Le Vérificateur Général, a remis au Chef de l’État Ibrahim Boubacar Keita, la liste des personnes épinglées pour leur gestion dans le rapport 2015 du BVG. Dans ce dossier, la mauvaise gestion des structures étatiques est l’une des raisons qui justifient les difficultés de Trésorerie publique que vit le Mali. Pourtant, ces instruments et moyens de lutte pour l’assainissement des Finances publiques ne manquent pas de soins ; du moins en apparence… C’est peut-être la volonté politique des gouvernants qui fait défaut.
Aujourd’hui, la chose est d’autant plus vraie que le parlement n’a pas pu s’empêcher d’interpeller le gouvernement, au sujet de l’utilisation faite des rapports d’audits lancés dans tous les services publics. Et le cas des milliards disparus dans le cadre de l’achat de l’avion présidentiel et du marché de matériels militaires auxquels s’ajoutent les rapports 2013 et 2014 du Vérificateur qui viennent relancer le débat sur les scandales financiers sous le régime IBK en nombre croissant.
Aujourd’hui, s’il y a une affaire qui défraie la chronique au Mali, c’est bien celle de détournement de fonds de 70,13 milliards milliards de francs CFA retenus dans les rapports 2013 et 2014 du Vérificateur.
Cela n’est certes pas une première au Mali qui compte beaucoup d’éléphants blancs en la matière, comme les détournements de fonds dans le domaine de la filière coton : une fraude de 2 milliards de francs CFA dans la fourniture d’intrants agricoles au titre de la campagne agricole 2015-2016. On se souvient aussi de l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel (20 milliards CFA) et du marché de matériels militaires (une surfacturation de 29 milliards de francs CFA qui avait éclaté en 2014. Mais cette dernière affaire à de quoi faire ergoter. En effet, mis en cause et chassé du gouvernement par ce scandale, lors de la mise en place de l’équipe du PM Modibo Keita, Moustapha Ben Barka, l’ex-ministre de la promotion des investissements et de l’Industrie, est allé prendre fonction au Secrétariat général de la Présidence, comme l’Adjoint du Secrétaire général de la présidence, comme si de rien n’était.
L’affaire n’aurait peut- être pas fait autant de bruit, si cette nouvelle fonction ne lui garantissait pas une certaine immunité qui pourrait le prémunir d’une éventuelle action judiciaire. Ce qui a occasionné des mouvements de protestations.
C’est pourquoi malgré la solennité de l’heure, l’on peut comprendre le coup de gueule de l’opposition malienne, qui s’est insurgée. Ces bourdes de l’opposition sonnent comme un coup de semonce pour la fin de l’impunité, car, pour avoir été au cœur du système, l’opposition sait certainement de quoi elle parle. Et si la culpabilité des mis en cause venait à être établie, ce serait vraiment indécent qu’après avoir commis des actes aussi répréhensibles, ces gens cherchent à se payer une certaine impunité en venant s’abriter sous la carapace de la République. Mais que voulez-vous ? On est au Mali où la gestion de la chose publique est devenue un fonds de commerce pour certains individus sans scrupule qui arrivent, par une gymnastique dont ils sont seuls à avoir le secret, à se maintenir aux affaires malgré leurs turpitudes. Ils ont beau être éjectés du système par la porte, ils trouveront le moyen d’y revenir par la fenêtre. Quand ils ne sont pas tout simplement, dans une symphonie bien orchestrée de chaises musicales au sommet de l’État, valsés de ministères en ministères ou d’une institution à une autre, comme s’ils étaient des experts en tout. Tout cela, dans l’impunité la plus totale.
Détournements et corruption hypothèquent l’émergence du Mali
Le Mali doit se réveiller et avoir le courage de se regarder dans le miroir. En effet, ce qui se passe au Mali est symptomatique de la situation de la majorité de nos états africains où les vertus de la bonne gouvernance ne sont pas la chose la mieux partagée. La course à l’enrichissement illicite a atteint un tel niveau d’affaissement moral que les dirigeants honnêtes sont aujourd’hui en passe de devenir des cas erratiques. Heureusement qu’il en existe quand même.
Mais il faut que les choses changent. Car les détournements et leurs corollaires que sont la corruption, la gabegie et le népotisme sont des fléaux qui gangrènent le pouvoir et hypothèquent le développement du Mali. Ce sont des maux qui sont certes aussi visibles dans les pays riches, mais leur impact y est moins fort que dans les pays sous-développés. En effet, quand la corruption et les détournements se tiennent la main, cela fait très mal aux économies du Mali. Et le pays ne peut pas se payer le luxe d’abriter de tels fléaux, eu égard à ses économies déjà bien fragiles.
Autrement, il serait utopique de parler d’émergence dans notre pays. Un concept trompeur à l’heure actuelle, dont se servent nos gouvernants pour se donner une image à l’extérieur, mais qui cache au fond une réalité bien laide, qui profite à une minorité, au préjudice de la grande masse des populations les plus vulnérables. Ces milliards de francs CFA qui, s’ils ne sont pas utilisés à d’autres fins, sont simplement dissipés sans autre forme de procès comme cela semble le cas ici. Et le plus grave, c’est que les sanctions, quand elles existent, ne sont jamais à la hauteur des forfaits commis. Si fait qu’au lieu d’être dissuasives, elles ne sont ni plus ni moins que des encouragements à ce genre de mauvaises pratiques.
Tout cela, à cause d’une gouvernance politique viciée à la base, et marquée par une forte propension des gouvernants à s’éterniser au pouvoir, par tous les moyens. Y compris en utilisant des concepts creux pour tromper le peuple afin de préserver et servir des desseins personnels et claniques. Le Mali doit se réveiller et avoir le courage de se regarder dans le miroir, afin que les choses changent positivement. Il y va de la survie du Mali dont le défi majeur pourrait se résumer en ce 21ème siècle en deux concepts essentiels : alternance et bonne gouvernance. C’est le combat du Mali d’aujourd’hui et de demain. L’impunité sélective est-elle en marche au Mali?
En tous cas, l’économie malienne continue de saigner sous le coup de la mauvaise gestion, la corruption et autres formes de malversations financières, du fait d’un manque de rigueur et surtout de volonté politique dont font montre les différents régimes qui se sont succédés jusque-là. Si le régime IBK a semblé manifester un intérêt particulier pour la lutte contre l’impunité au Mali, on peut bien remarquer que son engagement s’est limité aux beaux discours sans faits palpables et suffisamment concrets.
Décidemment, l’impunité s’érige en mode de gestion au sommet de l’État et dans toutes les structures décentralisées de l’État. Pour conjurer le mal, IBK devra accepter de rendre justice au contribuable malien. Surtout qu’il a la liste des détourneurs en rond.
Jean Pierre James