Signé le 20 juin 2015 par le président Ibrahim Boubacar Keïta, l’Accord de paix qui devait être mis en application dans quarante (40) jours accuse un retard de cinq (05) ans. Il comprend 68 articles avec plusieurs communiqués conjoints. La difficile application de l’Accord d’Alger, appelé Accord de paix, trouve son explication dans le bras de fer qui a opposé le général Moussa Traoré à l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM) dont le leader Abdoul Karim Camara fut assassiné (17 mars 1980) dans les geôles du Camp-Para par les sbires du général. L’assassinat du père de l’indépendance, en 1976 a montré tout l’attachement d’un peuple envers un bienfaiteur.
En Afrique, quelques rares présidents patriotes ont forcé l’admiration de leur peuple: Modibo Keïta, N’kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Barthélemy Boganda, Thomas Sankara. Ils ont été assassinés à la suite des coups d’État perpétrés par la françafrique ou nom de la colonisation, le cordon ombilical qui lie l’Afrique à l’Europe.
Ces peuples d’Afrique (Mali, Ghana, Congo Belge, Centrafrique, Burkina Faso) peuvent pardonner mais n’oublient pas. Dès lors, on comprend le sentiment de la politique anti-française qui prend de l’ampleur en Afrique à travers des mouvements de jeunesse: ‘‘Ya en a marre’’ au Sénégal, ‘‘Balais Citoyen’’ au Burkina Faso, ‘‘Yiri Bakoro’’, ‘‘Faso Kanu’’ au Mali.
Enfin, la difficile application de l’Accord de paix réside dans les ressources humaines de mauvaise qualité. Car, ce sont les voleurs du patrimoine national qui sont les défenseurs d’un accord qui demande la partition du pays. Comment voulez-vous que des patriotes acceptent l’inacceptable ? Chez les peuples mandingues, le vol est un crime imprescriptible.
La tenue d’une conférence nationale souveraine pourra accorder les violons entre les Maliens, car beaucoup d’eau a coulé sous le pont: liquidation des sociétés et entreprises d’État, bradage du patrimoine national, délinquance financière à outrance avec son corollaire de milliardaires, le foncier est source de vie et de mort, l’or du Mali à la merci des entreprises étrangères, l’achat de l’équipement militaire. Bref, l’audit de la nation après trente années de pratique démocratique est nécessaire.
Que reste-t-il du Mali ? Quel développement ? Pour qui ? Pourquoi ? Que faut-il faire ? Qui a fait quoi ? Sans cela, on n’ira nulle part. Les Maliens ont souffert durant ces trente ans de démocratie: champs arrachés aux paysans, pâturages déracinés, quartiers démolis, cherté de la vie, que sais-je encore ?
Gouverné par une junte qui, le 19 novembre 1968, a écarté du pouvoir par la force le président Modibo Keïta, depuis lors décédé en prison dans des circonstances restées mystérieuses, le Mali n’est plus un régime militaire au sens strict. Comme beaucoup de leurs homologues d’Afrique noire, les prétoriens maliens n’ont en effet cessé au cours des dernières années de multiplier les promesses solennelles de retour à un régime civil.
Le 2 juin 1974, une nouvelle Constitution, destinée à remplacer celle que les putschistes avaient suspendue, a même été adoptée par référendum. Et le nouveau gouvernement de quinze (15) membres constitué, le 28 juin 1979, à la suite de l’élection du général Moussa Traoré à la présidence de la République, le 19 juin, ne compte, outre ce dernier qui s’est réservé le portefeuille de la Défense, que deux (02) militaires.
État successeur de l’ancien Soudan, qui fut l’un des territoires de la Fédération d’Afrique occidentale française (AOF) pendant la période de la colonisation, le Mali est également l’héritier du prestigieux empire médiéval auquel il a emprunté son nom.
Il faut tenir étroitement compte de cette double filiation si l’on veut comprendre les réalités politiques, économiques, sociales et culturelles maliennes contemporaines. Pour des raisons identiques, il est également indispensable de se référer à la personnalité de l’ancien président Modibo Keïta, qui fut l’un des rares dirigeants d’Afrique noire francophone de stature internationale.
Pays sahélien, enclavé au cœur du continent noir, privé de tout accès direct à la mer, le Mali occupe une position géographique défavorable à son développement économique. Culturellement et politiquement, il se trouve placé à la charnière du monde arabo-berbère et du monde négro-africain, ce qui explique la complexité de certains des problèmes auxquels était confrontée la junte de Bamako et certaines des orientations que le général Moussa Traoré, devenu président du Comité militaire de Libération nationale (CMLN), président du gouvernement et chef de l’État, le 19 septembre 1969, entend donner à la politique extérieure malienne. Aux nombreux handicaps structurels qui sont les siens, le Mali en a ajouté de nouveaux après le putsch du 19 novembre 1968, qui a entraîné l’établissement d’un régime militaire.
Certes, de ce dernier point de vue, l’équipe dirigeante malienne est loin de faire figure d’exception, puisque quatre (04) des sept (07) États qui possèdent une frontière commune avec le Mali sont, eux aussi, dotés soit de régimes militaires au sens strict, soit de régimes issus d’un putsch: Mauritanie, Algérie, Niger, Haute Volta (actuel Burkina Faso). Mais au Mali, comme en Ethiopie ou au Ghana, c’est une junte insurrectionnelle qui a confisqué le pouvoir, contrairement à ce qui s’est passé en d’autres temps au Zaïre ou au Nigeria par exemple. Du fait de cette situation, toutes les structures hiérarchiques ont été ruinées, contrairement à ce qui se passe lorsque celui qui est porté au pouvoir est réellement le gradé le plus ancien dans le grade le plus élevé, comme ce fut le cas en Haute-Volta.
D’autre part, un gouvernement efficace s’accommode mal du respect du principe de la collégialité sur lequel se fondent les juntes. Autant que les médiocres compétences des membres du CMLN, la nécessité dans laquelle ils se trouvent de se mettre impérativement d’accord entre eux avant de prendre toute décision importante explique l’impéritie du gouvernement CMLN.
Éprouvant de sérieuses difficultés à expédier de façon satisfaisante les affaires courantes, les putschistes du 19 novembre 1968 ne sont pas en mesure de donner forme aux aspirations panafricaines de l’ancien président, Modibo Keïta. Ce dernier, qui ambitionnait de hisser son pays au rang de grande puissance interafricaine, était manifestement mieux placé pour recueillir le fastueux héritage historique de l’empereur Soundiata Keïta que les officiers qui l’ont évincé. C’est ce qui explique la morosité générale d’un électorat qui est orphelin de Modibo Keïta, comme l’électorat ghanéen est orphelin de Kwame Nkrumah. Restent les perspectives de retour, désormais de plus en plus précises, à un régime civil.
Les manifestations de lycéens et d’étudiants et la dure répression qui s’est abattue à Bamako et à Ségou, contre les contestataires au cours de l’année 1979-1980, l’aggravation des difficultés financières rencontrées par le général Traoré donnent en tout cas à penser que le régime était réellement à bout de souffle. Le Mali: Un Peuple-Un But- Une Foi. Cela veut dire unis nous vaincrons, l’armée la plus puissante au monde.
Safounè KOUMBA
Source : L’Inter De Bamako