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Législatives 2020 : La loi de l’argent !

Le Mali vient de boucler le processus de l’élection de députes. Ce processus, le énième de l’ère multipartiste, a présenté de nombreuses faiblesses. Au-delà de la crise sécuritaire et sanitaire (covid-19), le scrutin du 19 avril dernier a surtout confirmé l’influence de l’argent dans le choix des élus du Peuple. Le phénomène devient de plus en plus récurent pendant les élections. Et le scrutin du dimanche 19 avril n’a pas fait exception à la règle. Dans plusieurs centres de vote, notamment à Bamako, les billets de banque ont  fait leur loi.

«L’argent est le nerf de la guerre ! », a-t-on coutume de dire. Cet adage est encore plus vrai dans le domaine politique au Mali où il est utilisé pour l’achat des consciences, le recrutement des «transhumants», la conquête ou la conservation du Pouvoir.

Si l’argent semble jouer un rôle important dans la sélection intra-partisane, il l’est beaucoup plus encore dans la sélection inter-partisane. L’argent est au cœur du processus électoral à plusieurs niveaux. Aujourd’hui, dans les Communes ou les Cercles, on ne peut être élu sans avoir à dépenser plusieurs dizaines de millions de francs CFA.

Selon la Mission d’Observation Electorale de la Synergie 2020, le scrutin du 19 avril 2020 n’a pas dérogé à la pratique :  «L’après-midi a été marqué par la démultiplication de la pratique d’achats de vote dans plusieurs centres à travers le pays, notamment dans les centres de vote des 1008 Logements, en Commune VI du District de Bamako ; de Magnambougou-projet, en Commune VI du District de Bamako; à l’Ecole A Wayerma 1 de Sikasso ; du Groupe scolaire de Macina; au Groupe scolaire Robert Cissé I et II de Mopti; à l’Ecole B 2e  cycle, du Bureau n°2 de Bafoulabé, Région de Kayes; des centres EDC et Plateau 2 de Koulikoro; au Groupe scolaire Kolokani B; au Groupe scolaire Hèrèmakono Nord et du centre de Bougouni, Région de Sikasso ; au Centre de vote Gari, Bureau de vote n°1 de Diré, port et usage d’armes à feu par des partisans des listes concurrentes….».

Les partis politiques sont responsables et victimes de l’intrusion massive de l’argent dans les élections. Leur responsabilité générale se situe dans leur incapacité à former des militants véritablement conscients que leur bulletin de vote est plus puissant qu’une arme. Les partis politiques n’ont pas de militants mais des électeurs. Si les partis politiques ont pour raison d’être la conquête et l’exercice du Pouvoir d’Etat, ils ont pour missions entre autres de former leurs militants.

 Le jeu démocratique faussé

La perversion de la Démocratie par l’argent n’a pas commencé avec ces dernières élections législatives. De même que l’achat des consciences. D’année en année, le phénomène prend de l’ampleur à l’échelle nationale et dans presque tous les secteurs. Ce qui menace dangereusement le processus démocratique en cours. Donc, le socle même de la République. A ce rythme, il n’est pas à exclure qu’un grand trafiquant de drogue ou un adepte de la «mafia» accède un jour à la magistrature suprême de ce pays grâce à la puissance de leurs fortunes. Nous assistons déjà à l’intrusion des Opérateurs économiques au parcours sulfureux. Aujourd’hui, seuls les Hommes politiques se montrant généreux avec l’argent mal acquis sont soutenus par les populations y compris les dignitaires religieux.

L’argent fait naître, parfois, un transfert des compétences des instances régulières du parti aux seules mains du Leader lors de l’établissement des listes des candidats aux différentes élections; alors que ce choix est du ressort des militants de Base, au regard des textes statutaires et réglementaires des partis politiques. La Démocratie interne est ainsi mise à mal.

L’argent engendre ipso facto des liens de subordination incompatible avec un engagement démocratique et citoyen. Le parti se mue, se transforme ainsi en parti «nourricier», en parti politique «patrimonial» au bénéfice de son «Président financier», seul maître à bord.

En résumé, on constate que l’argent est au centre de toutes les affaires floues, le maître mot du dispositif politique partisan. Il engendre une rupture de l’égalité entre les citoyens dans le jeu politique et démocratique d’une part et entretient une perversion, une déliquescence des mœurs politiques avec notamment la corruption et les chantages de toutes sortes, d’autre part.

Et malgré la règlementation des campagnes électorales et de leur financement, le poids de l’argent  et le marketing politique viennent détruire le plus souvent la réalité des consultations. Le pouvoir de l’argent l’emporte sur celui des mots, des idées et des programmes de société. En témoignent les nombreux porte-à-porte des candidats dans certains quartiers de nos villes.   La souveraineté du Peuple et les libertés démocratiques sont souvent malmenées pendant les consultations électorales au point où l’on se demande si vraiment les élections sont de la Démocratie.

«Le problème n’est pas seulement le pouvoir d’Etat, c’est aussi et surtout le Malien lui-même. Il faut arriver à le changer. Pas évident ! Tant que l’appât du gain facile restera la base de la philosophie du citoyen ordinaire, rien de bon ne se fera dans le pays. Tant que le mensonge, l’hypocrisie, la cupidité, la fourberie et la méchanceté resteront au cœur de la citoyenneté, il n’y a rien à espérer. Il suffit de voir le spectacle de la ruée actuelle à travers les associations créées pour capter les sommes d’argent distribuées à l’occasion de ces scrutins par les candidats. Devant l’argent, aucune morale. Tous les coups sont permis. La corruption est devenue le système national de débrouillardise à tous les niveaux, aussi bien au niveau de l’Etat, des appareils civils comme militaires, des secteurs de la société civile et religieuse. Les rapports sociaux en sont dénaturés. Le mal est profond. L’incivisme a atteint un tel degré qu’il menace l’avenir même du pays», écrivait déjà en 2018 le Professeur Issa N’Diaye.

Comment réconcilier le citoyen avec la politique? Comment amener le Pouvoir, les partis et les Hommes politiques à s’acquitter des missions d’intérêt général ?

Les solutions judicieuses pour l’assainissement, la moralisation de la vie politique sont légion, mais nous retiendrons quelques-unes. La bonne gouvernance: la gestion saine et impartiale de l’Etat, des deniers publics et le civisme des citoyens.

Mémé Sanogo

Source: Journal l’Aube-Mali

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