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L’Union européenne peu mobilisée en République centrafricaine

A moins de deux semaines d’un important sommet européen (19 et 20 décembre) consacré à l’Europe de la défense, l’Union européenne (UE) adresse un mauvais signal, ou du moins un message contradictoire, en République centrafricaine (RCA).

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Comme au Mali, l’Europe est absente de la gestion immédiate de la crise en RCA. Et c’est donc Paris qui assure les opérations de rétablissement de l’ordre et de la paix. Après le vote de l’ONU, jeudi, la France, « autorisée à prendre temporairement toutes mesures nécessaires », a déployé 1 600 militaires dans ce pays de près de 623 000 km² et de quelque 5,1 millions d’habitants, en proie au chaos depuis le renversement, en mars dernier, du président François Bozizé.

Si les Etats africains ont réagi – l’Union africaine a ainsi promis de porter à 6 000 soldats les effectifs de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine), qui compte déjà 2 500 hommes sur le terrain, que fait donc l’UE ?

Certes, l’Union fournit une aide humanitaire. La Commission européenne a annoncé, dimanche 8 décembre, l’organisation d’un pont aérien entre Douala, au Cameroun, et Bangui, la capitale centrafricaine, pour appuyer les opérations humanitaires, a rapporté RTL. Vendredi, l’UE a décidé de débloquer 50 millions d’euros supplémentaires pour la RCA (en plus d’environ 50 millions d’euros déjà prévus au titre de la coopération et de l’aide au développement).

Par ailleurs, plusieurs pays européens fournissent des moyens de transport pour les troupes françaises et leur matériel, notamment le Royaume-Uni, qui déploie un avion C-17 Globemaster à grande capacité d’emport. C’est le premier pays européen à s’engager aux côtés de la France, apportant son aide en logistique en transport stratégique.

Lire : Quels sont les moyens étrangers déployés en Centrafrique ?

L’Allemagne devrait également mettre à disposition des moyens de transport stratégique (type Airbus A310) pour amener matériels et/ou hommes vers N’djamena (Tchad) ou Libreville (Gabon). Berlin aurait également proposé des avions ravitailleurs en vol. Mais leur intérêt est limité compte tenu de la nature des opérations, essentiellement terrestres. D’autres pays envisagent de fournir une aide logistique, comme la Belgique. Mais aucun déploiement militaire européen n’est envisagé.

PLUSIEURS OPTIONS POSSIBLES

Pourtant, plusieurs options sont (ou devrait-on dire « étaient ») possibles. Notamment l’utilisation d’un « battlegroup », ou groupement tactique, européen.

Ces derniers ont été créés en 2004 afin de fournir à l’Union européenne des moyens de réaction rapide. « Composés de 1 500 hommes, déployables en 15 jours pour une période d’au moins 340 jours, ce sont les seuls instruments de projection militaire de l’UE, mais ils n’ont jamais été utilisés, faute de volonté politique. Lors de la crise au Mali, le groupe en alerte (France-Allemagne, Pologne) n’a pas été mobilisé », souligne La Croix.

Nicolas Gros-Verheyde, qui anime le blog spécialisé sur l’Europe de la défense (Bruxelles 2), ajoute : « De fait, entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, peu enclins à envoyer des troupes au sol sous drapeau européen, par principe ou par pragmatisme, et des Grecs, Roumains et Bulgares désargentés, l’Europe préfère la stratégie du carnet de chèques à celle de l’emploi de la force…»

La France aurait pu aussi, comme elle le fit par exemple en Ituri, dans l’est de la République démocratique du Congo (lors de l’opération Artémis du 6 juin au 6 septembre 2003), se poser en nation-cadre d’une opération estampillée UE, assurant l’essentiel des moyens humains (80 % des 2 200 militaires déployés sur le terrain étaient français) mais surtout de commandement, en fédérant sous sa direction des troupes de plusieurs pays européens, même d’effectifs très modestes. Le symbole aurait été fort. Mais on est loin de ce cas de figure.

Quant à une véritable mission militaire européenne, il faudrait des mois pour la mettre en place. Cette perspective semble donc peu réaliste.

Il paraît probable que, comme au Mali, l’UE interviendra, une fois le travail de pacification fait par la France, sous la forme d’une mission de soutien auprès de l’armée centrafricaine. « On s’orienterait plutôt vers une intervention de second niveau : pour aider au désarmement, à la réintégration des rebelles, ou restructurer l’armée ou les forces de sécurité centrafricaines une fois la crise aiguë passée, un peu à la manière de ce qui a été fait pour EUTM Somalia ou EUTM Mali », souligne M. Gros-Verheyde.

L’EUROPE DE LA DÉFENSE PEINE À SE CONSTRUIRE

L’Europe de la défense, en tout cas sous sa forme la plus engagée – c’est-à-dire sous la forme d’opérations militaires relativement conséquentes –, semble bien mal en point. Quinze ans après le sommet franco-britannique de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998 qui l’avait relancée, celle-ci doit encore faire ses preuves.

Peut-on s’attendre à un sursaut lors du prochain sommet de Bruxelles ? On peut en douter au vu de la gestion des crises récentes en Afrique subsaharienne. L’Europe, « c’est un continent qui a démissionné sur l’idée de peser sur les grands équilibres du monde », a déclaré récemment Hervé Morin, ancien ministre de la défense français.

Moins « sceptique », Arnaud Danjean, président de la sous-commission défense au Parlement européen, insiste, dans un rapport publié le 31 octobre 2013 sur la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) pour relancer l’Europe de la défense, « sur la nécessité de veiller à ce que l’Union soit en mesure de contribuer, par des opérations de gestion de crise, à la prévention, à la stabilisation et à la résolution des conflits (…) ».

Le député européen observe « avec inquiétude que le nombre et le délai de mise en place des missions et opérations de la PSDC, ainsi que le développement des moyens et capacités civiles et surtout militaires de la PSDC ne sont pas à la hauteur des besoins, compte tenu de l’insécurité et de l’instabilité croissantes dans le voisinage de l’Union ».

Et il déplore, en particulier, la portée globale limitée des missions de la PSDC relatives aux crises en Libye et au Mali, ainsi que « le manque de souplesse des procédures décisionnelles de l’Union, à l’origine de retards de réaction dans les scénarios de crise, comme le montrent ces deux exemples… »

Et l’eurodéputé de mettre aussi Paris en garde : « Le Mali c’est un milliard (d’euros de dépenses) . La Centrafrique, ce sera sans doute moins, mais la France ne pourra pas éternellement agir seule partout dans le monde… »

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