La nouvelle œuvre littéraire de Mamadou Ismaïla Konaté a été lancée au Mali le samedi 26 janvier. Une œuvre au titre accrocheur et parlant de 164 pages éditée par La Sahélienne. « Justice en Afrique, ce grand corps malade : le cas du Mali ».
C’est le titre du tout premier livre de Me Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la Justice, dont le lancement a eu lieu le samedi 25 dernier au Parc national de Bamako. Au rendez-vous, des hommes de lettres, des amoureux de la littérature et surtout des épris de justice, pour écouter les témoignages de celui qui, il y a quelques années, était le Garde des sceaux de l’État. On était curieux de savoir ce que cette œuvre cachait entre ses feuilles.
« Luttes farouches » Eh bien, Mamadou Ismaila Konaté n’y est pas allé avec la langue de bois. Selon lui, la justice en Afrique est malade et celle du Mali n’y fait pas exception. Mamadou Ismaila Konaté parle dans son livre de son passage au ministère de la Justice, où il dit avoir mené des « luttes farouches » afin que les choses changent, aussi bien pour les justiciers que pour les justiciables, et pour que les justiciables aient enfin confiance en la justice. « J’ai essayé de retracer les points faibles et les points forts d’une fonction ministérielle que j’ai occupée pendant 16 mois.
Durant cette fonction, j’ai eu l’occasion de me rendre compte d’un certain nombre de choses qui nous incombent à nous. Il s’agit de la question matérielle, de la justice, de l’engagement des gens en faveur de la justice et de la transparence au sein de la justice. Il faut que les acteurs de la justice soient conscients qu’ils sont là, en situation de fonction, pour les autres. Faire en sorte que la régulation sociale, la régulation contre les déviances et contre les violences soient des choses qui s’arrêtent dans notre pays » dira –t-il. « Justice dévoyée, délabrée et délaissée » Dans son livre, Me Konaté n’a pas hésité à pointer du doigt le manque d’indépendance du juge, notamment vis-à-vis du politique, à mettre en exergue son impartialité et à décrire l’éloignement des populations des lieux de justice.
Toutes choses qui favorisent beaucoup de maux dans le corps malade de la justice. En 164 pages bien structurées, Me Konaté dépeint la justice en parlant des nombreuses tares qui minent l’institution judiciaire. Il y parle d’une justice dévoyée, délabrée et surtout délaissée et dénonce le désintérêt et le dégout du politique, un désintérêt se manifestant par le maintien de l’institution et du magistrat dans la précarité et l’assistanat.
L’auteur estime que les plus hautes institutions ne semblent pas se rendre compte que la justice a encore besoin de moyens pour pouvoir fonctionner (Son budget serait en deçà de 1,60% du budget de l’État). Et Me Konaté d’exiger la justice, à commencer par les justiciers. Il parle dans son livre de palais de justice menacés de ruine, de personnel peu motivé, mal formé, mal équipé et mal inspiré. Il a rencontré des juges dormant sur des lits en fer, sans matelas et sous la pluie, rencontré des détenus qui ont oublié leur langue au profit de celle parlée en prison et un prisonnier que lui a demandé si le Président de la République était déjà venu en prison rendre visite aux détenus.
Me Konaté tire aussi un bilan de son passage à la chancellerie et prône un vaste programme de réforme, aussi bien sur le plan normatif qu’en matière de formation professionnelle, en passant par la construction et la réhabilitation des infrastructures judiciaires et pénitentiaires, les bâtiments, les hommes, les textes, les prisons et les prisonniers.
Des juges « mal dans leur peau » Malgré sa ferme volonté d’imprimer sa marque à la justice de son pays, Me Konaté dit s’être heurté à l’indifférence, peut-être due à l’ignorance ou à l’insouciance générale. Il déplore une justice aux ordres, téléguidée, qui peine à assumer ses responsabilités envers et contre tous et qui prêterait plus d’attention à l’humeur du plus fort qu’à la souffrance du plus faible. On perçoit qu’en 16 mois à la tête du ministère de la Justice Me Konaté a compris que le juge malien, car c’est de lui dont il s’agit, est mal dans sa peau et a mal à son corps et mal à son esprit. Car ce grand corps qu’est la justice malienne est malade.
Nordsudjournal