Il y a une dizaine de jours, les Maliens apprenaient, par la télévision nationale, la découverte d’un gisement de diamant. Et depuis chacun y va de son commentaire. Si d’aucuns s’interrogent sur la potentialité, certains sont inquiets des tensions qu’il peut engendrer. Pour lever les équivoques et en avoir le cœur net, le Directeur général du bureau d’Expertise d’Evaluation et de Certification des Diamants Bruts s’est exclusivement prêté aux questions du Témoin.
Témoin : Que savez-vous du gisement découvert à Bougouni et quelle en est la teneur ?
Dr Birama Sory Sidibé : C’est à la suite d’une autorisation de recherche délivré à une société malienne par la DNGM en novembre dernier. On appelle ça la phase exploration : on vous donne un périmètre, le temps d’aller l’explorer et vous avez trois mois pour faire un rapport que vous présentez. Et, à ce moment, vous avez le choix de poursuivre ou d’abandonner. Pour poursuivre, il faut une demande d’autorisation de recherche. Cette deuxième phase va consister à faire l’évaluation du potentiel, à voir quelle est l’étendue du potentiel et quel est le temps pour l’explorer. S’en suivront les études de faisabilité. Selon les premières estimations il y a du diamant dans cette zone et ça va être la première mine de diamant.
Est-ce la seule localité au Mali ou il y a du diamant ?
Dr Birama Sory Sidibé : Non, ce n’est pas le premier diamant trouvé en République du Mali. Il y a eu des découvertes de diamant à Kéniéba, Kalana, Faboula, Kalako. Pour la petite histoire, en 1983, il y a eu un ramasser de diamant vendu par la BDM à plus de900 millions.
Quelle est la potentialité de ces zones ?
Dr Birama Sory Sidibé : A Kéniéba par exemple, nous avons des gisements primaires, des roches appelées pipes Kimberlitiques. On en a une vingtaine environ parmi lesquels huit sont diamantifères. Pour les autres, il faut des études pour en savoir davantage.
Pourquoi ces diamants ne sont-ils pas exploités comme l’or ?
Dr Birama Sory Sidibé : le Mali est connu comme étant un réservoir d’or et non comme un pays diamantifère. En investissant pour l’or, il y a moins de risques qu’en investissant pour le diamant. Ces investissements sont également lourds. Imaginez la société qui travaille à Bougouni : elle emploie plus d’une centaine d’hommes (payés et nourris) alors qu’elle n’a pas encore touché le moindre de francs.
Est-ce que cette société a les moyens pour exploiter le gisement de Bougouni ?
Dr Birama Sory Sidibé : Je ne connais pas ses capacités financières -mais si elle n’a pas les moyens, elle peut chercher des partenaires financiers.
On sait que l’exploitation de l’or détruit l’écosystème. Qu’en est-il de celle du diamant ?
Dr Birama Sory Sidibé : Contrairement à l’or, pour l’exploitation du diamant, on n’a pas besoin de produit chimique, mais seulement que de l’eau. On ne fait pas de tunnel, mais des plateaux qu’on creuse de 5 à 6 mètres jusqu’au gravier d’1 à 1,5 mètres de profondeur. C’est ce gravier qui est lavé pour extraire le diamant. L’exploitation du diamant perturbe l’écosystème mais elle ne le détruit pas comme l’or où on utilise beaucoup de produits chimiques.
Le diamant a été à l’origine des instabilités politiques, sociales et institutionnelles de certains pays du continent. Quelle assurance donnez-vous aux Maliens ?
Dr Birama Sory Sidibé : L’ONU, à partir des années 2000, a mis en place un système de certification appelé le Processus de Kimberley. Ce processus, qui regroupe les gouvernements, les industriels et la société civile, réglemente la vente du diamant. Aujourd’hui, son commerce est maîtrisé à 95%. Au fait, le diamant ne se vend pas de la même façon que l’or. Pour vendre le diamant, il faut avoir ce processus de Kimberley. Et c’est notre bureau qui le délivre au Mali. Ce certificat précise là où le diamant a été trouvé, par qui, sa qualité, son cout et l’identité de l’acheteur. L’objectif est de faire en sorte que le diamant n’alimente pas les conflits.
Certains croient que l’or du Mali ne brille pas pour les maliens. Est-ce que le diamant fera l’exception ?
Dr Birama Sory Sidibé : Si ce n’était pas l’or aujourd’hui, l’économie malienne allait s’arrêter. Si le Mali a 20% de l’or ce n’est pas le cas pour plusieurs pays de la sous-région. Ce qu’il faut comprendre c’est que ce sont les sociétés qui payent les taxes et les impôts et les salariés. Elles ont également la responsabilité sociétale. Le plus important est que dans les mines tout doit venir d’une société malienne : l’eau, le carburant, la nourriture etc… Et ce sont nos transitaires qui transitent l’or. Je ne sais pas ce que les gens entendent par briller, sinon, l’or brille pour tous les Maliens. Mais il pourra mieux briller, si le Mali se lance dans la recherche.
Propos recueillis par Amidou Keita
Source : Le Témoin