Le procès du Tribunal spécial pour le Liban, chargé de juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et des 22 autres victimes de l’attentat du 14 février 2005, s’ouvre ce jeudi 16 janvier, à La Haye. Les accusés, quatre membres du Hezbollah, en fuite, vont être jugés par contumace.
Avec notre correspondante à Beyrouth, Laure Stephan
Depuis sa création en 2007, le Tribunal divise les Libanais, partagés entre la coalition de Saad Hariri et celle du Hezbollah. Quelles sont leurs attentes à l’ouverture du procès ?
Dans les rues de Hamra, un quartier commerçant de Beyrouth, l’ambiance est morose. Le Liban est paralysé sur le plan politique. Et ce depuis l’été dernier. Il doit faire face à une nouvelle vague d’attentats. Dans ce contexte, le procès du Tribunal spécial pour le Liban est d’autant plus crucial, estime Melhem.
« Le Tribunal est une nécessité pour tout le monde, pour connaître la vérité et comprendre ce qui se passe dans le pays : les attentats, les assassinats. Il faut que la justice internationale arrête les ‘petits’ et les ‘grands’, les exécutants et les commanditaires… Ce sont les ‘grands’ qui sèment le chaos dans le pays.»
Le tribunal, un outil politique selon certains habitants
Pour Karim, le Tribunal spécial pour le Liban est un outil politique. Et il n’est plus une priorité pour la stabilité du pays. Il analyse : « Aujourd’hui, ce qui influence le plus le Liban, c’est la guerre civile en Syrie. On le voit sur le terrain : le retour des attentats, les meurtres. L’économie, le commerce sont à plat : le pays est à l’arrêt. Même les responsables politiques n’arrivent pas à s’entendre. »
Hassan approuve le Tribunal, même s’il estime qu’il coûte trop cher au Liban. Il demande une justice rapide.« Moi je suis avec le tribunal, s’il rend un verdict rapide. Si tout ca se termine d’ici trois ou quatre ans, ca va. Mais si cela tarde des années, à quoi bon? On en aura marre, et celui qui aura commis le crime contre Rafic Hariri, on l’aura oublié et son sang aura séché depuis longtemps ! ».
ZOOM : Un tribunal très spécial
Avec notre envoyé spécial à La Haye,
Après cinq ans de travail, le Tribunal spécial pour le Liban peut enfin entamer ce procès pour lequel il a été créé. Inauguré le 1er mars 2009, le tribunal a été installé loin du Liban pour préserver sa neutralité.
Le bâtiment où il siège à Leidschendam, dans les faubourgs de La Haye, appartenait autrefois aux services de renseignements néerlandais et c’est leur ancien gymnase qui a été transformé en salle d’audience. Le procès qui s’ouvre ce jeudi a d’ailleurs mis tellement de temps à s’ouvrir que cette salle d’audience a pu, à plusieurs reprises, être prêtée à un autre Tribunal spécial, le tribunal pour la Sierra Leone qui a condamné l’ancien président libérien Charles Taylor. Celui-ci était d’ailleurs présent à son procès, contrairement aux quatre hommes donc le procès s’ouvre ce matin. Salim Ayyash, Mustafa Badreddine, Hussein Oneissi et Assad Sabra sont en effet toujours en fuite.
Le tribunal applique le droit libanais qui permet l’absence des accusés et c’est donc un procès par contumace qui va s’ouvrir à l’encontre des présumés responsables de l’attentat qui a coûté la vie à Rafic Hariri et 22 autres personnes le 14 février 2005. Mais à la différence de la justice libanaise, le Tribunal spécial n’a pas dans ses statuts, la possibilité d’infliger la peine de mort ou les travaux forcés.
rfi