Le président français Emmanuel Macron a nommé en novembre 2023 son homologue sénégalais Macky Sall « envoyé spécial pour le Pacte de Paris sur les Peuples et la Planète (4P) ». La nomination de Macky Sall à cette fonction procédait de la volonté de lui trouver un point de chute après qu’il a annoncé en juillet 2023 qu’il ne se présenterait pas à l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Finalement, rien ne s’est passé comme prévu. Macky Sall a fait pire que s’il était candidat à la présidentielle. Il a tout bonnement annulé l’élection présidentielle et fait prolonger par l’Assemblée nationale son mandat jusqu’en décembre 2024. Or, la Constitution sénégalaise, qui est bien au-dessus d’une loi votée hier dans la confusion au Parlement, exclut toute possibilité de prolonger le mandat du président de la République. En clair, à partir du 02 avril 2024, date de la fin de son mandat, Macky Sall perdra toute légitimité à se prévaloir de la qualité de président de la République du Sénégal.
A supposer même qu’il réussisse son coup de force et qu’il organise la présidentielle en août 2024 et passe le témoin à son successeur, Macky Sall pourra-t-il assumer ses fonctions d’Envoyé spécial du Pacte de Paris sur les Peuples et la Planète, qui ne relève pas de la seule France? D’autres pays liés par le Pacte ne voudront pas comme interlocuteur un homme qui a foulé la démocratie dans son pays. Macron se retrouve donc face à un sacré dilemme : s’il maintient Macky Sall comme Envoyé spécial, celui-ci ne pourra pas assumer ses fonctions ; s’il le vire cela sera considéré comme un désaveu cinglant.
Réaction timide de la France
La réaction très mesurée de la France après la décision de Macky Sall d’arrêter le processus menant à la présidentielle traduit bien l’embarras des autorités françaises. Cette posture pourrait toutefois se révéler contreproductive pour la France. En effet, il y a des risques qu’elle soit perçue comme un feu orange au « coup d’Etat constitutionnel » du président sénégalais. Le choix de la France de rester dans l’ambiguïté face aux développement de la situation au Sénégal est incontestablement la preuve que Paris n’a pas tiré les leçons des violences politiques qui ont secoué le Sénégal en mars 2021 et juin 2023. Dix des quatorze magasins du groupe français Auchan avaient, à cette époque, été pillés à Dakar par des émeutiers qui s’en étaient également pris aux stations-service Total et aux boutiques Orange.