La crise économique, le repli sur soi et la montée des nationalismes, sont autant d’éléments qui rappellent le début du XXème siècle et les années 30 laissant craindre un « engrenage imprévisible », a averti ce dimanche le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, en ouvrant le Forum de Paris sur la paix, qui se déroule en marge des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale.
« On constate aujourd’hui une polarisation de la vie politique et de la société elle-même, qui érode dangereusement les droits et libertés fondamentales, les principes démocratiques et l’Etat de droit », a déclaré António Guterres, prenant la parole après la chancelière allemande Angela Merkel.
Le multilatéralisme est menacé
Le chef de l’ONU a affirmé voir les signes réels de « l’affaiblissement de l’esprit de compromis propre aux démocraties » et « l’indifférence à l’égard des règles collectives », qui sont selon lui « les poisons du multilatéralisme ».
Il a ainsi évoqué la division du Conseil de sécurité face notamment au conflit syrien; les dynamiques de confrontations commerciales opposant le bilatéralisme au multilatéralisme commercial incarné par l’Organisation mondiale du commerce; et la crise de confiance que connait l’Union européenne.
Le multilatéralisme apporte des résultats indéniables
« Je me dois en conséquence d’essayer de prouver pourquoi le multilatéralisme n’est plus seulement une espérance mais plus que jamais une nécessité », a poursuivi António Guterres.
La réduction de plus de la moitié de la mortalité infantile, l’imminente éradication de la poliomyélite, les 7,6 millions de morts évitées grâce à l’accès améliorer au traitement contre le SIDA, sont autant de preuves des « résultats indéniables » du multilatéralisme mis en exergue par le chef de l’ONU.
Il a également souligné les bienfaits des opérations de maintien de la paix et des Casques Bleus, auxquelles ont participé plus d’un million d’hommes et de femmes de 125 pays au cours des 70 dernières années, pour contenir l’extension des crises, protéger les civils et soutenir les processus politique, à un moindre coût.
« C’est bien l’unité du Conseil de sécurité dans les cas iranien et nord-coréen, qui a ouvert la possibilité d’une solution négociée tant en 2015 qu’en 2018 », a ajouté M.Guterres précisant que « le cadre multilatéral s’avère indispensable, pour régler les crises de prolifération nucléaires ».
« L’intervention en Iraq fournit bien une preuve par la négative en faveur du multilatéralisme », a cité le Secrétaire général en contrepartie.
António Guterres a alerté que le climat, la démographie et les migrations et la technologie posent des défis qui exigent une réponse et une adaptation urgente.
Défi climatique
Il a appelé à agir face au changement climatique « qui va bien plus vite que nous », rappelant que les désastres naturels deviennent plus fréquents, plus intenses, plus destructeurs.
Il a souligné que la COP 24 qui se tiendra le mois prochain en Pologne était une étape clef dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat “notre horizon indépassable”.
Aussi M.Guterres compte susciter des contributions nationales plus ambitieuses à la réduction des émissions de carbone, afin de limiter le réchauffement climatique à 1.5C°, et remplir la promesse faite de mobiliser 100 milliards de dollars par an en faveur des pays en développement, à travers le sommet sur le climat qu’il compte organiser en 2019.
Défi des migrations
« “Dans un contexte de réchauffement climatique, d’inégalités et de conflits, les migrations resteront un phénomène durable », a dit M Guterres.
« Sans coopération internationale, et si nous nous replions derrière nos frontières nationales, nous sacrifierons nos valeurs collectives, et nous perpétuerons la tragédie des migrants exploités par les pires des trafiquant », a insisté António Guterres.
Il s’est ainsi félicité du Pacte global sur les migrations qui doit être conclu a Marrakech en décembre.
Même si celui-ci ne sera pas de caractère juridiquement contraignant, il devrait constituer une base de coopération internationale pour une migration sûre, ordonnée et régulière et fournir une vision qui aiderait à contrer les préjugés contre les migrants.
Défi technologique
« Il nous est donné de connaître l’une des révolutions qui accouche d’un monde nouveau », a dit le chef de l’ONU concernant les technologies.
« Bientôt, l’intelligence artificielle redéfinira le marché de l’emploi, et la nature du travail lui-même », a précisé M Guterres affirmant que la transformation digitale bouleverse nos économies et société, et alertant qu’il existe un « écart entre les innovations et notre cadre juridique ».
Aussi le chef de l’ONU a averti sur l’utilisation de ces technologies à des fins militaires.
« Imaginez les conséquences d’un système autonome capable de repérer et d’attaquer de lui-même des êtres humains », s’est indigné M.Guterres invitant les États à interdire ces armes « politiquement inacceptables et moralement révoltantes ».
Selon lui il s’agit que la révolution digitale devienne « une force positive au service du progrès » et que les Nations-Unies soient une plateforme où les Gouvernements, les entreprises, la société civile et les chercheurs puissent se mettre d’accord sur des codes de bonne conduite, des lignes directrices et engagements volontaires.
Aussi la combinaison de ces trois défis surviendrait à un moment de grande anxiété et de désordre géopolitique, qui accroît les risques de confrontation.
Vers un monde multipolaire et multidimensionnel, doté d’un système multilatéral fort et agile
Pour António Guterres même si le monde semble chaotique il évolue vers une multipolarité multidimensionnelle qui nécessite un système multilatéral à moins de connaitre un retour aux seuls rapports de force et à une spirale de conflits.
Il a ainsi prôné un multilatéralisme « réformé, fort et en mouvement », qui soit inclusif et en étroite relation avec la société civile et la communauté des affaires, et guidé par la lutte contre les inégalités dans le monde.
António Guterres s’est enfin félicité de la présence des participants « pour défendre un multilatéralisme en action », une « marque de confiance » qui a renforcé sa confiance en l’avenir et le rend plus encore déterminé.
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