Depuis dimanche 1er septembre, des violences ciblant les étrangers en Afrique du Sud ont fait sept morts. Des actes xénophobes qui traduisent la frustration de la population pauvre face à un chômage qui continue de monter et à une situation sociale qui stagne.
Les violences xénophobes qui touchent l’Afrique du Sud ont fait sept morts depuis dimanche 1er septembre et ont conduit à l’arrestation de près de 300 personnes. À Johannesburg et Pretoria, des commerces tenus par des étrangers ont été détruits et pillés par des Sud-Africains. Dans la région de KwaZulu- Natal (nord-est), des poids lourds soupçonnés d’appartenir à des étrangers ont été incendiés. Mercredi 4 septembre, le calme revenait enfin dans les rues de Johannesburg où la police a patrouillé toute la journée.
L’inquiétude des pays voisins
Le président Sud-africain, Cyril Ramaphosa, a fermement condamné ces attaques, assurant que « tout le monde est la bienvenue en Afrique du Sud ». Les chefs d’États dont les ressortissants immigrés sont pris pour cible ont vivement réagi. Le président nigérian a ainsi annoncé l’arrivée d’un envoyé spécial en Afrique du Sud. De nombreuses personnalités nigérianes ont également appelé au boycott d’entreprises sud-africaines. Le président du Zimbabwe a « condamné toute forme de violence alimentée par la haine ». Le Botswana a appelé ses concitoyens sur place à faire preuve de « la plus grande prudence » et à « rester vigilants en permanence ».
La problématique n’est pas nouvelle en Afrique du sud, où des affrontements meurtriers avaient déjà fait sept morts en 2015 et plus de 60 en 2008. Les migrants, majoritairement illégaux, seraient environ 4 millions dans le pays, selon le gouvernement. Ils viennent en grande partie de pays limitrophes comme le Zimbabwe, qui traverse une grave crise économique, le Lesotho, le Mozambique, le Nigeria ou encore la Zambie. L’immigration asiatique – Bangladais, Pakistanais – est aussi présente.
« Après la fin de l’Apartheid, les autorités ont montré un certain laxisme face à l’immigration au nom de la réconciliation nationale et d’une ouverture du pays, explique François Lafargue, auteur de Géopolitique de l’Afrique du Sud (1). La situation difficile des États limitrophes a conduit beaucoup de migrants en Afrique du Sud, attirés par des perspectives d’embauches d’un tissu industriel demandant beaucoup de main-d’œuvre ». Ces dernières années, avec la crise économique qu’il traverse, le pays tente plutôt de fermer ses frontières.
Frustration économique
La première puissance industrielle du continent fait face à des difficultés économiques importantes avec un taux de chômage à 29 % (6,7 millions de personnes sur 58 millions d’habitants). Les secteurs du transport, de l’exploitation minière ou de l’industrie ont licencié ces dernières années, alors même que la population en âge de travailler augmente. Dans les townships où la pauvreté et le chômage sont les plus importants, « la violence est présente au quotidien. Nourrie par la situation économique, elle mène à ces affrontements contre des personnes qui peuvent tenir une petite boutique de rue dans le quartier depuis des générations », rapporte Victor Magnani, chercheur à l’Institut français des relations internationales.
Ces étrangers représentent une concurrence au sein de l’économie informelle, avec des taxis sans licence ou des vendeurs à la sauvette, mais aussi pour les emplois peu qualifiés. « Ces migrants sont une opportunité pour les industriels. Ils ne comptent pas leurs heures, ne se syndiquent pas alors que les syndicats sont particulièrement importants en Afrique du sud », analyse François Lafargue, pour qui cette crise est surtout « symptomatique de la mauvaise gestion du pays ».
Plombée par une économie à bout de souffle, la population fait quotidiennement face aux inégalités. Environ 10 % de la population sud-africaine possède 90 % de la richesse nationale, d’après la Commission des droits de l’homme sud-africaine. En 2018, 60 % des Sud-Africains noirs vivaient dans la pauvreté, contre 1 % pour les Blancs. Pour autant, les actes xénophobes semblent épargner l’immigration blanche.
Source: la-croix.com