Quand on pense au développement de la science, l’Afrique n’est pas la première région du monde qui vient à l’esprit. Pourtant, depuis le début des années 2000, les progrès sont réels.
Cette lente mais durable évolution scrutée périodiquement par le site afriscitech.com se joue essentiellement dans quelques pays que voici….
1. L’Afrique du Sud : championne toutes catégories
Le pays arc-en-ciel est installé à la première place en ce qui concerne la recherche scientifique en Afrique. Avec 9 000 articles scientifiques publiés en 2014, plus gros total du continent selon le dernier rapport sur la science de l’Unesco, cette place n’est contestée par personne. En 2015, 15 articles dont les auteurs provenaient d’Afrique du Sud ont été publié dans Nature ou Science, journaux de références dans le domaine. C’est autant que le Kenya, l’Egypte, le Sénégal, le Ghana et la Guinée réunis, pays suivants du classement. Et avec près de 5 milliards de dollars dépensés pour la recherche en 2012 (3,5 milliards de plus que le Nigéria, deuxième plus gros investisseur), chiffre appelé à monter chaque année, la présence de l’Afrique du Sud dans les publications de premier rang devrait continuer à progresser.
2. Le Mali : champion francophone de l’investissement
Il reste qu’avec Cheick Modibo Diarra qui fut premier ministre en 2012 et candidat à l’élection présidentielle en 2014, le Mali est l’un des rares pays où un astrophysicien a pu connaître un destin politique.
3. Le Sénégal : beaucoup de chercheurs mais des moyens limités
Si l’on s’intéresse au nombre de chercheurs, le pays francophone africain qui arrive en tête est le Sénégal, avec 361 scientifiques par million d’habitant. C’est même le deuxième meilleur total derrière l’Afrique du Sud en Afrique subsaharienne. Pour ce qui est du nombre de publication, avec 338 articles en 2014, il est seulement dépassé, côté francophone, par l’explosion des publications camerounaises (707 en 2014). L’écart est toutefois moins impressionnant lorsque l’on prend en compte la taille des populations : 31,7 articles publiés par million d’habitants au Cameroun, contre 24 au Sénégal. De plus, alors que la majeure partie des recherches sur le continent concernent la santé et l’agronomie, le Sénégal veut se diversifier, en investissant notamment dans la construction d’un observatoire astronomique.
Les investissements suffiront-ils ? Avec seulement 0,5% de son PIB consacré à la recherche, tous les domaines scientifiques n’en profiteront pas. Résultat, le nombre de chercheurs augmente chaque année, mais le nombre de publications stagne depuis 2011, avec même une légère tendance à la baisse, quand tous ses voisins sont en augmentation. Pour optimiser la recherche au niveau national ainsi que dynamiser les universités, deux réformes ont été adoptées en 2014. L’une des principales mesures consiste à créer des conseils d’administration dans les universités, dont la moitié serait composée de personnes extérieures, y compris des représentants du secteur privé.
4. Le Nigéria : un développement solide mais paresseux
En 2014, le Nigéria est devenu la plus grande économie africaine. Son PIB a atteint 510 milliards de dollars et a dépassé celui de l’Afrique du Sud, estimé à 370 milliards. En août 2016, victime de la crise du pétrole, le Nigéria redevient le dauphin. Ces deux-là sont les rivaux africains en termes de développement, mais pour ce qui est de science, l’Afrique du Sud continue de dominer largement le duel. Le Nigéria est logiquement le deuxième pays le plus avancé scientifiquement au sud du Sahara, pourtant, l’on pourrait attendre plus du pays rendu riche par le pétrole. Avec ses 1 961 publications sur l’année 2014, il est largement au-dessus des autres pays d’Afrique subsaharienne.
Mais 1,4 milliard d’euros investis dans la recherche font relativement peu, seulement 0,2% du PIB, pour une économie en telle progression. Pourtant, en 2009, le gouvernement avait mis en place une “vision” pour placer le pays parmi les 20 premières puissances économiques mondiales. Celle-ci comprenait 5 milliards d’investissements pour la Fondation Nationale de la Science, qui n’ont finalement pas été dépensés. Tout comme ce fameux 1% de PIB alloué à la science, voté dès 2011, cinq ans avant les ODD, mais qui n’est, lui non plus, pas atteint.
Lorsque l’on parle du développement de la science en Afrique, le Ghana est l’exemple parfait. Le nombre de ses publications scientifique a plus que doublé entre 2005 et 2014, faisant grimper le pays à la deuxième place des pays les plus prolifiques en Afrique de l’Ouest, derrière l’inatteignable Nigéria. Et cela vaut aussi pour la création d’emplois. Entre 2007 et 2010, le nombre d’employés dans la recherche et le développement est passé de 1 430 à plus de 3 000. La politique scientifique du Ghana est tournée vers le pragmatisme.
En 2014, une loi est promulguée pour accentuer la science “pratique” destinée par exemple à réduire la pauvreté ou améliorer la compétitivité des entreprises. Loi qui a eu pour effet de motiver la Banque Mondiale à donner huit millions d’euros à l’Université du Ghana pour former des agriculteurs avec le niveau master ou doctorat… quitte à laisser la recherche fondamentale de côté, du moins pour le moment. Le Ghana a fait un choix pragmatique dans ce qui est l’une des grande problématiques des politiques scientifiques sur le continent.
6. Le Kenya : moteur de l’Afrique de l’Est
En Afrique de l’Est, un pays se démarque nettement des autres : le Kenya. À lui seul, il publie presque autant que les deux autres plus prolifiques de la zone (1 374 articles en 2014 contre 1 622 pour l’Ouganda et l’Ethiopie réunis). Et il ne compte pas s’arrêter là. En 2013, une loi nommée Science, Technology and Innovation Act a permis l’augmentation des dépenses dans la recherche. Non seulement pour respecter les objectifs de développement de l’ONU, mais également pour faire évoluer l’économie kényane. Résultat, le pays dépense 0,8% de son PIB dans l’innovation, plus que n’importe quel pays africain.
Un exemple de ces investissements : la création d’un pôle de recherche et d’industrie technologique à quelques kilomètres de la capitale Nairobi. Le but de cette “Silicon Savannah” : créer 200 000 emplois dans le secteur de la technologie de l’information et de la communication d’ici à 2030.
7. L’Egypte : quand l’Afrique du Nord tient tête à l’Afrique du Sud
La principale différence avec les autres pays africains réside dans l’importance de l’investissement en sciences humaines. Un phénomène que l’on retrouve dans le Monde Arabe en règle générale. Au pays des pharaons, 51% des étudiants à l’université ont intégré des filières en sciences humaines en 2013 (archéologie, histoire, géographie…), contre moins de 20% en moyenne au sud du Sahara. L’importance du tourisme lié à l’histoire de l’Egypte y est pour beaucoup : à chaque découverte majeure, la présence des touristes occidentaux augmente. Pas étonnant que le gouvernement décide de stimuler ce secteur : le tourisme est l’un des moteurs de l’économie, représentant plus de 7 milliards d’euros de revenus en moyenne par an. Mais ce n’est pas la seule raison. Le pays connaît une longue tradition universitaire dans ces branches de la science. L’université Al-Ahzar, née en 975 ap. JC, est même l’unes des plus anciennes du monde, et la seconde bâtie en Afrique.