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Le Mali doit-il parler avec ses djihadistes ?

La réponse à cette question doit être sans équivoque et je pense que le Mali doit dialoguer avec l’ensemble des mouvements armés, même ceux qu’on qualifie de djihadistes, à la seule condition qu’ils soient de nationalité malienne.

Depuis le début de la crise multidimensionnelle en 2012, jusqu’à nos jours s’il y a une constance que le gouvernement malien a tenu, c’est bien la ligne de non négociation avec les djihadistes. Cette ligne bougera-t-elle avec l’arrivée de Tiébilé Dramé aux affaires étrangères ?

Je fais partie des milliers de Maliens voire millions qui ont vécu cette crise de près, soit en tant que victime directe ou soit en tant que proche ou parents de victimes. Le temps est venu pour nous les Maliens de se rendre à l’évidence par rapport à la résolution de la crise qui n’a que trop duré.

En effet, après un premier quinquennat consacré entièrement à la recherche de la paix, le Président, Ibrahim Boubacar Keita, a toutes les peines du monde pour rétablir l’ordre et faire régner la quiétude dans son Mali, qui était envié dans la sous région pour sa stabilité.

Solution impossible

Après la nomination de plus de cinq Premiers ministres, le Mali n’arrive toujours pas avoir la “recette magique “pour venir à bout des tueries de masse que le pays connaît depuis l’embrasement dans les régions du centre (Mopti et Ségou). Sans remettre en cause la qualité humaine ou la capacité intellectuelle de ces hommes et femmes qui conduisent la politique gouvernementale, je dirais que toutes les voies et moyens de la résolution de la crise n’ont pas été exploitées. Et si l’on décide de revoir l’ensemble de la ligne de notre politique vis-à-vis des groupes armée qui sévissent au Nord et au Centre du pays. Osons le dire et si le gouvernement malien décide enfin de s’asseoir avec les groupes djihadistes sur la table de négociation.

De prime à bord, je ne défends jamais des individus qui font souffrir le peuple gratuitement au nom d’une religion quelle qu’elle soit. Mon idée, ici, c’est de voir sous cet angle comment résoudre le problème et arrêter les tueries massives des civils.

Je propose que le gouvernement réactive la mission de bons offices auprès d’Iyad Ag Ghaly pour le ramener à la table de négociation. Cette négociation ne doit au préalable interdire aucune question, de la laïcité, de la forme de gouvernance et de la place des religions et surtout de la justice. À la différence de l’accord issu du processus d’Alger, cette négociation doit aboutir sur un document qui sera soumis à l’adoption du peuple malien.

Les prises de contact des leaders religieux locaux ou du sud avec les djihadistes ont toujours eu des dénouements heureux, notamment avec la libération ou échange de prisonniers ou encore l’assouplissement des mesures d’interdiction dans les zones qu’ils contrôlent.

Une laïcité mise à mal

Le premier bénéfice d’un tel dialogue sera l’arrêt des hostilités pour le temps du dialogue. Cette mesure permettra de sauver beaucoup de vies dans la zone où les attaques sont quotidiennes à son corollaire de victimes civiles et militaires et des déplacements massifs. Ensuite, ce dialogue permettra de connaître les revendications réels ou supposés des djihadistes et d’apporter une réponse claire et sans ambages.

Le simple fait de discuter avec les leaders djihadistes permet de démotiver beaucoup de leurs soutiens qui prétendent qu’ils ne sont pas considérés par les autorités maliennes. En permettant à ceux-ci d’étaler leur revendication aux yeux du monde, il sera très facile de prouver que derrière ces multiples attaques, il n’y a point une lutte pour la religion ou pour le bien-être des musulman mais plutôt une lutte idéologique pour nuire à l’autre.

De ce dialogue, le gouvernement malien peut gagner la bataille de l’opinion qui pourrait beaucoup l’aider lors de la reconquête des zones sous contrôle des djihadistes en cas d’absence d’accord. Mais, il faut aussi dire que le gouvernement peut perdre beaucoup si l’opinion bascule du côté des djihadistes.

Le verrou constitutionnel par rapport à la laïcité, à la forme républicaine du pays doit-il sauter pour permettre aux Maliens de revoir cette la laïcité que nous sommes toujours en train de malmener à travers nos comportements de tous les jours. Si le constituant malien de 1992 a préféré se référer à la loi de 1905 sur la laïcité en France pour faire du Mali un Etat laïc, qu’en est-il du peuple souverain d’aujourd’hui ? Peut-on continuer à violer les textes sur la laïcité et prétendent défendre cette même laïcité ? Le rôle grandissant des leaders religieux dans les arcanes du pouvoir ne sont-ils pas des signes annonciateurs? Toutes ces questions peuvent avoir leur réponse en libérant la parole et en écoutant toutes les sensibilités du pays sans exclusion aucune.

Yacouba Dramé

Source: Le Hoggar

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