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Litige foncier à Wolodo: le doyen Kissima TRAORE clame justice

Depuis 2020, un litige foncier oppose le chef de village de Wolodo (un village de la Commune de Zan COULIBALY-Fana) Bandiougou TRAORE dit Kissima aux héritiers de feu Fakolé TRAORE. Alors qu’il présente ces derniers comme étant les enfants de son tonton (grand-frère de son père) et père adoptif ; les héritiers de feu Fakolé TRAORÉ, de leurs côtés, nient tout lien de parenté avec leur cousin et exigent son expulsion du champ qui serait une propriété de leur défunt père.

Après un premier jugement à Fana en 2021, suivi d’une audience devant la Cour d’appel de Bamako, en décembre 2022, l’affaire est pendante devant la Cour suprême. Une bataille judiciaire qui risque de laisser des cicatrices au sein de cette famille jadis présentée comme un modèle de cohésion dans le village de Wolodo.

C’est un octogénaire très dépité que nous avons rencontré, le mercredi dernier, dans son vestibule à Wolodo, entouré de certains de ses fils. L’insigne de Chef de village enroulé autour du cou, ce patriarche, malgré ses 80 ans révolus, a du mal à cacher son émotion quand il s’agit d’évoquer ce conflit qui l’oppose à ses cousins depuis 2020. Il se demande quel tour la vie lui a joué en voyant les enfants de son tonton, qu’il a vu grandir, lui tourner le dos au point de nier tout lien de sang entre eux.
Sa version des faits
Alors qu’il était petit, Kissima demande à sa maman pourquoi les autres enfants de son âge allaient au champ pendant que lui il passe tout son temps à jouer à la maison. Suite à cette interpellation, la maman lui prend par la main et alla lui montrer le voisin, un homme d’un certain âge qui avait déjà perdu la vue, en lui disant ceci : ‘’c’est le grand frère de ton père’’.
Depuis cette rencontre, Kissima n’a plus quitté cet homme, et malgré son handicap, feu Fakolé TRAORÉ lui a montré un champ de trois hectares où il peut cultiver. Le garçonnet s’est toujours employé à cultiver ce champ pour nourrir son père adoptif et sa maman.
Des années après, l’oncle paternel de Kissima se marie et de cette union sont nés trois enfants dont trois filles et un garçon.
Avec courage et détermination, il a continué d’aider son tonton et à s’occuper de son cousin et de ses cousines jusqu’à ce qu’ils grandissent.
Par la suite, Kissima s’est lui-même marié. Et le champ de l’oncle paternel devient petit pour les deux familles, il a installé alors son propre champ à côté tout en continuant à s’occuper convenablement de la famille qui l’a adopté.
Un champ de 22 hectares qu’il cultive avec ses propres enfants.
Et c’est après le décès de l’oncle paternel que ses enfants sont venus réclamer à Kissima tous les deux champs comme étant l’héritage de leur papa. Une position des enfants que Kissima TRAORE n’arrive pas à comprendre, et c’est dans cette incompréhension qu’il a vu ses cousins lui convoquer au tribunal de Fana en 2021.

