Suite à l’interview publiée dans notre parution du lundi 19 janvier, intitulée «Entretien avec Me Kassoum Tapo à Paris… Dans le dossier Guo Star, le Vérificateur n’a pas le droit de saisir la justice», le Vérificateur général, qui a évité toute polémique depuis la publication de son rapport, réagit sur les points de droit soulevés par Me Kassoum Tapo, conseil de Guo Star. Pour lui l’intéressé apprécie à sa manière la compétence du Vérificateur Général à dénoncer des faits à la Justice, ainsi que le caractère répréhensible de la surfacturation. Il ne partage pas le point de vue de Me Tapo et apporte ses éclairages. (Le surtitre, le titre et le chapeau sont de la Rédaction)
1 – Compétence à dénoncer des faits constitutifs d’infraction à la loi pénale au Procureur de la République:
Maître Tapo estime que «le Vérificateur Général fait l’objet d’une loi spéciale» selon laquelle l’Institution serait habilitée à saisir uniquement la Section des Comptes de la Cour Suprême.
Rappelons qu’au titre de l’article 17 de la Loi n°2012-009 du février 2012 instituant le Vérificateur général, «si le Vérificateur Général a connaissance de faits constitutifs d’infraction, à la loi budgétaire et financière, il en saisit la juridiction supérieure de contrôle des finances publiques ». L’Institution est donc tenue de dénoncer à la Cour Suprême lesINFRACTIONS BUDGETAIRES ET FINANCIERESrelevées lors des vérifications. Il s’agit donc de dénoncer des infractions budgétaires et financières différentes de celles de droit commun. Or, la mission de vérification ayant été conduite concomitamment par le Bureau du Vérificateur Général et la Section des Comptes, cette dernière reste compétente pour se saisir d’office des infractions budgétaires et financières dont il a connaissance.
Toutefois, il est important de noter que l’alinéa 3 du même article 17 de la Loi instituant le Vérificateur Général précise également que «les poursuites devant la juridiction supérieure de contrôle des finances publiques ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale ou disciplinaire de droit commun».
Plus précisément, si, en dehors des infractions budgétaires et financières, le Vérificateur Général relève des faits constitutifs d’infractions de droit commun, celles-ci seront dénoncées au Procureur de la République compétents parallèlement aux poursuites engagées par la Section des Comptes de la Cour Suprême et à l’action disciplinaire engagée par l’autorité administrative compétence. En droit public financier, il s’agit d’infractions cumulatives relevant de trois domaines différents.
2 – De l’existence du terme «surfacturation» dans la législation malienne:
Maître Tapo tente d’expliquer qu’il «n’y pas de délit ou de crime de surfacturation dans notre législation. Cela n’existe pas!»
Contrairement à ces propos, nous renvoyons le Conseil de GUO Star aux différents textes ci-dessous:
– la Directive n°05/2005/CM/UEMOA (Extrait joint en annexe). Cette directive, en son article 8, précise que «les Etats membres [de l’UEMOA] s’engagent à adopter les mesures en vertu desquelles, sans préjudice des sanctions pénales, l’entrepreneur, le fournisseur ou le prestataire de services encourt les sanctions énumérées au présent article lorsqu’il a eu recours à la surfacturation et/ou à la fausse facturation».
– le Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de services publics traite, en ses articles 119 et 120 (extrait joint en annexe), de la surfacturation et ou de la fausse facturation ainsi que des sanctions y afférentes. Il s’agit d’une transposition de la directive communautaire dans la législation nationale.
En droit la surfacturation peut aussi être analysée sous l’angle du faux.
Ainsi, il est facile d’établir que, les irrégularités constatées par le Vérificateur Général, et faisant l’objet de dénonciation au Procureur de la République, sont des faits susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale ou de droit de commun. Cette dénonciation est confortée par les dispositions de l’article 58 de la Loi n°01-080 du 20 août 2001 portant Code de procédure pénale qui dispose: «Toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d’un crime ou d’un délit, sera tenu d’en donner avis sur-le-champ au Procureur de la République ou au Juge de Paix à Compétence Etendue près le tribunal dans le ressort duquel le prévenu pourrait être trouvé et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs […]»
Enfin, les travaux dont fait état Maître Tapo ont porté sur des marchés publics et, à ce titre, les faits dénoncés au Procureur de la République relèvent du droit commun.
source : 22 Septembre