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Le Mali, la Mauritanie et le futur protectorat de l’Azawad en bordure du Sénégal

Après le vacarme électoral et l’investiture sobre du Président Ibrahim Boubacar Keita (le calendrier sino-africain avait bloqué plusieurs chefs d’Etat à Beijing), le compte à rebours a commencé simultanément à Bamako, Nouakchott, Alger et Paris. La paix au pas de charge (à vive allure) meuble le second mandat du Président malien qui est pris en étau par des faisceaux de pressions, tous vecteurs d’urgence et d’accélération dans l’application correcte de l’Accord d’Alger du 15 mai 2015. A cet égard, des signes structurants du sort du Nord-Mali sont tantôt signalés, tantôt observés et toujours guettés. Et tous convergent vers un remodelage institutionnel et territorial du Mali.

Le ton est donné, à l’unisson, au sortir de la cérémonie d’investiture du 4 septembre, par les ambassadeurs de France et d’Algérie à Bamako. Leurs Excellences, Evelyne Decorps et Boualem Chebihi, ont dit à IBK – par médias interposés – que la paix et la sécurité sont les attentes de leurs gouvernements respectifs. Le cahier des charges est ainsi collé et imposé au Président réélu.

 

Dans cette optique, la lecture et l’analyse de quelques évènements récents ou en cours, pré-dessinent un schéma inspiré par l’Accord de paix d’Alger mais amendé et amélioré dans un sens (présumé) politiquement plus digeste. Un Plan de paix vraiment inédit. Convenons-en, le ver de la partition du Mali était déjà dans le fruit, avant d’être glissé, aux forceps, dans une chemise déposée sur la table de travail d’IBK. En effet, l’Accord d’Alger du 15 mai 2015 constitue, en lui-même, une oraison funèbre pour le Mali, jusque-là, Etat entier et indivisible sur la mappemonde. D’où sa difficile voire sa périlleuse application par le Président de la république qui en est pourtant le cosignataire. Le référendum qui devait constitutionnellement préluder à sa mise en œuvre, est abandonné face à l’énergique réprobation du peuple massivement descendu dans la rue, pour conjurer toute velléité de démantèlement du « Grand-Mali ». Un blocage que la France désireuse de décamper (BARKHANE coûte cher et s’ensable) contourne habilement par le parrainage d’une entité étatique dénommée Azawad qui sera placée sous la tutelle de la Mauritanie. Un Protectorat formellement maintenu dans l’ensemble malien mais étroitement rattaché à la Mauritanie qui le sécurisera, en lieu et place, de l’armée de Bamako définitivement interdite d’accès à Kidal.

Plusieurs faits alertent et intriguent les observateurs. D’après nos confrères du site Africa-Kibaru, une colonne d’une quinzaine de véhicules de l’armée mauritanienne est entrée à Kidal, dans la nuit du 11 au 12 septembre. Le détachement précurseur est commandé par le Colonel Ahmed Mohamed Abdi. Immédiatement, les contacts entre l’officier mauritanien et ses collègues français de BARKHANE ont commencé. Informations ni confirmées ni infirmées par le gouvernement muet de Bamako.  Après l’alerte donnée par Africa-Kibaru, Dakaractu a interrogé des journalistes du site Kidal-infos qui ont répercuté des rumeurs persistantes. Des rumeurs qui enflent sans cesse et précisent que la base principale et le PC des soldats mauritaniens seront implantés à Essouk, à 45 km de Kidal. Pour l’instant, selon les derniers échos, le matériel et quelques militaires mauritaniens bivouaquent non loin des Abattoirs de Kidal. Question : Nouakchott pose-t-elle les premiers jalons d’une annexion convenue et, surtout, bénie par Bamako, Alger et Paris ?

En tout cas, chacun des trois pays trouverait des motifs de bénédiction et de satisfaction dans un tel cas de figure. La France allègerait son dispositif puis mettrait progressivement un terme au lourd volet malien de BARKHANE, tandis que l’Algérie serait moins inquiète et plus heureuse de voir l’armée française assez éloignée de sa frontière. Mieux, les Algériens apprécieraient, sans aucun doute, une tutelle rampante de la Mauritanie, un pays ami qui a reconnu, dès 1979, le Polisario. Et qui, demain, stabiliserait l’Azawad, en encadrant la future armée régulière du MNLA. Vu d’Alger, la permanence de la présence et l’accroissement de l’influence de la Mauritanie (pays arabo-africain) seraient le moindre mal dans le Nord-Mali. Quant au Président Mohamed Abdelaziz, il saisirait cette aubaine octroyée par Macron et IBK, pour asseoir son leadership dans le Sahel. Une division géopolitique du travail qui ferait du Président Idriss Déby, le Clausewitz du Sahel et du chef de l’Etat mauritanien, le Bismarck du G5. Dans l’attente de la dissipation du brouillard encore épais autour du débarquement de l’armée mauritanienne à Kidal, admirons la maestria dans cette manœuvre exécutée par le Général Aziz ! Un double champion du coup de poker et du jeu clair-obscur. Après avoir joué sa partition dans la déstabilisation de son voisin, « l’homme fort de Nouakchott » se pose en sauveur du Mali au bord du naufrage.

