La reforme de l’assurance maladie obligatoire aujourd’hui commence à s’insérer dans l’univers des reformes sociales de notre pays. Cela est du au fait que, la ténacité et la capacité des hommes et des femmes qui ont la charge de mener cette reforme, qui à ses débuts avait été victime d’une stigmatisation voire une manœuvre de l’Etat pour spolier les travailleurs. Après une longue période de sensibilisation et de communication, l’AMO est aujourd’hui devenue une denrée très convoitée par le peuple malien. Pour connaitre la recette miraculeuse de l’équipe dirigée par Ankudjo Luc Togo, DG de la CANAM nous y avons fait un tour. Et il pense que : » si la pente positive sur laquelle est la reforme, se maintien les difficultés ne seront que de mauvais souvenirs dans 2 ou 3ans ».
Le Pays : Depuis bientôt quelques années, nous avons vu un système d’assurance maladie, prendre corps par la grâce de l’Etat malien, qui vient en grand appui aux citoyens maliens qui se sont intéressés à l’offre. Dites-nous, quelles sont les raisons d’une telle initiative?
LT : je vous remercie encore une fois de me donner l’occasion de parler de l’Assurance Maladie Obligatoire. Au Mali comme dans beaucoup de pays africains, les gouvernements ont senti la nécessité de mettre en place un système d’assurance public pour faciliter l’accès des bénéficiaires aux soins de santé. Ce qui se passe en général est que quand vous êtes malades, vous payez directement de votre propre poche toutes les dépenses qui se rapportent à vos soins. Ceci est contraignant et fait que les gens ne se sentent pas dans les dispositions de supporter la prise en charge des différents soins et ils ne vont pas se soigner. Cela fait que leur accès est limité à cause des aspects financiers. C’est cette barrière que l’AMO doit lever en facilitant l’accès des gens aux soins. A travers le système de l’assurance maladie, vous payez un peu d’argent et grâce à la solidarité vous êtes pris en charge quelque soit les besoins. Cela a fait son chemin dans beaucoup de pays développés et de plus en plus de gouvernements sont conscients qu’il faut aller à cela. Dans certains pays on l’appelle sécurité sociale. Quelque soit la dénomination, c’est un système assuranciel basé sur la solidarité permettant aux gens d’accéder à moindre frais aux soins de santé.
Le Pays : Quelles sont les couches de la population pouvant bénéficier de l’offre et comment les dépenses de soins des personnes enrôlées sont-elles partagées entre votre service et la personne concernée ?
LT : Au Mali, l’AMO concerne les fonctionnaires civil et militaire ; les travailleurs au sens du code du travail ; les pensionnés et leurs ayants droits (les enfants, les conjoints, et le cas particulier du Mali, les ascendants s’ils ne sont pas assujettis à l’assurance). Pour bénéficier des soins, le préalable c’est la cotisation, et le propre de cette cotisation est que vous cotisez selon vos moyens, mais vous êtes pris en charge selon les besoins qui se présentent. C’est éminemment la solidarité. En d’autres termes, ça veut dire que si vous avez 200.000 F CFA de revenus, vous cotisez plus chers que celui dont le revenu se limite à 50.000FCFA, car la cotisation est faite en terme de taux par rapport à vos revenus. 3% sur 200.000 c’est supérieur à 3% sur 50.000. Mais quand vous tombez malade vous êtes tous pris en charge dans les mêmes conditions, car c’est la solidarité. Pour accéder aux soins, il ya des modalités. Une fois dans un établissement prestataire sur l’ensemble de ce qui vous devez payer dans un cas d’ambulatoire, vous payez 30% et les 70% sont à la charge de l’assurance. En cas d’hospitalisation, le taux de prise en charge de l’assurance est de 80% et le bénéficiaire paie 20%. Et cela couvre les frais de consultation, les analyses biomédicales, l’imagerie médicale, les médicaments, les frais d’hospitalisation et les actes.
Le Pays : Dénommée Assurance Maladie Obligatoire, l’AMO à ses débuts, avait été victime d’une mauvaise image véhiculée par certains syndicats et pour la cause, elle n’avait pas reçu l’adhésion de nombreux citoyens. Aujourd’hui où en sommes-nous?
