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Lettres ouverte : Les errements de la justice malienne

Dans une lettre ouverte, un citoyen franco-malien, Yamadou Traoré, résidant à Paris, dénonce une décision de la cour d’appel de Bamako. Lisez plutôt !

Par un jugement singulier rendu le 26 septembre 2019  quelques juges de la cour d’appel de Bamako viennent de donner du grain à moudre à tous ceux qui vilipendent la justice malienne.

Le Mali est à terre, mais encore vivant et pouvant se relever, mais certains de ses fils avec d’autres s’escriment à vouloir l’enterrer. Cela est si évident qu’il crève les yeux. Exemple:

Quand les dépositaires de la force publique chargés de réguler les rapports sociaux dérogent à ce devoir citoyen par appât du gain, ils ouvrent la voie à une ploutocratie débridée. Ainsi, on donne les clés de la cité à une classe scélérate qui  fait de la vertu une médiocrité et de la médiocrité une vertu.

Je vous propose un feuilleton lugubre et malheureusement vrai, dont les premiers épisodes  datent de décembre 2017, et qui aurait pu être palpitant si le sujet ne relevait du crime de déni de justice dont procèdent, de façon directe ou indirecte, tous les problèmes de la société malienne.

Platon, philosophe ayant vécu entre 428 avant Jésus Christ et 348 avant Jésus Christ, disait: «  Le plus grand mal, à part l’injustice, serait que l’auteur de l’injustice ne paie pas la peine de sa faute ». Quelques juges de la cour d’appel de Bamako, dans une décision relative à votre serviteur, viennent d’illustrer cette assertion dans toute sa plénitude. Des paroles de plus de deux mille ans qui viennent nous revisiter et nous indiquer que l’injustice est une donnée permanente, intemporelle, dans l’histoire humaine.

L’accepter pour soi revient à admettre que l’on nous applique cette sentence de Thomas Sankara: “l’esclave qui n’est pas capable  d’assumer sa révolte ne mérite que l’on s’apitoie sur son sort”.

Quand le juge se refuse à dire le droit par intérêt personnel, il devient pire que l’acte criminel ou délictuel dont le jugement lui a été confié la société. Ce faisant, il ouvre un boulevard à tous les aigrefins, il fait corps avec eux, bref il se prostitue et de quelle façon!

La situation injuste dont je vais vous entretenir dans ses lignes constitue une caisse de résonance des petites et grandes discriminations judiciaires au Mali; elle fait écho à une grande quantité de scandales relayés par les médias et qui n’ébranlent en rien la scélératesse ambiante.

Jeudi 26 septembre 2019, quelques heures après avoir appris le décès de Jacques Chirac, l’ancien Président Français, un texto de mon avocat m’annonça:” Bonjour Yamadou. Malheureusement la cour(cour d’appel) vient d’infirmer le jugement et a déclaré votre demande infondée. Nous avons deux mois après la signification de cette décision qui n’est pas encore disponible pour faire un pourvoi.”

En clair, il venait de me dire que la cour d’appel de Bamako a cassé le jugement du tribunal du travail, datant du 31 décembre 2018, qui avait condamné mon ex employeur le groupe scolaire “Les Angelots”.

Les motifs du premier jugement étaient les suivants: En décembre 2017, par l’intermédiaire d’une connaissance commune, un ancien employé de l’INPS, après vérification, m’avait fait comprendre que mon statut d’enseignant n’avait pas été déclaré auprès des services de l’INPS par le groupe scolaire “Les Angelots”.

En fait je n’existais pas pour l’INPS et les impôts parce qu’aucune déclaration n’avait été faite en mon nom auprès de l’administration malienne. Et pourtant, je m’étais voué corps et âme pour cet établissement scolaire au point d’empiéter sur mes vacances scolaires parfois afin d’aider l’école à recruter en France des enseignants. Tous les ans, mon volume horaire dépassait largement la norme  communément admise dans le système français puisque je dispensais des cours de français et d’histoire-géographie dans cet établissement bénéficiant de l’homologation du ministère Français des affaires étrangères à travers l’AEFE( Agence pour l’Enseignement du Français à l’Etranger).

