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Les confidences d’un élève de l’Institut de Formation des Maîtres de K…

C’était il y a deux jours, à kalaban-Coro, chez moi. Un soleil méchant s’était installé au dessus de la ville, signe avant-courreur des instants de chaleur insupportable. J’occupais une chaise; à côté de moi se trouvait un banc couvert de livres et d’anciens numéros du mensuel Le Monde diplomatique qui remontent à 1992. Dans le numéro de juillet 1992, Ignacio Ramonet, alors directeur, s’intéresse dans son éditorial  à ‘’L’Algérie à la derive’’à la tension sociopolitique dans laquelle a basculé ce pays. En janvier 1992, l’armée a forcé le president Chadli Benjedid à demissionner, et a interrompu les élections legislatives pour refuser l’indiscutable victoire du Front Islamique du Salut (F.I.S). Ce que le journaliste et essayiste Akram Belkaïd a appelé dans ‘’Un regard calme sur l’Algerie’’ une extinction des lumières. Ensuite, le 29 juin 1992, à Annaba, le president Mohamed Boudiaf a été assasiné. « Le F.I.S, ecrit Ignacio Ramonet, n’est pas le résultat d’une quelconque fièvre mystique qui aurait soudainement saisi la population. Comme dans le reste du Maghreb, où menace l’explosion sociale, les islamistes proposent à des citoyens mécontents, qui se sentent abandonnés, trompés et trahis par l’Etat, une revanche sur les profiteurs du regime, et un projet de societé plus fraternelle, débarrassée de la corruption. » A méditer par les tenors politiques maliens (et le Sénégal aussi !) dont la voix ne pèse plus lourd face à celle de certains dignitaires religieux qui semblent tenir en laisse une grosse partie de l’opinion publique nationale. Fermons cette parenthèse et parlons de ce qui faisait l’objet de l’échange que j’ai eu avec Alassane, un ami étudiant, qui a decroché de la Faculté pour se rabattre sur l’Institut de Formation des Maîtres, d’où il sortira avec un diplôme d’enseignant au secondaire.

Echanges chaleureux de poignée de main, rires desinteressés et ensuite s’engage la discussion. Je lui ai expliqué qu’à la Faculté, la situation est en passe de raser  l’insoutenable. Cinq mois sans trousseaux, ni bourse, les frais de transport qui ont augmenté et ces déclarations révulsives des Etudiants, déclarations  selon lesquelles il est hors de question de redoubler tant que l’administration demeure un caravansérail d’opportunistes de tout poil, de corrompus notoires et de tocards.

« Ça fait deux ans que je suis à l’I.F.M, a-t-il dit en fixant le sol. Et je suis au regret de te dire que c’est du pareil au même. Les  professeurs ne sont pas fidèles à leur poste, les programmes ne sont pas achevés, une administration irresponsable. Le nouveau directeur est ami avec nombre de professeurs de l’Institut, ce qui fait que ceux-ci refusent de rentrer parfois en classe pendant les heures de cours et font le ‘’grin’’ (groupe informel de discussion) avec le directeur lui-même. »

Voilà qui vient donner du poids à un point de vue que j’avance dans les débats entre etudiants. C’est-à-dire qu’après le D.E.F ou le baccalauréat, l’élève au Mali est obligé de choisir entre la peste et le cholera. S’inscrire dans un lycée après le D.E.F, entrer à la fac après le bac ou passer le concours d’entrée à l’I.F.M revient tout simplement à faire le choix entre la peste et le cholera. Les réalités ne sont pas différentes les unes des autres. Pour y vivre heureux, il faut épouser les sales mentalités. J’ai compris sa déception.

« Mais, ça m’est egal, qu’ils aillent tous se faire pendre ailleurs. Ce qui m’a le plus faché, c’est mon dernier jour de surveillance dans une classe de 8eme année de l’école fondamentale du cercle de K…  Ce jour-là, les élèves devaient composer en physique-chimie pour le troisième trimestre. D’abord, le sujet que  nous devions porter au tableau était parsemé de fautes, puis peu de temps après, le professeur titulaire est rentré en classe et s’est mis à expliquer le sujet qu’il dit avoir traité avec les mêmes élèves. Le plus grave, c’est qu’il s’est permis de donner le corrigé du sujet à une élève qui serait sa fiancée. Nous avions, mon collègue Fodé et moi, les yeux obscurcis par la colère. Lorsque nous avions rapporté ces faits au directeur de l’école, il n’a rien dit. Nous n’avons pas voulu en faire un problème, puisque c’était notre dernier jour de surveillance. Et c’est comme cela dans toutes les écoles de K… : copinage, amitié, favoritisme… »

Tout ce qu’a dit Alassane est tout sauf anecdotique. Il a pointé la défaillance des acteurs majeurs d’un secteur nevralgique du pays- le secteur éducatif- qui va à la derive. Ce qui fait le plus mal, c’est que les cris de colère et de déception sont étouffés par les discours folkloriques que les autorités nous servent sur les radios et télévision. Mais quand ces cris éclateront, bien des masques vont tombés.

Boubacar Sangaré

SourceLa Nouvelle Patrie

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