LT : Au regard de ce que nous vivons aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir de ce que l’AMO se porte de mieux en mieux. Parce que en partie par rapport à ce que j’appelle un peu le front social, les gens se sont rendus compte de plus en plus que la reforme intervient pour soulager les travailleurs. Au départ, il y a eu beaucoup d’incompréhension à partir du fait qu’il aurait fallu davantage d’informations et de communication ; et cela a joué énormément sur l’acceptation, surtout au niveau de la base de certaines organisations de travailleurs bien que les 1er responsables de ces organisations ont été associés à l’élaboration de tout le processus qui a démarré en 2001. Aujourd’hui nous pensons que, vu ce qui se passe sur le terrain, c’est-à-dire l’effectivité des services au sein des établissements de soins, vu les informations que nous ne cessons de donner, beaucoup de gens se sont rendus compte que cela valait le coup d’avoir une position positive. Ce faisant, les gens qui étaient réticents au début ont fortement révisé leurs positions y compris ceux là qui, un moment ont demandé à partir et qui ont été remboursé et qui reviennent, souvent un peu gêné mais reviennent tout de même, parce que pour la plupart disent-ils, qu’il y a eu incompréhension au départ. Tant mieux. Nous espérons que cette pante positive soit maintenue en même temps que nous avons comme défi, d’améliorer sans cesse la qualité de la prise en charge, c’est cela qui fera surtout vendre le produit. Que ce qui est dit soit fait et pour cela on est toujours sur une dynamique d’amélioration et cela en rapport avec les prestataires qui sont nos 1ers partenaires.
Le Pays : Depuis votre arrivée à la tête de la structure, les choses semblent aller de mieux en mieux et la ruée des citoyens vers l’AMO est patente. Dites- nous, quelles sont les stratégies que vous avez mises en place pour la réussite de cette bonne politique de sensibilisation?
LT : Honnêtement, je dirai qu’il y a aujourd’hui de ma part la nécessité de féliciter l’ensemble du personnel. Si aujourd’hui nous sommes sur une pente positive, c’est grâce à l’effort de tout un chacun. Au démarrage il y a eu d’énormes difficultés, mais le personnel a fait ce qu’il peut. Le contexte était tel que avouons le, vous avez tous été témoins, n’était pas facile. Du début jusqu’à nos jours, je pense qu’il faut remercier et féliciter tous les acteurs, toute l’équipe qui a travaillé ici, qui a été disponible et à des égards compréhensifs par rapport à tout ce qui se passait tout autour de nous. Nous avons eu nécessairement à constater que grâce à ce courage, à cette abnégation des uns et des autres, les efforts finalement ont donné fruit. En parlant d’effort, c’est surtout le souci de communiquer, de sensibiliser qui a été de plus en plus au centre de nos préoccupations. Le souci de l’amélioration des soins en termes de prise en charge pour les assurés est au quotidien le notre. C’est pour cela que par rapport aux premières années, au niveau des établissements de prise en charge, il y a eu beaucoup de changements. Les relations avec les partenaires est aussi en permanence notre souci. Celui de les placer au devant des choses, c’est-à-dire maintenir les professionnels en capacité d’honorer les conventions que nous avons signées, d’où les formations qui ont été organisées en direction des prestataires et qui ont généralement bien suivi et ont contribué progressivement à améliorer la maitrise des supports à leur niveau. C’est tout cela qui fait que nous avons l’impression en toute modestie que le produit AMO, aujourd’hui s’insère dans le paysage des reformes et les gens ont une lecture plus valorisante vis-à-vis de ce produit. Gageons que d’ici deux ou trois ans, les difficultés que nous avons connues soient derrière nous. En tout cas, si la pente est ainsi maintenue l’AMO se conforterait au bénéfice et à la satisfaction des assurés.
Le Pays : La CANAM, pour la bonne marche de l’AMO, travaille avec d’autres structures qui ont la charge de recenser les travailleurs affiliés par leur canal et d’autres qui doivent opérer des recouvrements. Mais des dernières nouvelles, il y aurait un retard accusé dans l’un ou l’autre des cas. Est-ce à dire que ces structures constituent des goulots d’étranglement pour la bonne marche de la réforme?
