« On m’a souvent dit : tu dois viser haut ; il faut réussir, briller, laisser une trace. Alors comme beaucoup de personnes, j’ai couru après des diplômes, des titres, des validations, parce que c’est ce qu’on nous apprend très tôt : que plus ton titre est long, plus tu vaux quelque chose. Que ta valeur se mesure à ta fonction, à ton statut, à ce que les autres voient sur ton profil ou ta carte de visite. Mais aujourd’hui, je le dis avec calme : ce n’est pas vrai ».
Cette confidence que m’a faite une aînée m’a laissé perplexe. Surtout parce qu’elle a sacrifié son temps, son mariage, sa santé. Elle parait avoir 80 ans alors qu’elle n’en a que 63, déjà stressée par la retraite qui approche même si elle s’est bien préparée financièrement. Cela m’a fait penser que derrière tous ces titres que l’on se donne, il y a d’abord des êtres humains, fatigués parfois, fragiles souvent. Des gens qui doutent en silence, qui ont de insomnies, qui pleurent en cachette avant une réunion, qui se demandent s’ils sont vraiment à la hauteur, mais tout cela personne ne le voit.
Ce qu’on ne te dira pas, c’est que le plus dur n’est pas de commencer, mais de continuer quand plus rien ne te rassure. Quand tes efforts ne donnent rien. Quand le monde dort, et que toi tu travailles encore, sans applaudissements, sans likes, sans promesse de résultat. C’est là que la vraie différence se fait.
On montre ce qui brille, on cache les nuits blanches, les rendez-vous manqués, les moments où l’on se demande si tout ça en vaut la peine. On célèbre les réussites, mais on oublie les obstacles, les bâtons dans les roues. Derrière chaque réussite se cachent des sacrifices, des blessures parfois anciennes, des histoires familiales compliquées, des combats intimes que personne ne racontera.
Alors, ce que j’ai envie de dire aux jeunes, mais aussi à nous tous, c’est que nous n’avons pas à courir après les titres pour prouver qui nous sommes. Cela ne veut pas dire qu’il faut se laisser aller et accepter la fatalité de l’échec, de la pauvreté. Nous avons le droit de ralentir, de respirer, de choisir un chemin plus simple si c’est celui qui nous rend vivant, nous donne du plaisir, nous permet de profiter de nos familles, de ceux qui comptent pour nous.
Au fond, ce qu’on retiendra vraiment de quelqu’un après sa mort, ce ne sont pas les lettres après son nom, ni ses titres, mais son humanité, les petits moments heureux passés ensemble, sa manière d’écouter, d’aimer, de tendre la main, de rester vrai quand tout pousse à faire semblant.
Le reste ? Ce ne sont que des étiquettes qu’on enlève ou qu’on perdra un jour ou l’autre et chacun devrait s’en rappeler avant de faire des choix pour soit, pour sa famille, pour sa communauté, pour son pays.
Parce que c’est notre Mali.
Muriel Jules