Le silence est d’argent, tout le reste n’est que faiblesse”. Telle semble être la ligne de conduite invariable de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, qui continue de désarçonner ses adversaires même les plus irréductibles par son silence. Les hommes n’ont pas la même envergure.
Au procès des crimes de sang, en 1992, l’ancien président, feu le général Moussa Traoré (1968-1991), accusé de meurtres ou assassinats de plusieurs centaines de manifestants désarmés réclamant l’ouverture politique entre janvier et mars 1991, à un moment des confrontations à la barre, a été accablé par son ancien aide de camp, feu le lieutenant-colonel Oumar Diallo alias Birus.
Le président de la Cour d’assises spéciales en ce temps-là, Mallé Diakité (qui nous a aussi quittés), croyant avoir trouvé une faille pour permettre éventuellement au parquet de malmener l’ex-chef de l’Etat, s’est fait dire par GMT qu’il ne répondrait jamais aux accusations de ses anciens subordonnés.
C’est cette posture qui sied aux vrais hommes d’Etat, à ceux qui ont été investis des plus hautes charges et qui s’imposent tant que faire se peut le devoir de réserve pour préserver les intérêts supérieurs de la nation, y compris au péril de leur vie.
Quoique diamétralement opposés au plan idéologique, on peut néanmoins observer que le premier président démocratiquement élu du Mali et l’ancien maître incontesté du Mali, vingt-trois ans durant, partagent un même sens aigu de l’Etat et la valeur du silence dans certaines circonstances.
Certes, nul n’est infaillible ; aucune œuvre humaine n’est non plus parfaite, mais force est de reconnaître qu’Alpha Oumar Konaré, avec Modibo Kéita, Baréma Bocoum, et dans une certaine mesure Me Alioune Blondin Bèye, est de ceux qui ont réellement assuré le rayonnement diplomatique de notre pays. Il a surtout mis en place un modèle de construction de la démocratie cité en exemple dans le monde entier.
Et n’eut été l’obstination de ses adversaires à le renverser à tout prix ou à lui mettre les bâtons dans les roues, nul doute que le passage de l’homme au pouvoir allait être couronné d’un bilan plus élogieux. Hélas !
Aujourd’hui encore on l’accuse d’avoir détruit l’école, en feignant d’ignorer que celle-ci a été plutôt instrumentalisée pour la fin prématurée et antidémocratique du pouvoir de l’Adéma/PASJ.
Les grèves intermittentes, les graines de violence semées dans l’espace scolaire, la chefferie instaurée au sein de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) plus que les réformes, sont les véritables causes de la dégringolade de l’école malienne. Quid de l’effritement de l’autorité parentale ?
A vrai dire, l’échec scolaire est une responsabilité partagée. Et il en sera longtemps ainsi tant que l’on refusera de faire chacun son examen de conscience pour repartir de bons pieds.
Pour sa part, dans son discours d’adieu à la tête de l’État, l’enfant du vénérable Dougoukolo Konaré avait humblement fait son mea maxima culpa. On l’accuse d’avoir détruit l’armée. Mais pourquoi ses successeurs ne l’ont pas alors reconstruite étant donné qu’elle reste le principal outil de décision politique pour un chef d’Etat ?
On a prétexté la Flamme de la paix en 1997 à Tombouctou pour dire qu’AOK a désossé les Forces de défense et de sécurité alors que les armes détruites en cette circonstance avaient été récupérées sur les rebelles dans le cadre du désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR). Les équipements militaires vendus aussi l’ont été dans le cadre des réformes légales.
Le divorce entre Alpha Oumar Konaré et l’armée n’a véritablement été consommé que dans l’esprit débordant de malveillances de ses détracteurs. En tout état de cause, le Champion de l’Adéma/PASJ est à ce jour le seul président élu à entrer et à sortir de Koulouba la tête haute. Un record qu’il va falloir battre au Mali, plus que jamais à la croisée des chemins avec des régimes élus écourtés par l’intervention de l’Armée.
Toujours est-il que l’Histoire retiendra qu’Alpha Oumar Konaré a posé des actes positifs dans ce pays à commencer par son refus de briguer un troisième mandat ; en tenant un discours clair sur sa succession ; en ouvrant les yeux des Maliens sur les capacités de ses collaborateurs et leurs ambitions réelles.
En plus d’avoir porté haut le flambeau du Mali dans l’arène internationale, il a aussi posé les jalons du développement national. Un de ses adversaires les plus résolus croyant bien dire avait qualifié son bilan de “globalement goudronné” tant Bamako manquait de routes carrossables sous le régime précédent. Un compliment quand on sait que la route précède le développement.
Véritable foire aux idées, Alpha Oumar Konaré avait profité de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (Can-2002) pour doter les principales capitales régionales d’infrastructures dignes de leurs ambitions. C’est AOK qui a humanisé nos lieux de sépulture. C’est lui qui a clôturé les écoles. C’est lui qui a fait construire les monuments et espaces verts qui font le bonheur des Bamakois, notamment les mariages.
Il a fait ce qu’il pouvait pour son pays sans démentir ce qui n’a pas été bien fait, sans nier les échecs. Pourquoi continuer de le titiller ou le pousser à la prise de parole non adéquate ?
Premier président de la Commission de l’Union africaine (ex-OUA) à laquelle il a donné ses lettres de noblesse, le président Alpha Oumar Konaré mérite le repos réparateur loin des commérages et cancans.
L’Etat étant une continuité que ses successeurs fassent donc mieux que lui et l’Histoire jugera implacablement ! En attendant pour le résident de Titibougou reste sur sa ligne directrice : seul le silence est d’argent, tout le reste est faiblesse.
El hadj A. B. HAIDARA
Source: Aujourd’hui-Mali