LT : Vous savez dans la gestion de l’AMO, comme vous l’avez si bien dit, la CANAM est le responsable de la gestion du régime mais pour tenir compte de la réalité de notre pays, le montage sur le plan organisationnel fait que l’INPS et la CMSS, qui pour les autres branches, couvrent déjà des catégories bien déterminées : les fonctionnaires pour la CMSS et les travailleurs pour l’INPS. Ces organismes ont en délégation de la part de la CANAM un certain nombre de tâches : La collecte des cotisations, le payement des prestations. Il y a une convention de délégation qui lie la CANAM à ces organismes, pour que elles puissent drainées les cotisations des catégories qui leur sont assujetties et de payer les prestataires (les hôpitaux, les pharmacies, les laboratoires etc.). Vous savez, nous venons de très loin et c’est nouveau. Ces organismes n’avaient jamais organisé une collecte de cotisation pour l’AMO. Cela n’existait pas. Donc c’est tout une organisation à mettre en place pour que petit à petit les choses aillent bien et qu’on fonctionne à satisfaction. C’est un processus qui prend son petit temps. Nous ne pouvons pas nous plaindre qu’il y a catastrophe, mais il y a beaucoup de choses qu’il faudrait améliorer. La tâche n’a pas été facile, parce qu’au démarrage de l’AMO, des décisions ont été prises par les autorités d’alors pour dire que contrairement à ce que la loi prévoyait il fallait rendre volontaire. Cela a eu une répercussion sur la maitrise des effectifs avec le va et vient. Aujourd’hui je suis la dedans, demain je ne le suis plus. Ça ne facilite pas la maitrise des effectifs et conséquemment, celle des cotisations. Toutefois, on ne dit pas que la situation est dramatique. L’autre aspect de la délégation est le payement des prestataires, par la CMSS et l’INPS. Là aussi, il faut savoir que c’est nouveau. Donc il fallait mettre les instruments en place et aller à un rodage progressif. Aux premières heures, on a senti qu’il y avait quelque retard au niveau des pharmacies surtout, parce que la loi ne donnait que 15 jours pour le payement. A l’œuvre, on a vu que c’est très contraignant. Mais avec les efforts qui ont été faits, on se rend compte que les institutions qui s’occupent du payement ont intégré un certain nombre d’initiatives dans leur façon de faire. Ce qui fait qu’on a moins en moins de plainte à ce niveau, car au début, à cause des problèmes similaires, certaines pharmacies refusaient de fournir tout simplement les services. Aujourd’hui ce sont des choses que nous voyons de moins en moins. En tout cas aussi bien à la CANAM, à la CMSS ou l’INPS, il y a un certain nombre d’initiatives qui ont été de commun accord intégré dans la façon de faire et cette amélioration continue, on va vers la déconcentration du payement. C’est-à-dire toutes les factures qui viennent de l’intérieur soient payées dans les régions. Cela pourra fortement améliorer la situation, mais il faut reconnaitre qu’aujourd’hui il y a beaucoup d’avancées qui ont été faites et les plaintes se font rares.
Le Pays : Quel message lancez- vous à l’endroit de ceux qui sont toujours réticents quant aux réels bienfaits de l’AMO?
LT : L’appel traditionnel que j’ai à lancer est que tous ceux qui sont assujettis, ont la possibilité toutes les fois qu’ils n’ont pas suffisamment d’informations, qu’ils viennent chercher l’information. Bien que nous ayons le devoir d’informer les gens, mais toutes les fois qu’une personne pense qu’elle n’est pas en possession des informations qu’elle prenne attache avec nos services afin d’avoir tout ce qu’il faut savoir sur la reforme. Que les gens viennent se faire immatriculer. Si la CANAM avec les OGD (Organismes gestionnaires délégués) ne sont pas encore venus vers eux, qu’ils fassent l’effort de venir s’enrôler afin de pouvoir bénéficier des soins. Nous comptons sur la compréhension des uns et des autres car les reformes sociales sont difficiles. On n’a jamais l’unanimité. Mais nous avons la conviction que l’AMO fait œuvre utile et le défi aujourd’hui est d’aller au delà de l’AMO pour une couverture universelle pour la prise en charge des paysans et les travailleurs du secteur informel qui représentent près de 80%.
Hamidou
Boubacar Yalkoué
SOURCE: Le Pays