Erevan: Le dernier discours de Michaëlle Jean, “La Francophonie au milieu du village” !
Par Freddy Mulongo, vendredi 12 octobre 2018 Radio Réveil FM International
Michaëlle Jean ne rempile pas au poste de Secrétaire Général de l’OIF
Durant son mandat de Secrétaire Général de l’OIF, Michaëlle Jean n’aura été reçu qu’une seule fois à l’Elysée pour 45 minutes. Il y a 4 ans, la Canadienne d’origine haïtienne avait été élue, le dimanche 30 novembre 2014, à Dakar, pour prendre la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie. Ce jour là, certains Chefs d’Etat avaient quitté la salle, pour signe de protestation, dont Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, suivi de Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville, qui avait son candidat Henry Lopez, écrivain et son ambassadeur à Paris depuis des années. Michaëlle Jean avait succédé à Abdou Diouf avec ses 12 ans de pantouflage. Elle était une femme de l’Amérique du Nord, pas une africaine. Or les dinosaures, Mammouths, dictateurs africains considèrent que le Secrétariat Général de l’OIF, revient à l’Afrique. C’est un deal qu’ils avaient conclu avec Jacques Chirac au Sommet de la Francophonie d’Hanoï en 1997! Donc depuis le départ d’Abdou Diouf, rare sont les Chefs d’Etat africains qui sont passés au 19-21 avenue Bosquet, dans le 7è arrondissement de Paris.
Avec sa voix qui porte, une larme au coin de l’œil, habillée en noire comme si elle faisait déjà son deuil, avec des signes de mérite sur sa poitrine gauche, Michaëlle Jean a tenu rappeler aux Chefs d’Etat et membres de gouvernements présents au XVIIè Sommet de la Francophonie à Erevan que son bilan était le leur. Qu’elle s’était battu pour remettre la Francophonie au milieu du village, que son bilan étant défendable, car elle n’a fait qu’appliquer et respecter la Charte de la Francophonie. Quant à Louise Mushikiwabo, la plus Kagamiste des ministres rwandais, la fidèle parmi les fidèles du dictateur-autocrate-sanguinaire Paul Kagame, elle serait l’une des rares à bénéficier de sa totale confiance, parait-il. D’après sa propre déclaration lors de la conférence de presse à Erevan à l’issue de sa désignation comme Secrétaire Général de l’OIF, Louise Mushikiwabo ne vient pas faire un miracle à la Francophonie ni inventer une roue ! Mais que vient donc faire cette anglophone dans la Francophonie ? Ses idées ne sont pas claires, elle ne sait pas ce qu’elle veut apporter à la Francophonie, elle a été catapulté pour des intérêts politiques. Etre ministre des Affaires étrangères d’un petit pays le Rwanda, pillard et receleur des ressources de la République démocratique du Congo, ne signifie en rien que la vision belliqueuse et belliciste, apporteront un plus à la Francophonie.
Rapport de la Secrétaire générale au XVIIe Sommet de la Francophonie
Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation,
Mesdames et Messieurs,
J’ai à cœur de rappeler ici, devant vous, l’article premier de la Charte de la Francophonie adoptée en 2005 :
« La Francophonie, consciente des liens que crée entre ses membres le partage de la langue française et des valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération, de la solidarité et du développement durable, a pour objectifs d’aider à l’instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme ; à l’intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies ; à la promotion de l’éducation et de la formation. »
Et s’il le faut encore, je vous rappelle les mots de Léopold Sédar Senghor, qui, dans le même esprit, dit la raison d’être de notre Organisation commune, c’était à quelques mois du premier Sommet des Chefs d’État et de gouvernement tenu à Versailles en 1986 : « Notre Francophonie n’est ni une tour ni une cathédrale. Elle s’enfonce dans la chair ardente de notre temps et ses exigences. »
Et c’est bien ainsi que nous engageons ensemble, d’un Sommet à l’autre, la Francophonie, au rythme du monde et partant « des exigences de notre temps ».
