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L’œil de Le Matin : Inverser notre pyramide de développement pour mieux gérer l’urbanisation

Un Malien sur deux sera citadin en 2024 ! Telle est la révélation faite par le gouvernement à l’occasion de la Journée mondiale des villes célébrée chaque année le 31 octobre. «Agir localement pour devenir global» était cette année le thème international de la célébration à travers des activités organisées entre le 3 et le 31 octobre 2022 dans notre pays.

 

«Compte tenu du rythme d’accroissement des villes maliennes (5,1%), particulièrement de la capitale (5,4%, l’un des plus élevé en Afrique), on estime qu’un Malien sur 2 habitera dans les villes en 2024 avec tout ce que cela comporte en matière de développement urbain durable : emplois urbains, infrastructures, services urbains, protection de l’environnement», a expliqué Bréhima Kamena, ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Domaines, de l’Aménagement du territoire et de la Population, lors de la cérémonie officielle.

Officiellement, notre Politique nationale de la ville (PONAV) a été élaborée pour rendre les centres urbains conviviaux et harmonieux, renforcer les économies locales pour améliorer les capacités d’autofinancement des villes et favoriser l’expression des diversités socioculturelles. Mais, apprendre qu’un Malien sur deux sera citadin en 2024 ne doit pas beaucoup nous réjouir. Et cela d’autant plus qu’il faut voir les défis en termes d’accès aux services sociaux de base de qualité (eau, santé, éducation…) à la sécurité, à la mobilité urbaine… Ce à quoi nous ne parvenons plus depuis des décennies. Quand on regarde aujourd’hui les couches qui habitent nos villes, la capitale par exemple, on peut mesurer tous les enjeux et les défis qui nous attendent.

A cause de l’exode rural, la population de nos villes ne cesse de grossir. Malheureusement, ceux qui quittent la campagne pour la ville deviennent des acteurs inactifs du développement. Ils apportent très peu à l’économie nationale et au développement des zones rurales. Et cela d’autant plus qu’ils sont désoeuvrés. En effet, ils ne sont pas nombreux ceux qui ont aujourd’hui un boulot leur permettant de vivre décemment à Bamako où dans un autre centre urbain et soutenir leurs familles au village.

Il n’est pas ainsi rare de voir des gaillards se promener des journées entières avec des marchandises dont la valeur demeure modique. Comment vivre de cela (manger, se loger…) et espérer réaliser des bénéfices et épargner afin de réaliser ses ambitions socio-économiques ? Mais, il est aussi difficile de leur en vouloir parce qu’ils sont nombreux à céder au mirage de la ville à cause du manque de perspectives. Si dans le temps, le manque d’activités économiques pendant la saison sèche les poussait vers les grandes villes du pays ou vers des pays voisins (Côte d’Ivoire, Sénégal), aujourd’hui, les ruraux se plaignent de ne plus pouvoir vivre du labeur de leur sueur. Ils tirent très peu de profits de leurs activités. Celles-ci bénéficient plutôt à des opérateurs économiques sans vergogne qui payent leurs produits à vils prix avant de les revendre en ville à des fortunes.

Comment fixer les populations, notamment la jeunesse active, en zone rurale ? Voilà l’équation qui doit être au cœur de toutes nos politiques et stratégies de développement. Il est ainsi urgent d’inverser notre pyramide de développement en faisant du monde rural un pôle de développement attractif et attrayant. En campagne, on a l’impression qu’il faut vivre en ville pour être considéré comme un vrai Malien. Le moment paraît aussi très opportun pour notre pays de réellement diversifier son économie pour créer des emplois, des emplois ruraux notamment.

Et cela d’autant plus que nous disposons d’un potentiel énorme de terres arables pour par exemple booster le développement agricole en relevant des défis comme notre faible productivité agricole, l’état lamentable des routes, les coupures incessantes d’électricité… ainsi que l’insécurité qui s’enracine et touche aujourd’hui presque toutes les régions du pays, contraignant les ruraux à quitter leurs champs, à abandonner leur bétail… En conséquence, l’État continue de dépenser d’importantes devises pour importer de la nourriture.

Il est donc indispensable de créer les conditions permettant aux populations rurales de miser sur leurs forces et leurs activités pour assurer leur bien-être et contribuer à la croissance économique. Ce qui suppose qu’ils tirent le maximum de profits de leurs activités socioprofessionnelles. Mieux, qu’ils n’ont plus besoin de venir s’entasser en ville pour bénéficier d’emplois bien rémunérés. Cela est possible si le gouvernement érige en plan développement la création de la valeur ajoutée sur toutes nos filières économiques. Cela va favoriser l’installation des unités industrielles pour absorber la demande locale d’emplois.

En tout cas, il est clair que si on n’anticipe pas en faisant preuve de clairvoyance dans nos politiques de développement, le fait de voir la moitié de la population malienne vivre en ville ne sera qu’un fardeau de plus pouvant entraver l’émergence socio-économique de notre pays. L’équation est déjà posée ! Maintenant, il faut réfléchir aux solutions en faisant preuve d’ambition et de pragmatisme dans notre future vision de développement !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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