Après avoir accepté dans la cacophonie la main-tendue des pouvoirs, l’opposition malienne abouche une trompette commune du refus au dernier virage du processus. Ni la prorogation de 5ème Législature de l’assemblée nationale, ni la révision constitutionnelle où encore le dialogue politique national n’auront désormais sa caution. Longtemps pressentie à travers les sorties périodiques de l’ADP- Maliba, cette posture radicale est aussi celle du chef de file de l’opposition. Mais à l’instar d’Aliou Boubacar Diallo, son poursuivant à la présidentielle 2018, Soumaïla Cissé risque de payer au prix fort de la dislocation les malaises sur fond de dissensions internes très latents dans sa famille politique. Il avait pourtant rassuré de sa bienveillante intention d’accompagner la dynamique de décrispation politique.
Naguère encore
très réceptive à l’ouverture par-delà toutes réserves et sa posture circonspecte quant à troquer son statut contre une entrée de son parti au gouvernement, le chef de file de l’Opposition a visiblement renoué avec les hostilités par la même ardeur que lors dès contestations post-présidentielles. C’est l’impression qu’il se dégage, en tout cas, de sa sortie fracassante en compagnie de ses alliés politiques, jeudi dernier, lors de la conférence de presse consécutive à l’adoption par le conseil des ministres d’un autre projet de loi de prorogation du mandat de la 5ème Législature. Si la précédente démarche lui avait inspiré en son temps une posture abstentionniste face à une mesure qu’il jugeait anticonstitutionnelle, le président de l’Urd se montre cette fois plus catégorique : pas question pour lui de cautionner la deuxième prorogation qui s’annonce et dont les texte sont déjà parvenus à la représentation nationale pour délibération. Il affiche une raideur similaire en ce qui concerne les caps fixés dans l’accord politique de gouvernance, qu’il s’agisse de la révision constitutionnelle ou du le dialogue politique inclusif, entre autres. Pour les besoins de cette cause, les principaux animateurs de l’opposition ont poussé la radicalisation au point de s’afficher du côté d’un nouveau front du refus, quitte à remettre en cause et même annihiler tant d’efforts consentis et d’acquis engrangés dans le cadre du de la normalisation post-présidentielle.
Ce faisant, la posture des locomotives de l’opposition malienne remet au grand du goût d’énormes incohérences dont les symptômes sont apparus depuis la première prorogation. Autrement ne saurait s’interpréter, en définitive, le paradoxe qui consiste à ne pas renoncer à siéger à une législature prorogée en vertu d’une loi dont on juge contestable la conformité constitutionnelle. La contradiction ne réside guère moins, par ailleurs, dans l’attachement au statut de chef de file de l’opposition et des avantages y afférents pourtant tributaires de la fonction parlementaire. De même qu’il ne paraît point raisonnable, de la part du candidat de l’ADP à la présidentielle, d’afficher sa préférence à une assemblée constituante en même temps que les députés de son obédience s’activent à constituer un groupe parlementaire au sein de l’assemblée dont l’existence est combattue par leur mentor. Par-delà leurs incohérences, en définitive, les composantes de l’opposition parlementaire partagent également le destin d’être agites par les rudes bourrasques des divergences nées de la posture de leurs leaders respectifs. L’Urd et l’ADP-Maliba sont tous deux confrontés à de graves dissonances internes entre directoire et députés. Ces différentes entités arrivent à accorder leurs violons sur tout sauf la prorogation des mandats et se séparent rarement sans ouvrir les hostilités chaque fois que le débat porte sur la question à l’ADP comme à l’Urd. C’est dire que le vote de la loi organique y afférente est un tournant d’autant qu’il n’est guère exclu qu’il consacre une rupture définitive les deux ténors de l’opposition et leurs répondants parlementaires. En toile de fond, non seulement les intérêts vitaux liés à la prorogation mais aussi un réel sentiment de lassitude vis-à-vis de clivages sans lendemain pour le devenir du pays.
A Keïta
Source: Le Témoin