RECORD. L’Égypte va devoir compter avec son explosion démographique. Pour les autorités, les chiffres en disent long sur les défis à relever.
La démographie égyptienne : atout ou bombe à retardement ? La question mérite d’être posée alors que l’agence égyptienne pour les statistiques (CAPMAS) vient d’annoncer que la population a atteint les 100 millions d’habitants. Un écran affichant le nombre d’habitants est rendu bien visible au siège du ministère égyptien du Plan, dans la capitale, Le Caire, c’est le comptoir numérique qu’il faudra désormais attentivement scruter. Dans tous les cas, cette cent millième naissance, intervenue dimanche 9 février, fait de l’Égypte le pays arabe le plus peuplé et le troisième en Afrique derrière l’Éthiopie et le Nigeria. L’Égypte est aussi le 14e pays le plus peuplé au monde. « L’an dernier a été l’une des années les plus rapides à atteindre un million (de naissances) », a déclaré le général Khairat Barakat, patron du CAPMAS, assurant que ce cap avait été franchi en 216 jours en 2019. Le taux de natalité dans le pays a explosé ces trente dernières années, avec une moyenne de 1,5 million de naissances par an. Les Égyptiens étaient 57 millions il y a trente ans.
97 % de sa population vit sur seulement 8 % de son territoire
La surpopulation a constitué ces dernières années un défi majeur pour les autorités, dont les timides politiques de limitation des naissances n’ont pas porté leurs fruits. « À part le problème physique de la densité de population, les problèmes sociaux se sont aggravés », explique à l’AFP Heba El Laithy, professeur d’économie à l’université du Caire. « Les pauvres ont tendance à faire plus d’enfants à cause de l’idée selon laquelle ils s’en sortiront économiquement sur le long terme », explique-t-elle, ajoutant que les enfants sont vus comme de futures sources de revenus pour aider leurs parents.
Or ce pays à 95 % désertique, qui concentre sa population sur les rives et le Delta du Nil, absorbe toujours plus difficilement une telle croissance démographique. C’est la chute de la mortalité, au début des années 1970, qui l’a entraînée, et Le Caire en est l’exemple le plus frappant. En 2016, la densité de population de la capitale, une mégalopole qui frise désormais les 20 millions d’âmes, avoisinait 50 000 habitants par kilomètre carré – soit près de dix fois plus que celle de Londres.
Le président Abdel Fattah al-Sissi avait déclaré en 2017 que le terrorisme et la surpopulation représentaient les deux principales menaces pour l’Égypte, selon son gouvernement. L’année dernière, le pays a donc lancé une initiative sur deux ans baptisée « Two Is Enough », pour réduire les taux de fécondité et encourager les gens, en particulier ceux des zones rurales, à avoir moins d’enfants. Le programme est principalement financé localement par le ministère de la Solidarité sociale et l’ONU.
Des problèmes d’emploi, d’eau, d’infrastructures
Le dernier recensement, qui a aussi eu lieu en 2017, avait dénombré 95 millions d’habitants, un chiffre qui n’inclut pas les Égyptiens vivant à l’étranger. Environ 10 millions d’Égyptiens vivent à l’étranger, dont la plupart dans les pays du Golfe, où ils se sont expatriés pour des raisons économiques, en particulier après les troubles créés par la révolte populaire ayant chassé le président Hosni Moubarak le 25 janvier 2011. Vendredi, lors d’une réunion du cabinet, le Premier ministre Mostafa Madbouly a de nouveau exprimé cette inquiétude : « La croissance de la population est le défi le plus grand de l’État […] et cela affecte la sécurité nationale. » Comme dans la plupart des pays arabes, la population égyptienne est jeune, avec 60 % de citoyens âgés de moins de 30 ans. Selon une étude de l’ONU, le taux de fécondité en Égypte est tombé à 3,1 en 2018 contre 3,5 en 2014. Au taux de fécondité actuel, la population devrait atteindre 153 millions en 2052. Mais la création de nouveaux espaces pour le logement, les écoles et les hôpitaux est une priorité à mesure que la population égyptienne augmente. En outre, l’économie égyptienne pourrait être touchée par des pénuries d’eau causées par le changement climatique et un barrage du Nil en cours de construction en amont par l’Éthiopie. Les infrastructures, notamment les routes et les transports publics, seront également mises à rude épreuve à mesure que la population augmentera.
Par Le Point Afrique (avec AFP)