La Francophonie au rythme du monde, tel a été le fil conducteur du mandat que vous m’avez confié en 2014, au XVe Sommet, à Dakar, et j’en ai fait le titre du rapport d’activités que j’ai eu l’honneur de vous faire parvenir le mois dernier.
Mettre résolument la Francophonie institutionnelle au diapason des grands défis de notre temps, accompagner nos pays afin qu’ils puissent mieux répondre à ces enjeux inédits, proposer à nos populations des réponses concrètes, cohérentes et concertées, adaptées à la diversité des situations, telle a été la feuille de route que vous m’avez dictée à Dakar, et de nouveau, au XVIe Sommet, à Antananarivo, en 2016.
Fidèle à l’esprit et à la lettre de notre Charte, fidèle aussi, aux feuilles de route des Sommets, j’ai eu à cœur de décliner les quatre missions du Cadre stratégique 2015-2022, en adaptant les actions de notre Organisation aux exigences d’un monde de plus en plus complexe et en perpétuel mouvement.
Notre Organisation, je l’ai dit hier, est tout sauf fatiguée. Nous sommes debout et à pied d’œuvre, chaque jour et à votre demande.
C’est sous votre impulsion que la Francophonie , au fil de ces quelque cinquante ans, a renforcé ou élargi ses missions, pour répondre au plus près, oui des besoins et des aspirations nouvelles des populations, notamment des femmes et des jeunes, en matière d’éducation et de formation, en matière de développement durable, d’innovation technologique, d’entrepreneuriat.
C’est sous votre impulsion, que la Francophonie s’est affirmée comme une Francophonie politique et diplomatique, toujours plus sollicitée par ses pays membres, mais aussi toujours plus entendue et attendue par ses partenaires internationaux.
C’est sous votre impulsion, aussi, que nous nous sommes dotés de textes normatifs et de référence exigeants sur la pratique de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone ainsi que sur la prévention des conflits et la sécurité humaine, tout en les revisitant à la lumière des menaces nouvelles.
C’est en cela que le bilan de mon mandat, que je vous présente, est aussi votre bilan, la somme de tout ce que nous avons porté et construit, ensemble, durant ces quatre années, dans le droit fil de ce que mes illustres prédécesseurs avaient engagé aussi, et ce, grâce à la mobilisation constante et à l’expertise de tous les acteurs et de tous les réseaux de la Francophonie.
Et nous ne nous sommes pas contentés de nous adapter aux défis du monde, nous avons su aussi être à l’avant-garde quand il le fallait, démontrant que les principes et les valeurs au fondement de notre projet et de notre idéal valent pour tous les temps, tous les peuples et toutes les nations.
L’édition 2018 du rapport La langue française dans le monde, dont nous vous avons fourni les chiffres et les tendances, montre un irrésistible mouvement ascendant du nombre de francophones.
Nous sommes désormais 300 millions, en progression de 10% depuis 2014, grâce notamment à la vitalité démographique du continent africain qui regroupe désormais 59% des francophones.
La langue française, ce formidable levier de toute notre action, a certes un bel avenir devant elle, mais il faut pour cela qu’elle soit bien enseignée, il faut des dizaines de milliers de professeurs de plus et que tous les maîtres soient bien formés.
Il faut aussi que la langue française constitue pour tous ces jeunes, notamment africains, un facteur de réussite, qu’elle soit considérée par tous, comme un inestimable atout professionnel.
La Francophonie, qui a toujours été active pour l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche, connaît une montée en puissance dans ces domaines, et j’en suis fière, grâce à la création de l’Institut de la Francophonie pour l’Éducation et la Formation (l’IFEF), pleinement opérationnel depuis 2017 à Dakar, et qui est une réalisation forte du mandat.
Cet Institut rassemble les meilleurs contenus, tout ce qui se pense, se crée et s’accomplit de mieux dans l’espace francophone et dans le monde.
