Ryad – Mohammed ben Salmane entame dimanche en Egypte sa première tournée à l’étranger en tant que prince héritier d’Arabie saoudite, une entreprise de séduction diplomatique qui doit conforter son statut de nouvel homme fort du pays.
Sa visite de deux jours au Caire précèdera des déplacements chez deux autres grands alliés de Ryad: au Royaume-Uni à partir de mercredi et aux Etats-Unis du 19 au 22 mars.
Après une vaste purge inédite présentée comme une opération anticorruption et l’arrestation fin 2017 de dizaines de personnalités du régime, c’est la direction de l’institution militaire qui a été chamboulée cette semaine sur recommandation du prince héritier.
Dans le même temps, ce dernier âgé de 32 ans veut offrir un visage de modernisateur et cherche à façonner une image moins conservatrice pour son pays, qui applique une version rigoriste de l’islam.
Il compte attirer les investisseurs étrangers en leur présentant une Arabie saoudite moins fermée, notamment sur le plan sociétal, afin de bâtir une économie désormais moins dépendante du pétrole.
Incertitude et turbulence
Mohammed ben Salmane arrive au Caire moins de trois semaines avant la réélection attendue du président Abdel Fattah al-Sissi, sans rival sérieux.
“Sa visite sera interprétée comme la preuve que Ryad continuera de soutenir Sissi pendant le prochain mandat”, explique à l’AFP Mostafa Kamel al-Sayed, professeur de Sciences politiques à l’université du Caire.
Ryad et Le Caire collaborent sur d’importants dossiers régionaux, notamment la guerre au Yémen et le blocus du Qatar, dans le but notamment de contrer l’influence de l’Iran, grand rival de l’Arabie saoudite, au Moyen-Orient.
Selon une source gouvernementale saoudienne, les discussions porteront aussi sur la lutte contre le “terrorisme” et la coopération énergétique.
Cette première offensive de charme diplomatique de Mohammed ben Salmane, “est un moment symbolique pour le jeune prince qui va essayer de présenter le meilleur visage de son pays”, assure à l’AFP Andrew Bowen, chercheur à l’American Enterprise Institute.
Ce déplacement “arrive à un moment d’incertitude et de turbulence sur le plan intérieur. Le prince héritier se trouve face au défi de démontrer aux investisseurs potentiels que l’Arabie est stable et qu’il a la haute main sur la politique étrangère malgré (les problèmes avec) le Qatar et le Yémen”, ajoute M. Bowen.
“Ce ne sera certainement pas facile à leur vendre”, prédit-il.
– Nucléaire, économie –
Des manifestations pourraient ainsi émailler son déplacement en Grande-Bretagne, au sujet des ventes d’armes par des pays européens à l’Arabie saoudite qui intervient militairement au Yémen pour aider le pouvoir face aux rebelles, selon Mohamed Abdelmeguid, expert à l’Economist Intelligence Unit.
Sa visite aux Etats-Unis s’inscrit principalement dans le cadre des efforts de l’administration de Donald Trump de signer avec l’Arabie saoudite un accord de coopération nucléaire.
Ryad doit annoncer cette année qui construira les deux premiers de ses possibles 16 réacteurs nucléaires et des négociations sont en cours avec les Américains pour un transfert de technologie.
Alliés historiques, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite se sont considérablement rapprochés depuis l’élection de Donald Trump dont la position ferme envers l’Iran plaît à Ryad.
M. Trump avait d’ailleurs choisi l’Arabie saoudite pour son premier voyage présidentiel à l’étranger.
Durant les visites du prince héritier, il devrait également être question de l’introduction en bourse d’une petite partie d’Aramco, le géant public saoudien du pétrole, prévue au deuxième semestre 2018.
“Le prince Mohammed pourrait chercher à mettre en compétition économique ses hôtes américains et britanniques, notamment sur cette introduction en bourse”, analyse Kristian Ulrichsen, chercheur à l’université Rice aux Etats-Unis.
Présentée comme la plus importante de l’histoire, cette introduction devrait générer d’immenses revenus pour Ryad.