Le général de division Abdoulaye Maiga était en mission en Azerbaïdjan où se tenait la 29e COP sur le climat quand le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga a été démis de ses fonctions le 20 novembre 2024. Appelé à rentrer en urgence (ce qui pour de nombreux observateurs était une indication majeure de sa future nomination), il foule le sol de Bamako le même soir pour se voir nommer Premier ministre le lendemain 21 novembre avec en prime son maintien comme ministre de l’Administration territoire et de la décentralisation. Outre le fait que sa nomination mettait fin à une sorte de chienlit institutionnelle au sommet de l’État caractérisée par la mésentente assumée entre le Premier ministre et le Président de la Transition, il s’agissait de donner une nouvelle respiration à une Transition devenue poussive en ouvrant de nouvelles perspectives. Le moins que l’on puisse dire est que sa nomination a été favorablement accueillie par une bonne frange de la population. Celle-ci garde certainement de bons souvenirs de l’intérim de 4 mois qu’il a assuré à la Primature à partir d’août 2022 quand Choguel K. Maiga a été « mis en repos forcé par son médecin après 14 mois de travail sans répit » selon son entourage qui annonçait son retour au poste dans une semaine (la suite a prouvé que le bonhomme a frôlé le repos éternel). Pendant les 4 mois de son intérim, le Général Abdoulaye Maiga a prouvé qu’on peut gérer les affaires de la Cité sans fureur, sans être dans le dénigrement permanent et les invectives contre-productives. Les acteurs politiques, les partenaires sociaux, le monde des affaires, tous s’accordaient à reconnaître un vrai mieux dans le cadre du dialogue et surtout une sorte d’accalmie qui permettait de parler du Mali et de son avenir sans être forcément d’accord et sans qu’on accuse ceux qui ne sont pas d’accord d’être de fasoden djougou. Les observateurs ont très vite compris qu’il était un homme de confiance du Président Assimi. Assumant en même temps la mission de porte-parole du gouvernement, il a fait de la triple répétition des messages une marque déposée. Cela fait son charme pour certains même s’il agace d’autres. Sous ses airs débonnaires, il a montré une grande capacité à dégainer des piques comme lorsqu’à la Tribune des Nations-unies, il a qualifié le gouvernement français de junte dirigée par le président Macron.
A l’épreuve du feu
La nomination du général de division Abdoulaye Maiga est survenue dans un contexte où les difficultés se sont métastasées n’épargnant aucune partie du corps social et économique. Le secteur qui fait vivre aux Maliens un véritable martyre depuis près de deux ans, c’est celui de l’électricité. L’activité économique qui était déjà à bout de souffle est au bord de l’agonie. Le nombre de structures ayant fermé avec son corollaire de chômeurs en vrac ne se compte plus. C’est pour cette raison que le chantier auquel il s’est attaqué en premier c’est de trouver des solutions concernant l’électricité. La rencontre avec les agents de EDM, du planton au directeur général, devait offrir des balises voire des bouées de sauvetage. Les solutions préconisées par les agents de EDM à qui l’exercice avait été confié n’ont pas prospéré dès qu’il s’agissait de renouer les contacts avec la Côte d’Ivoire pour la fourniture en électricité. L’économie a été sacrifiée sur l’autel des mauvaises relations politiques entre notre pays et la Côte d’Ivoire. Mais comme il fallait trouver une solution palliative, la taxe sur les produits téléphoniques a été choisie pour venir au secours de l’EDM. De nombreux Maliens sont vent debout contre cette décision, mais le gouvernement n’y prête pas attention. Devant l’ampleur des taches, le Premier ministre a instauré des cadres de concertation avec le secteur privé, la société civile et les partis politiques.
De l’EDM dépend toute l’activité industrielle des grands opérateurs économiques, des petites et moyennes industrielles et des très petites industries. Frappé de sinistrose, ce secteur a salué la décision du Premier ministre de prendre personnellement en main de faire face à leurs préoccupations et à la recherche de solutions. Quitte à mettre le ministre de tutelle au second plan, le général Abdoulaye Maiga a mis en place un cadre de concertation qui se réunit une fois par mois. Cela permet de poser les gros problèmes sur la table même si les solutions tardent souvent à venir. Cette volonté politique d’alléger les contraintes qui pèsent sur l’économie permet la réflexion sur les recherches de solutions. Le paiement d’une partie de la dette intérieure est intervenu dans cette atmosphère et a été unanimement salué.
L’un des chantiers sur lequel il est attendu est incontestablement celui du retour à une vie constitutionnelle normale. Du temps où il était ministre d’État de l’administration territoriale et de la décentralisation, il avait pu organiser le référendum. Il reste l’organisation des élections devant mettre fin à la Transition. Sur ce dossier, la pression monte de plus en plus. Par-delà les politiques et les associations, différents groupes sociaux Maliens estiment que le pays ne pourra se remettre sur ses deux pieds qu’une fois les élections organisées à temps. Or visiblement, il n’y a aucun calendrier connu pour ne pas dire aucune volonté politique affichée. L’inscription d’un budget pour les élections dans la loi des finances 2025 n’a pas été suivie d’une annonce politique allant dans le sens d’organiser les élections. Ni le président Assimi dans son discours à la Nation, ni le gouvernement n’évoquent la question. Au contraire, on laisse courir des rumeurs laissant entendre qu’il n’y aura pas d’élections en l’absence de listes électorales pour les nouvelles régions. Sur ce dossier, le Premier ministre est très attendu même si personne n’est dupe. Il ne fera que ce que le Président Assimi aura décidé. D’ici là, il veille sur les grands équilibres et travaille à éviter toute rupture qui ternirait son image et qui pourrait exposer son patron.
Être décisif
Avec la débauche d’énergie dont il fait montre tant à Bamako qu’à l’intérieur du pays et le nombre de sujets qu’il aborde avec des interlocuteurs divers et variés, ses 100 jours sont passés presque à l’insu de tout le monde. Le fétichisme de ce chiffre dans la gouvernance est passé de saison même s’il permet de savoir si c’est une trace ou un sillon qui restera pour la suite des événements. Or pour le moment, force est de reconnaître que le Premier ministre joue parfaitement son rôle de couteau suisse. Il rencontre beaucoup. Il écoute beaucoup. Aucun domaine ne lui échappe et il paye de sa personne pour aller au-devant des hommes et des problèmes. Même s’il y a des domaines où il sera obligé d’être décisif comme le dossier de l’éducation. Les syndicats menacent d’aller en grève à cause de l’absence d’implication du ministre de tutelle qui semble complètement éloigné des problèmes de ce secteur. Il y a le problème du secteur bancaire qui revient sous différentes formes comme un serpent de mer. Par-delà les derniers soubresauts causés par l’actualité, il manque un véritable dialogue social dans ce secteur pourtant névralgique. Certainement qu’il ne perd pas de vue l’afflux massif de nouveaux chômeurs qui proviennent du secteur minier en conflit ouvert avec le gouvernement ou d’autres secteurs ayant mis la clé sous le paillasson en attendant des jours meilleurs.
Le général de division Abdoulaye Maiga est connu pour sa loyauté et sa fidélité à toute épreuve au Président Assimi. Nul doute qu’il veillera au respect strict, sans hésitation ni murmure, des trois principes de la Transition : le respect de la souveraineté du Mali ; le respect des choix stratégiques et de partenaires opérés par le Mali ; la prise en compte des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions prises. Le Premier ministre peut obtenir une adhésion plus large à son action mais il faudrait qu’il se montre plus décisif notamment auprès de son patron.
Tiégoum Boubèye MAIGA