Devant l’importance du défi, l’urgence de la demande et l’ampleur de la tâche, il fallait fédérer toutes nos expertises : celles de nos Opérateurs directs, notamment l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Université Senghor d’Alexandrie, ainsi que les Conférences ministérielles permanentes de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports (la CONFEMEN et la CONFEJES) ; celles des partenaires internationaux, la Banque mondiale, le Partenariat mondial pour l’Éducation (PME) ou l’UNESCO, qui siègent d’ores et déjà au comité de pilotage de l’IFEF ; celles, surtout, des Ministères de l’Éducation de tous nos pays avec lesquels nous travaillons.
L’IFEF intervient aussi bien dans l’accompagnement de nos États et gouvernements membres pour la conception et la mise en œuvre de politiques éducatives cohérentes et novatrices, que dans la modernisation des approches, méthodes et outils pédagogiques, dans la formation des enseignantes et des enseignants. Rien qu’en Côte d’Ivoire, par exemple, nous en formons plus de 20 000 en ce moment.
L’objectif pour les prochaines années est de faire passer à une plus grande échelle les dispositifs IFADEM (Initiative pour la formation à distance des maîtres) et ELAN (École et langues nationales), pour lesquels nous sommes reconnus, parce que nous les avons déployés avec succès, respectivement dans 15 et 12 pays, afin d’augmenter par milliers les effectifs de professeurs, de formateurs et de cadres, sur des barèmes d’excellence.
L’enjeu est crucial pour l’avenir de la langue française, comme pour les perspectives de développement de nos pays.
En prenant appui sur la feuille de route d’Antananarivo qui plaidait « pour une croissance partagée et un développement responsable », l’OIF, a résolument mis l’accent sur la formation professionnelle, technique et technologique des jeunes. Et il y a une vraie urgence à lutter contre le chômage chronique des jeunes.
L’IFEF est désormais en mesure de concevoir des formations en adéquation avec les besoins en main d’œuvre qualifiée des secteurs prioritaires de l’économie. En à peine deux ans, 10 pays bénéficient déjà de cette expertise.
Je vous remercie, Monsieur le Président du Sénégal, d’avoir mis tout un immeuble à disposition des équipes de l’IFEF qui sont à pied d’œuvre.
Je salue votre engagement en faveur du financement de l’éducation, ainsi que le vôtre, Monsieur le Président de la République française. J’ai moi-même porté le plaidoyer fort de la Francophonie dès 2015, au Forum mondial sur l’Éducation organisé par l’UNESCO à Incheon, en République de Corée, et lors de l’édition suivante, à l’ONU en 2017, où vous avez accepté d’être les co-champions de cette cause.
La troisième « Conférence de reconstitution des fonds du Partenariat Mondial pour l’Éducation » (PME) que vous avez organisée à Dakar en février de cette année a su rassembler de nombreux autres chefs d’État africains ici présents, que je félicite.
Cette mobilisation a permis d’encourager les efforts de quelque 50 pays en développement qui consacrent parfois jusqu’à 20%, voire 30%, de leurs dépenses publiques à l’éducation, et de convaincre les décideurs mondiaux de refinancer substantiellement ce secteur.
Cela était d’autant plus essentiel que près de la moitié des 67 pays bénéficiaires des programmes du PME sont membres de notre Organisation qui a désormais le statut d’observateur au Conseil d’Administration de ce Partenariat.
Il s’agit là d’une vraie reconnaissance de l’OIF par les grands partenaires internationaux du domaine de l’éducation, et d’une nouvelle preuve, s’il en fallait, de notre rôle de plus en plus actif sur l’échiquier multilatéral où nous menons un vigoureux plaidoyer politique afin de faire émerger une mondialisation, plus équitable et plus responsable.
C’est vers cette mondialisation nouvelle, que la Stratégie économique pour la Francophonie que vous avez adoptée en 2014, nous demande de tendre. Nous l’avons couplée à la Stratégie numérique adoptée en 2012 au Sommet de Kinshasa. Cette Stratégie économique et numérique fait d’ailleurs de la formation et de l’emploi des jeunes, des femmes aussi, qui sont trop souvent les laissés-pour-compte de la croissance, l’une de ses principales priorités.