Pour les milieux bien informés, les visées de la Mauritanie sur le Mali ont fait l’objet d’une d’une réelle planification. Rien n’a été improvisé. Grandement servie par l’histoire et la géographie, la Mauritanie possède une grande et pointue connaissance du Mali (ex-Soudan français) dont elle a avalé, en 1941-1945, les villes de Néma et d’Aïoun el-Atrouss, à la faveur d’un redécoupage territorial subitement opéré par le Gouverneur Christian Laigret. D’où le gros vivier de « Maures de culture bambara » bien éparpillés dans l’administration, la police et les armées mauritaniennes. Le Général Hanena Ould Sidi, nouveau Commandant en chef des Forces du G5 Sahel en est la parfaite illustration. Natif de Néma (département de Bassiknou), ce n’est pas un hasard, si le Président Abdelaziz en a fait le Patron du QG de Mopti et, par ricochet, le Proconsul du Sahel, une sorte de Général Mc Arthur de la bande saharo-sahélienne. Exactement dans le même que le pugnace Général américain joua, jadis, au Japon et dans le Pacifique. Avant la nomination du Général Hanena Ould Sidi, c’est un autre Maure-bambara, le Colonel Hassan Koné, attaché militaire et haut cadre des services de renseignement mauritaniens qui a supervisé, depuis l’ambassade de Mauritanie à Bamako, tout le processus qui débouche, aujourd’hui, sur le protectorat programmé de l’Azawad. En mai 2014, le Colonel Hassan Koné prépara – en tant qu’éclaireur de pointe – la brève visite de médiation du Président Mohamed Abdelaziz, à Kidal.

Le savoir-faire personnel du Président Mohamed Abdelaziz n’est pas en reste. Bien au contraire. L’action couronnée de succès a été préparée de longue main. En effet, le chef de l’Etat mauritanien a été le parrain et l’artisan, au plan logistique, de la réélection contestée d’IBK. Les gros des moyens de la campagne électorale ont été fournis par Nouakchott. IBK a fait le tour du Mali, à bord d’un avion de « Mauritanie Airways ». Beaucoup de véhicules 4X4 allongeant indéfiniment les cortèges du candidat IBK, gardaient intacts leurs numéros d’immatriculation RIM. Il n’est donc pas étonnant – par voie de conséquence – que la première visite à l’étranger du second mandat d’IBK soit effectuée, le 24 août, en Mauritanie. Avant son investiture. Un axe Bamako-Nouakchott tellement fluide qu’il a accouché de la sous-traitance du destin de l’Azawad, à la Mauritanie. Signe de la complicité du duo Macron- Aziz et, notamment, de l’enchevêtrement des intérêts des deux pays, c’est l’actuel l’ambassadeur de France à Nouakchott, Joël Meyer, qui va incessamment présenter ses lettres de créances à Ibrahim Boubacar Keita, en qualité de nouveau Représentant de la France au Mali. En attendant d’être cumulativement nommé à Kidal.

La partie dissimulée de l’iceberg (la tutelle mauritanienne sur l’Azawad) réside profondément dans les calculs et les arrière-pensées du Président Abdelaziz. Avec l’ajout des Touaregs blancs, c’est une Mauritanie davantage arabo-berbère qui prendra démographiquement forme. Dans le Gotha politique mauritanien, ce sont les tenants du nationalisme et, surtout, du panarabisme hégémonique qui se frottent les mains. La deuxième occasion est ainsi offerte, de réajuster ou de rééquilibrer le peuplement de la Mauritanie de plus en plus noire. Déjà, lors du conflit sénégalo-mauritanien de 1989-1990, certains conseillers de l’ex-Président Maouiya Ould Taya avaient préconisé un transfert massif de réfugiés Touaregs maliens sur la rive mauritanienne du Fleuve Sénégal, en vue de surclasser numériquement les Haal Pulaars, au lendemain des déportations massives. Comme on le constate, l’agenda de la Mauritanie s’accommode mal de la présence vigilante du Sénégal dans le G5 Sahel. D’où la mise à l’écart de Dakar. Voilà les agissements, d’hier et d’aujourd’hui, d’un voisin avec lequel le Sénégal est en double partenariat gazier et pétrolier. A l’heure des craquements territoriaux et des bouleversements géostratégiques qu’induit le crépuscule de la crise malienne – La Mauritazawad est entrain de naitre – le Sénégal est englué dans le parrainage, alors qu’il a besoin de blindage.

Dakar Actu

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