Le Procès
Devant le tribunal de Fana, les nommés Assétou TRAORE, Bintou TRAORE, Böh TRAORE et Madou TRAORE, héritiers de feu Fakolé TRAORE, revendiquent le champ de culture de Kissima, au motif que ce serait les terres de leur feu père.
Kissima a expliqué qu’il occupait le champ de feu Fakolé TRAORÉ, mais qu’il l’a abandonné depuis plus de 60 ans.
Aussi, qu’il ressort du rapport de délimitation en date du 26 août 2020 établi par le chef du Sous-secteur d’Agriculture de Fana, qu’à côté du champ de Kissima TRAORE, il existe un vaste espace non exploité appartenant à feu Fakolé TRAORE.
Kissama conteste être en train d’exploiter les terres du défunt Fakolé. Il soutient mordicus que le champ qu’il occupe actuellement est celui qu’il a exploité depuis plus de 60 ans sans la moindre contestation ou trouble de jouissance.
De leur côté, les héritiers de feu Fakolé TRAORE rappellent que leur père a été le chef de village de Wolodo pendant trente ans et qu’il était propriétaire foncier d’un domaine de 25 ha de superficie, qu’il ą exploité jusqu’à son décès vers 1979.
Selon les héritiers, après le décès de Fakolé TRAORE en 1979, Kissima seul continuait l’exploitation de ce champ car ils étaient encore mineurs.
Ayant grandi, les enfants de Fakolé TRAORE réclament la restitution de leur héritage foncier. Mais Kissima TRAORE refusa sous prétexte qu’il ignorait les modalités du partage.
Le tribunal de Fana a confirmé le droit de propriété coutumière des enfants de feu Fakolé TRAORÉ sur les terres d’une superficie de 25 ha tout en ordonnant Kissima de libérer lesdites terres.
Le jugement a été une nouvelle fois confirmé par la Cour d’appel de Bamako en septembre 2022 avant que l’affaire ne soit portée au niveau de la Cour suprême sur contestation de Kissima et son avocat.

Les failles d’un feuilleton judiciaire

Si les héritiers de Fakolé TRAORE sont parvenus à faire adhérer la justice à leur cause, c’est qu’ils ont avancé un autre argument de taille.
Devant le tribunal, ils ont affirmé que feu Fakolé Traoré et le père de Bandiougou TRAORE n’avaient aucun lien de parenté.
Ainsi, disent-il que lorsque le père de Bandiougou TRAORE décéda, lui et ses petits frères, tous mineurs à l’époque, étaient confiés à Fakolé TRAORE leur voisin. Toujours selon le narratif des héritiers de Fakolé, c’est ainsi que Kissima et ses frères ont été mis au service de Fakolé TRAORE dont les enfants (deux filles et un garçon) étaient également tous mineurs.
Sondé sur la question, un doyen de la localité voisine, Chérifoubougou, a reconnu que le père de Bandiougou TRAORE dit Kissima et Fakolé TRAORÉ étaient des frères de lait.
Agé de 90 ans, le doyen Seydou HAIDARA, connu sous le nom de Toubaka, affirme que c’est en reconnaissance de ce lien consanguin que Kissimi a été intronisé chef de village après la mort de Fakolé TRAORE.
« Nous sommes des chérifs venus de Djenné. Pendant ma jeunesse, j’ai séjourné dans le village de Wolodo au moment où le père de Kissima était chef de village. Je ne savais même pas que Kissima n’était pas le fils consanguin de feu Falolé. Mais, il n’y a pas de doute que le père de Kissima et feu Fakolé étaient des frères », a tranché le Chérif, chef de village de Chérifoubougou autrement appelé Modibougou.
Mais, à supposer que le lien de parenté n’existe pas, doit-on déshérité un homme qui a passé toute sa vie à servir un autre sans salaire et qu’à sa mort, ce serviteur n’ait aucun droit ?
Autre fait troublant dans ce procès, c’est qu’en aucun moment au cours des différentes audiences, aucune référence n’a été faite au statut de Chef de village de Bandiougou TRAORE dit Kissima.
Donc comment peut-on trancher une question foncière dans une localité sans faire recours au témoignage du chef de village ?
Selon le chef de village de Wolodo, Kissima TRAORÉ, commune de Zan COULIBALY (chef-lieu Maragakoungo) ce village a été fondé par les ouvriers venus travailler sur la RN6 au temps colonial.
Ainsi, les familles fondatrices sont: les Fomba, les Traoré, les Coulibaly, les Sidibé, les SANGARÉ, les Diarra, et TRAORÉ (forgeron) qui se succède à la chefferie.
Parmi les chefs de villages qui se sont succédé, il a cité entre autres : Amoutou SANGARÉ, Moussa, Badramane TRAORE, Fakolé TRAORE.
Bandjougou TRAORÉ dit Kissima est actuellement chef de village.

Par Abdoulaye OUATTARA

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