Et tous nous donnent raison, le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE, et pas seulement. Investir dans les initiatives économiques portées par les jeunes et les femmes a un impact direct sur le PIB et la croissance.
La question de l’emploi constitue assurément un enjeu politique majeur. Sans perspective d’emploi, il ne peut y avoir de stabilité, ni même de sécurité pour quelque pays que ce soit.
C’est à partir de ce constat qu’a été déployée la programmation de l’OIF dans le domaine économique, et en particulier, ce programme phare de soutien à l’emploi par l’entrepreneuriat que j’ai tenu à mettre immédiatement en route dès 2015, en vous lançant à tous un appel à contribution, qui a bien été entendu, d’abord, généreusement, par le Canada, suivi du Sénégal et du Niger. Soyez-en tous remerciés.
Nous avons souhaité commencer dans 13 pays d’Afrique subsaharienne et de l’océan Indien.
Nous avons privilégié la démarche de co-construction avec les autorités nationales, les forces économiques locales, les collectivités, les partenaires institutionnels et académiques, – pensons à l’Observatoire de la Francophonie économique mis sur pied en 2017, à Montréal, l’OIF et l’AUF ensemble. Pensons aux chercheurs, à tous ces experts mobilisés !
Autant de synergies qui ont su produire des résultats encourageants dans les pays ciblés !
En trois ans d’efforts collectifs, nous voici aux côtés d’une centaine de structures nationales et de dispositifs d’accompagnement, d’espaces collaboratifs, d’incubateurs, d’accélérateurs de très petites, petites et moyennes entreprises et industries, ces TPME TPMI qui sont des moteurs de croissance qu’on ne peut négliger.
Plus de 20 500 femmes et jeunes entrepreneurs, dans des filières innovantes et porteuses, bénéficient déjà de notre appui, pour le renforcement de leurs capacités, leurs performances, leurs plans d’affaires.
Nous les voyons générer à leur tour quantité d’emplois et impulser des chaînes de valeurs plus solides et qualitatives. Quant à ces centaines de jeunes femmes et de jeunes gens dont nous accompagnons la maîtrise des nouvelles technologies et du numérique, nous soutenons leur exceptionnelle créativité en déployant partout « hackathons » et « innovathons », en appuyant aussi leurs capacités.
Quel bonheur de les voir produire des applications, des dispositifs d’utilité publique, des solutions adaptés à leurs communautés, leurs pays et au-delà ! Et ces jeunes que nous accompagnons ainsi, se sentent utiles, mis à contribution, reconnus, et ce sont des candidats en moins pour les passeurs, ceux qui poussent à la radicalisation, l’embrigadement, la pulsion de mort. C’est une course contre la montre, face à ceux qui cherchent à les convaincre de réussir leur mort, notre devoir c’est d’aider les jeunes à réussir leur vie.
Il nous faudra, sur cette lancée, capitaliser, consolider et pérenniser ! Je voudrais que vous soyez encore davantage de la partie.
Nous sommes un laboratoire de succès : c’est cela, la « Francophonie des solutions » !
À cette action de terrain, nous jumelons une action structurante et faisons aussi entendre avec force les voix, les perspectives et les attentes de nos pays, notamment à travers les Réseaux de ministres que nous accompagnons dans les enceintes économiques internationales : le Réseau des ministres du Commerce, très actif lors des réunions de l’OMC, celui des ministres des Finances des pays à faibles revenus que nous aidons à construire et à défendre leurs positions lors des assemblées du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, ce Réseau, enfin, des ministres chargés de l’Économie numérique que nous avons lancé, à votre initiative, Monsieur le Président de la République du Bénin, il y a deux jours, ici, au Forum économique d’Erevan.
Je veux vous remercier, Monsieur le Premier ministre d’Arménie, pour votre soutien à ce Réseau. Et je me réjouis que votre pays ait placé le Forum économique d’avant hier, sous le signe du numérique et de l’innovation, dont le Centre Tumo est un cœur battant, un modèle que vous voudrez, que nous voudrons voir disséminé dans tout l’espace francophone.
