Le Bateau-Mali tangue, dangereusement. Il est loin d’une exagération de style que de dire que le pays est en situation d’état urgence sur tous les plans. L’alerte sécuritaire a franchi tous les seuils de tolérance, le thermomètre social s’affole dans un contexte de conjoncture financière exacerbée par la corruption et la mauvaise gouvernance.
La multiplication des attaques terroristes, de plus en plus meurtrières, a obligé le Gouvernement à appeler à renforcer le soutien aux FAMa dans leur mission sacrée de défense de l’intégrité territoriale et de protection des populations, mais aussi à l’indispensable remobilisation pour assurer la survie de la mère patrie.
Face à la revendication légale et légitime des enseignants, l’État, très mal conseillé, est ballotté entre sa volonté constitutionnelle d’assurer l’éducation à ses enfants pour baliser la voie du progrès et du futur et l’insoluble équation de la rareté de ses ressources. Son appel, pour un temps maladroit, reste inaudible dans un monde enseignant où les susceptibilités et l’orgueil blessé sont en passe de pervertir une lutte syndicale dont nul ne peut contester les fondements.
Au même moment, à Bamako, en voie de devenir un Far West sous-régional, d’autres syndicats (santé et transports) déterrent la hache de guerre. La convocation du Collège électoral pour suppléer à la vacance parlementaire libère tous les démons politiques et alter politiques. Les groupes armés en profitent pour se livrer à leur jeu favori, le chantage, tandis que l’Opposition y voit une occasion de faire une pression supplémentaire. En attendant que sortent les femmes et les jeunes du bois.
Le contexte de guerre et la situation politico-sociale que personne n’ignore aujourd’hui commandent de la part de chacun et de l’État de gros efforts d’apaisement et de sacrifices incompressibles. Pour préserver le Mali, il faut penser Mali et agir Mali. En effet, pour sauver ce Mali, la case commune, il faut aller au-delà des discours et de la bonne volonté affichée. Faute de prendre langue avec les djihadistes maliens, il nous faut nécessairement parvenir à une trêve au moins sur le plan politique et social.
Il ne s’agit pas là d’une pirouette pour geler, pour mettre à l’encan les revendications et les processus en cours, ni même un stratagème pour sauver le régime, mais d’une paix patriotique pour s’accorder sur l’essentiel et faire face ensemble à l’urgence. Au cours de cette trêve patriotique, il sera du devoir de l’État de réévaluer (et non remettre en cause), avec les acteurs politiques et sociaux, ce qui est faisable, ce qui ne l’est pas, afin de les réaliser dans un chronogramme convenu. Cette pause patriotique ne devrait entraîner aucun bavardage inutile sur les acquis politiques et sociaux.
Sortons des logiques de petits groupes pour s’arrêter un sur la direction dangereuse que prend notre pays. Il en va de notre honneur à tous et du salut pour notre pays.
PAR BERTIN DAKOUO
INFO-MATIN