Jetés sur le front sans aucune préparation. C’est ce qui est arrivé à un bataillon de soldats récemment mobilisés dans la région de Voronej, en Russie, limitrophe de l’Ukraine. Samedi 5 novembre, le journal en ligne russe Verstka a révélé que ce bataillon venait de subir de très lourdes pertes aux alentours de Svatove, où se déroulent des combats de position acharnés depuis la mi-septembre. La publication, créée au printemps en réaction au musellement de la presse indépendante russe, s’est distinguée par la qualité de ses révélations sur les effets de la guerre dans la société russe. Citant deux survivants du bataillon, Vertska parle de trois jours de bombardements continus par l’artillerie ukrainienne sur un bataillon de 570 combattants russes, dont seuls 40 auraient survécu. « On nous a balancés en première ligne, on nous a dit de creuser des tranchées mais nous n’avions que trois pelles par bataillon. Nous n’avions aucun soutien. Artillerie, roquettes, mortiers, hélicoptères nous ont bombardés sans relâche », raconte un survivant à Verstka.

Des témoignages corroborés par la chaîne câblée indépendante Dojd qui parle, elle, de 31 soldats rescapés du bataillon. Verstka diffuse sur son site un message vidéo d’épouses de soldats destiné au gouverneur de la région de Voronej et aux « hautes autorités ». Le message souligne que leurs maris ont été mobilisés mi-octobre pour être dès le premier jour « envoyés en première ligne », tandis que leurs commandants « ont quitté le champ de bataille et se sont enfuis ».

Dimanche 6 novembre, la chaîne Telegram Vesti Voronej, contrôlée par le gouverneur régional Alexander Goussev, rapporte que ce dernier a rencontré des proches des mobilisés. « Nous avons discuté du format du dialogue, qui se poursuivra. Je garde le dossier sous mon contrôle personnel », a déclaré le gouverneur, sans commenter les pertes. Le même jour, une lettre diffusée sur les réseaux sociaux, émanant de soldats professionnels de la 155brigade des fusiliers marins de la flotte du Pacifique, faisait état de « 300 soldats tués, blessés ou disparus » dans un autre secteur du front, au sud-ouest de Donetsk.

Emise à l’intention du gouverneur du kraï de Primorié (extrême est de la Russie), Oleg Kojemiako, la lettre, qui a été largement partagée par des blogueurs pro-Kremlin, dénonce des « assauts absurdes » que la brigade a dû mener contre le village de Pavlivka, sur ordre du commandant du district militaire oriental, Roustam Mouradov, et du commandant de la 155brigade, Zourab Akhmedov. Les deux gradés sont accusés par les fusiliers marins de « vouloir des médailles au prix de très nombreuses vies » et de les qualifier de « viande ». Ils demandent au gouverneur d’en référer au président russe, Vladimir Poutine. En retour, M. Kojemiako a demandé au procureur de vérifier que la lettre n’a pas été « concoctée par les services spéciaux ukrainiens ».

Source: Le Monde