Le retrait annoncé du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), prévu pour le 29 janvier 2025, marque un tournant décisif dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. Ce choix audacieux des trois pays sahéliens illustre leur volonté de prendre leur destin en main et de construire une coopération régionale mieux adaptée à leurs réalités locales.
Une décision ferme et mûrement réfléchie
Bamada.net-Le 66ème sommet ordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, qui s’est tenu à Abuja le 15 décembre 2024, a officialisé cette décision historique. Les dirigeants du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont réaffirmé leur choix de quitter cette organisation régionale, tout en optant pour une transition ordonnée et encadrée. Une période de six mois, allant jusqu’à juillet 2025, a été convenue pour organiser les modalités de leur retrait et permettre d’éventuelles négociations sur leur réintégration.
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Selon Omar Touray, président de la Commission de la CEDEAO, « le Mali, le Burkina Faso et le Niger cesseront d’être officiellement membres de la CEDEAO à compter du 29 janvier 2025 ». Cette transition a été saluée pour son caractère pragmatique, visant à éviter une rupture brutale tout en garantissant une continuité socio-économique.
Les raisons d’une décision irréversible
Les raisons qui ont motivé cette décision sont multiples et profondément enracinées dans les relations tendues entre les trois pays et la CEDEAO.
- Les sanctions économiques et politiques : Les sanctions imposées par la CEDEAO lors des transitions politiques au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont été perçues comme injustes et déséquilibrées. Ces mesures, souvent dictées par des pressions extérieures, ont davantage touché les populations que les gouvernements visés.
- L’incapacité à répondre aux enjeux sécuritaires : La montée en puissance du terrorisme et l’insécurité chronique dans le Sahel ont mis en lumière les limites de la CEDEAO à apporter des solutions concrètes. Les États sahéliens reprochent à l’organisation son inefficacité et son manque d’adaptation aux réalités locales.
- Une vision alternative de la coopération : En juillet 2023, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont créé la Confédération des États du Sahel (AES), symbolisant leur volonté de construire une nouvelle architecture régionale. Cette confédération vise à promouvoir des solutions africaines aux problèmes africains, rompant ainsi avec les paradigmes imposés de l’extérieur.
Une transition ordonnée, un modèle pour la région
Loin d’être une rupture chaotique, le retrait des trois pays s’inscrit dans une démarche mesurée. La CEDEAO a pris acte de cette décision et a désigné les présidents Faure Gnassingbé (Togo) et Bassirou Diomaye Faye (Sénégal) comme médiateurs pour maintenir le dialogue avec l’AES.
Durant la période transitoire, des comités pluridisciplinaires seront chargés de travailler sur les aspects techniques et juridiques de cette sortie. Parallèlement, des efforts seront faits pour assurer une continuité des échanges économiques et des coopérations stratégiques, notamment en matière de sécurité.
Un geste symbolique pour la souveraineté
Ce retrait incarne un acte fort de souveraineté. Il témoigne de la détermination des États sahéliens à se libérer d’une organisation souvent accusée de servir des intérêts non africains. En créant l’AES, ces pays souhaitent réécrire les termes de leur intégration régionale, en favorisant une coopération basée sur des valeurs communes et une vision partagée.
La réaction de la CEDEAO
Face à cette situation inédite, la CEDEAO a adopté une posture prudente. Elle prévoit d’organiser un sommet extraordinaire au cours du deuxième trimestre de 2025 pour examiner les conséquences de ce retrait. Cette démarche vise à maintenir des liens minimaux avec les trois pays, tout en repensant son rôle dans une Afrique de l’Ouest en pleine mutation.
Une opportunité pour un nouveau départ
Pour le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ce retrait représente une opportunité unique de démontrer leur capacité à mettre en place un projet régional ambitieux et inclusif. En mettant en avant une autodétermination affirmée, ces États envoient un signal fort à l’Afrique et au monde entier : celui d’une Afrique souveraine et solidaire, capable de prendre en main son avenir.
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Le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO constitue un moment charnière pour l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit non seulement d’une rupture avec une organisation régionale perçue comme inefficace, mais aussi d’une déclaration de souveraineté et d’indépendance. En écrivant une nouvelle page de leur histoire, ces pays sahéliens montrent la voie pour une coopération régionale plus authentique et mieux adaptée aux aspirations des peuples africains.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net