sont une exigence des Maliens, que je respecte. Je trouve que l’un n’exclut pas l’autre.

Vous parlez d’incompréhension avec la Cédéao. Est-ce qu’on est dans un dialogue de sourds ?

On y était, à un moment donné. La Cédéao a une exigence. Elle a demandé que les élections puissent se dérouler en février 2022.

Mais cela semble intenable…

Maintenant, la Cédéao va avoir un sommet. Ce que je souhaite ce que les frères Maliens iront à ce sommet avec une proposition de chronogramme, qui fasse que l’on parle d’un décalage possible, mais au moins qu’ils arrivent avec une proposition qui permettrait à ce que la Cédéao puisse l’apprécier.

Au Burkina Faso, depuis une semaine, un convoi de Barkhane est bloqué. On a entendu des messages virulents à l’endroit de la force française. Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette lassitude ?

Je comprends les Burkinabè, qui vivent depuis trois-quatre ans une situation difficile, ajoutée à la question du Covid. Je crois que je comprends l’exaspération des jeunes Burkinabè. Un sursaut est possible, la lutte contre le terrorisme est une lutte que l’on peut gagner, mais dans le moyen et long terme. Mais pour cela, les populations ont besoin d’être solidaires de leurs autorités, de leurs forces de défense et de sécurité, pour ne pas faire le jeu de l’ennemi.

Pour Paris, le déploiement de la société privée russe Wagner au Mali serait « inacceptable ». Qu’est-ce que vous en pensez ?

Ça c’est un principe. Je ne vois pas l’aspect politique. Je vois l’aspect opérationnel, comment faire en sorte qu’il y ait une coordination entre les forces onusiennes, les forces qui sont régies par la loi, avec des forces dont on ne connaît pas leurs règles d’engagement.

En Guinée, le colonel Doumbouya ne donne pas de date pour les futures élections. Vous aviez parlé, lors d’une de vos visites à Conakry, d’une durée de transition raisonnable. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ?

J’ai toujours dit qu’un coup d’État, d’abord, en lui-même, c’est déjà violer les principes constitutionnels. Et la moindre des choses c’est de proposer un chronogramme, mais de ne pas rester sans rien dire. C’est cela, j’ai parlé d’un délai raisonnable…

La Cédéao demandait six mois…

Nous disons qu’il faut qu’ils proposent quelque chose. S’ils ne sont pas d’accord avec les six mois, qu’ils disent quel est le délai qu’il leur faut. Et nous disons par délai raisonnable, un délai consensuel entre la Cédéao et les autorités de la transition de la Guinée.

Vous avez rencontré Alpha Condé lors d’une de ses visites à Conakry, en septembre – le président renversé – est-ce que vous avez de ses nouvelles ?

Les nouvelles que j’ai, c’est qu’il se porte bien.

Donc vous avez des garanties sur sa sécurité, sa santé ?

Garanties c’est trop dire, mais jusque-là il se porte bien.

La Gambie se prépare à une élection présidentielle le 4 décembre prochain, vous y étiez donc tout récemment… Les victimes du régime de Yahya Jammeh craignent de tomber dans l’oubli. Est-ce que c’est un dossier qui est suivi de près par à l’ONU, à New York ou ici, à Dakar ?

Oui nous suivons très, très bien les résultats et les recommandations de la Commission justice, vérité et réparation. On fait en sorte que ces victimes ne puissent pas être oubliées. L’autre pendant qu’il ne faut pas occulter non plus, c’est que c’est un moment extrêmement important pour consolider l’alternance démocratique en Gambie. Nous estimons que l’on peut faire les deux.

Le Sénégal aussi, se prépare à des élections locales. En mars dernier, votre prédécesseur s’était publiquement inquiété de la détérioration du climat politique de l’époque. Le Sénégal est-il toujours, selon vous, ce pilier de la démocratie en Afrique de l’Ouest, comme le disent souvent les partenaires étrangers ?

Nous disons toujours que l’expérience sénégalaise reste encore un modèle. Mais parlant du Sénégal, je dis tout simplement qu’il y a eu les événements de mars 2021, qui ont été une sonnette d’alarme, c’est clair. Mais je crois que depuis lors beaucoup de mesures ont été prises. J’ose croire que les élections locales qui se dessinent, vont se dérouler dans une ambiance plutôt pacifique, qui confirmera tout simplement ce que nous espérons et ce que nous attendons du Sénégal.

 

Source : RFI

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