A l’aurore de l’indépendance notre pays espérait sur un enseignement de masse et de qualité. Telle demeurait la volonté affichée par le Président Modibo Keïta et ses illustres compagnons. Dans la mise en œuvre de leur programme d’action politique, l’éducation tenait une place capitale. L’école malienne formait d’éminents professeurs compétents dans tous les domaines. L’enseignant maitrisait parfaitement la langue de Molière. Il savait la faire acquérir à quiconque avec pédagogie. L’école malienne formait des cadres valables, intègres et dignes de ce nom. Sur le plan du savoir le Mali était une référence à travers l’Afrique
En cette veille de rentrée scolaire les parents se posent des questions sans réponse. L’école publique est-elle en phase d’échapper à la vigilance de l’Etat ? La Nation a-t-elle failli à son devoir ? Les parents d’élèves sont-ils en train de démissionner ? Les enfants sont-ils en cours de devenir des rois dans le milieu scolaire ? Les régimes politiques qui se sont succédés au pouvoir n’ont-ils pas affiché leur volonté de faire de l’éducation nationale leur priorité ?
Où en sommes-nous à l’heure actuelle dans cette anarchie grandissante ? Cette situation me fait penser à Spinoza qui disait : « en cas de dérive de comportement dans la société, c’est l’Etat qui en est responsable et non les membres de la société « . Donc, on peut dire que la cause de ce phénomène est due à la faiblesse de l’Etat. Compte tenu de ce qu’il fut dans le passé, on peut affirmer aujourd’hui que le Mali n’est que l’image de lui-même. Il gagnerait grandement à restaurer l’enseignement s’il tient à un avenir radieux pour ses enfants.
Depuis un certain temps, l’incapacité de l’Etat à tenir l’école publique n’a été un secret pour personne. L’effectif pléthorique et le manque de matériels didactiques dans les classes ont rendu la tâche du maitre difficile voire impossible. Tous ces facteurs ont aidé à accélérer la dérive de l’école publique. Peu à peu l’école privée est devenue le passage obligé des élèves, obligeant les parents à mettre la main à la poche.
Qui pouvait imaginer qu’un jour l’enseignement serait aussi gravement malade ? A vrai dire depuis l’avènement de la démocratie le niveau d’étude des écoliers du Mali n’a jamais cessé de dégringoler. De nos jours, l’école est en perte de vitesse. Tous les indicateurs attestent que les élèves et étudiants sont plongés dans une agonie intellectuelle. Dès l’école de base, l’écolier malien manifeste de la peine à différencier les groupes d’appartenance des verbes à plus forte raison leur conjugaison. Se prononcer sur le genre de certains mots devient un jeu de hasard. La lecture et l’écriture deviennent pour lui un véritable calvaire. Les règles les plus élémentaires de la grammaire leur sont totalement inconnues.
De nos jours, on est en droit de s’interroger sur le travail des maitres dans les salles de classes. La majeure partie des écoliers, lycéens et universitaires est au bord de l’échec scolaire. Du coup, l’avenir du pays se trouve menacé. De l’école fondamentale à l’enseignement supérieur le niveau des élèves ne cesse de baisser.
Tout comme au grand marché de Bamako, les notes s’achètent dans l’univers scolaire au même titre que les diplômes. Cette année les sujets d’examen du baccalauréat se vendaient dans la rue comme des cacahuètes. La corruption est devenue monnaie courante dans le milieu scolaire contribuant ainsi au rabais de la valeur de nos diplômes. Supposons qu’un individu issu de ce réseau mafieux accède à un emploi dans ces conditions, comment arrivera-t-il à tenir valablement la place qu’il va occuper dans l’administration ? Avec quels bagages intellectuels parviendra-t-il à contribuer au développement du pays ?
Les maliens peinent à comprendre le coût exorbitant des transferts d’une école publique vers une autre du même genre et ce aux yeux du CGS (Comité de Gestion Scolaire). Qu’est-ce qui obligent les parents d’élèves à débourser de l’argent pour cette situation ?
Les salaires des enseignants étant pris en charge par l’Etat qui est propriétaire des structures scolaires publiques. Dans ce sens, la dérive de l’enseignement est imputable à tous : Etat, élèves, maîtres et parents d’élèves. Pour s’en rendre compte, il faudra vouloir demander le transfert d’un élève d’une école publique vers une autre école publique.
Généralement, la direction de l’établissement exige le payement des frais de dossier pour les transferts. Les avis divergent d’une école à l’autre. Si certaines réclament la somme de 2000 F CFA, d’autres avancent 3000 F CFA. Dans les deux cas où est la vérité ? De ce fait où va cet argent ? Le cas du groupe scolaire de Medina-Coura et celui de Jean Richard l’ex IPEG est révélateur de la grande magouille qui prévaut depuis un moment au cœur des établissements scolaires. Le manège bien rodé est simple. Il consiste purement et simplement à soutirer de l’argent aux parents dans la nécessité d’effectuer un transfert pour leurs enfants.
J’ai découvert le pot aux roses en accompagnant une famille dans sa démarche. Ses parents désirant transférer leur fille en 9ème année, le Directeur n’étant pas sur place, furent interceptés par une enseignante assise sous la véranda. Elle leur signala qu’il fallait payer la somme de 20 000 FCFA. Pour le même motif au compte de son jeune frère pour accéder en 6ème année, le directeur d’école du premier cycle Monsieur Haïdara leur demanda de régler la somme de 10 000 FCFA. Je venais de comprendre que d’un cycle à l’autre le prix du transfert variait d’après le cycle d’étude » du client « . Dépassé par les évènements j’interrogeais mon interlocuteur, le directeur d’école :
– L’argent récolté par le transfert servirait à ravitailler quelle caisse publique ?
Il me regarda longuement en cherchant les mots. Comme toute réponse le directeur m’avoua que la somme perçue serait investie pour les travaux de désherbage de la structure autant que pour payer les bouilloires destinés aux toilettes de l’établissement.
Nom de Dieu, ne devons-nous pas mettre un holà à ces pratiques calamiteuses afin que se porte au mieux notre école qui en a tant besoin ? J’espère que le nouveau Ministre de l’Education Nationale nous accompagnera à faire le ménage au cœur des établissements scolaires dans les mois à venir. Les maliens n’aspirent qu’au concret à force d’être saturés par les discours interminables. Ils sont saturés de voir leurs descendants récolter de piètres résultats en fin d’année scolaire.
Aboubacar Eros Sissoko