Selon un vieux proverbe turc, seul « le derviche qui attend atteint son désir ». C’est là un conseil que Recep Tayyip Erdogan a dû méditer ces derniers jours, non sans un certain plaisir. Après plus de six mois de tractations, de visites et de conciliabules, le président turc a une nouvelle fois repoussé, mardi 8 novembre, la ratification des candidatures suédoise et finlandaise à l’OTAN. Après s’être entretenu avec le premier ministre suédois, Ulf Kristersson, lequel a fait tout exprès le déplacement jusqu’à Ankara pour plaider le dossier de son pays, le chef de l’Etat turc a renvoyé les discussions à une énième « réunion conjointe à la fin du mois à Stockholm » – où, a-t-il ajouté, sans préciser de date, « nous espérons avoir une conclusion plus positive », tout en assurant « souhaiter sincèrement l’adhésion de la Suède » à l’Alliance atlantique.

A la question d’un journaliste suédois, le président a lâché, sous une forme étonnamment révélatrice : « Nous avons devant nous encore du temps, jusqu’en juillet » – une référence directe aux élections présidentielle et législatives turques, prévues en juin 2023, comme il l’a précisé lui-même à deux reprises. Un peu plus tôt dans la journée, le président de l’Assemblée nationale, Mustafa Sentop, avait déjà douché tout espoir de progrès immédiat en annonçant, au côté du dirigeant suédois, que son pays avait encore « de nombreuses mesures concrètes à prendre » avant d’obtenir l’approbation de l’exécutif et des députés turcs.

De son côté, le chef du gouvernement suédois a promis de répondre aux demandes et inquiétudes exprimées par Ankara. « Nous comprenons la responsabilité qu’une adhésion à l’OTAN implique pour nous », a affirmé M. Kristersson devant la presse, assurant que son pays « respectera[it] toutes ses obligations face à la Turquie dans la lutte contre la menace terroriste ». La Suède « a déjà fait beaucoup pour mettre en place le mémorandum » d’accord signé à Madrid fin juin, a-t-il ajouté – une allusion au durcissement, dès la semaine prochaine, des lois antiterroristes en Suède, qui laisse augurer un changement d’attitude envers certains groupes d’exilés.

Officiellement, les autorités turques reprochent à la Suède – et, dans une moindre mesure, à la Finlande – d’avoir trop longtemps ignoré, ou de ne pas avoir pris assez au sérieux, leurs préoccupations en matière de sécurité. Deux exigences sont formulées. Stockholm et Helsinki doivent d’abord cesser de défendre les militants kurdes réfugiés sur leurs territoires. Du point de vue turc, ceux-ci sont affiliés au Parti des travailleurs du Kurdistan, classé comme organisation terroriste par l’Union européenne et par les Etats-Unis, au Parti de l’union démocratique kurde en Syrie ou à sa branche armée, les Unités de protection du peuple, qu’Ankara aimerait également voir classés comme terroristes. Aux militants kurdes, le gouvernement turc a adjoint les membres en exil du mouvement du prédicateur sunnite Fethullah Gülen (FETÖ), l’ancien allié devenu la bête noire d’Erdogan et tenu pour responsable de la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016.