Suite à cette découverte des turpitudes de l’établissement, j’étais enclin à admettre que je n’étais qu’une vache à lait pour la gérance de l’école et son cabinet conseil. La mort dans l’âme, et malgré l’amour qui m’animait pour mes élèves et le métier, la situation de ne me permettait plus de rester au sein de l’établissement et défendre mes droits en même temps pour qui connait l’inhumanité démoniaque de la gérante. D’autres découvertes, auprès des services l’INPS, m’avaient conforté dans l’idée que les gestionnaires de l’établissement étaient coutumiers des tripatouillages indigestes et éhontés avec les droits des employés. Je n’étais pas la seule victime des magouilles de l’établissement, l’écrasante majorité des employés étaient logés à la même enseigne prédatrice. Mais, pour des raisons hautement légitimes, aucune de ces victimes ne se sentait en mesure de revendiquer ses droits. Toute revendication ne pouvant qu’entrainer une éjection immédiate et sans indemnités de l’établissement. Les employés s’imposent un silence qui ferait de la grande muette un repaire de pies.

Avant mon départ effectif en mars 2018, j’ai adressé quatre lettres à la direction de l’établissement entre autres pour obtenir des explications sur mon statut auprès de l’administration malienne, mes bulletins de travail(en six ans je n’en avais que 11 qui étaient des faux). La direction pédagogique est restée muette. Le silence avait été imposé par la promotrice; le directeur de l’époque était obligé de respecter les ordres de la dame patronnesse de l’impie, la gérante. La lettre ultime de mon conseil, avant l’introduction d’une plainte auprès du tribunal du travail, n’a pas eu plus de succès pour n’avoir obtenu aucune réponse non plus. En voici un extrait:

” En effet, tout récemment, au cours de l’exécution de son contrat, il découvrit qu’il n’était pas immatriculé à l’INPS et inconnu des services fiscaux. Le traumatisme a été tellement grand qu’il ne pouvait plus continuer, lui qui ne pouvait penser qu’un établissement de l’envergure des ANGELOTS pouvait se livrer à un tel exercice.

A son niveau, par différents courriers, il a essayé en vain de dénouer cette affaire et de rentrer dans ses droits légitimes.

La mort dans l’âme, il m’a confié le dossier à l’effet de pourvoir par toutes voies de droit.

 De l’analyse sommaire du dossier, je constate en plus de son défaut d’immatriculation, que des retenues  ont été opérées sur son salaire à travers les quelques  rares bulletins de paie qui se trouvent en sa possession.  Ces retenues au titre de l’ITS et de l’INPS n’ayant pas  été reversées se trouvent logiquement entre les mains des ANGELOTS”

Mais avant l’action judicaire, le directeur administratif et financier de l’établissement, le 07 mars 2018, avait reconnu à l’inspection du travail et au service de recouvrement de l’INPS que l’école prélevait bien sur mon salaire les parts destinées aux services fiscaux et sociaux et se les gardait. J’ai été témoin de ces propos reconnaissant la culpabilité du groupe scolaire.

Je publierai toutes les lettres relatives à cette affaire ainsi que la mise en demeure des services de l’INPS adressée à l’établissement. En attendant ces diffusions futures, je vous apporte la possibilité de lire le jugement du Tribunal du Travail le 31 décembre 2018, notifié le 24 janvier 2019 que viennent d’infirmer trois juges de la cour d’appel de Bamako le 26 septembre 2019:

 Enfin, je termine cette contribution en citant Albert Camus:

” J’ai compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer l’injustice, il fallait donner sa vie pour la combattre“.

Yamadou Traoré

 

Source: L’Aube

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