A travers ces Réseaux, nous aidons nos pays à anticiper les prochaines transformations radicales de l’économie mondiale, celle du financement du développement et de l’émergence, comme celle, vertigineuse, et à très court terme, de l’intelligence artificielle, de l’automatisation massive qui en découle, des transactions par chaîne de blocs, des cybermonnaies…
Ces mutations recèlent des risques majeurs d’exclusion qui demandent que nous nous saisissions résolument des enjeux, que nous ne soyons pas à la traîne face à ces multinationales, américaines ou chinoises qui sont les maîtresses du jeu.
Face à tous ces défis, nous voyons la nécessité, pour les États, de se concerter, pour les populations, de se rencontrer, pour les entreprises, de tisser des partenariats plus audacieux.
Nous avons donc créé pour les entrepreneurs de l’espace francophone des plateformes de réseautage qui facilitent ces partenariats, maillages, échanges de bonnes pratiques et d’expériences concluantes.
La plus récente étant celle des Femmes entrepreneures, élaborée dans le sillage de la Conférence des femmes de la Francophonie tenue à Bucarest, en novembre 2017. Je remercie la Roumanie qui s’est pleinement investie à nos côtés pour la réussite de ce grand rendez-vous où elles sont venues très nombreuses et de tous nos horizons. Parmi elles, 700 femmes entrepreneures ont répondu à l’appel, grâce aussi à la Suisse qui a contribué, à ma demande, pour en faire venir un bon nombre du Sud !
Excellences, « Femmes et jeunes en Francophonie, vecteurs de paix, acteurs de développement », tel était le thème du Sommet de Dakar. C’est fidèle à cette feuille de route, que je suis si fière de soumettre à votre approbation une solide « Stratégie pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, des droits et de l’autonomisation des femmes et des filles », qui se retrouvera de manière transversale, appliquée à l’ensemble de nos missions.
Car l’égalité entre les femmes et les hommes est un préalable essentiel pour l’atteinte des objectifs internationaux en matière de développement durable, comme de paix et de sécurité.
La contribution effective des femmes à la vie démocratique, leur prise en compte dans la prévention et la gestion des crises, sont essentielles.
Nous avons d’ailleurs déjà soutenu bon nombre d’initiatives visant à accompagner les femmes engagées dans la vie publique, notamment les candidates aux élections.
Cette mobilisation pour les droits des femmes participe d’un engagement plus large en faveur des droits et des libertés, du soutien indéfectible à l’État de droit et à la démocratie dans nos pays, d’une action déterminée pour la paix et la sécurité internationales.
J’en viens à la Francophonie politique édifiée en 30 ans d’efforts continus. Et si nous avons été toujours plus actifs dans ce domaine ces dernières années, c’est parce que tout nous donne raison.
La philosophie du projet porté par les pères fondateurs de la Francophonie, les valeurs et principes qui nous rassemblent et qui sont énoncés dans notre Charte, ainsi que l’esprit de solidarité qui nous caractérise : tout cela exige que nous allions toujours plus loin dans nos actions de coopération et d’assistance technique structurelle à nos pays les plus fragilisés et déstabilisés. Notre expertise est bien reconnue.
Nos textes normatifs et de référence que sont la Déclaration de Bamako pour le respect des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés, et la Déclaration de Saint-Boniface sur la prévention des conflits et la sécurité humaine, constituent des outils précieux que nous valorisons et continuerons d’utiliser encore mieux, après avoir engagé ces deux dernières années une réflexion approfondie sur leur mise en œuvre.
Et ce qui justifie, avant tout, la vigueur de cette action politique, ce sont les urgences du moment.
Depuis ma prise de fonctions en janvier 2015, notre espace a connu un nombre record d’élections, principalement en Afrique. En 3 ans, nous aurons déployé, dans une trentaine de pays, plus d’une centaine de missions d’appui technique aux scrutins et aux institutions, fichiers électoraux à constituer, audits à réaliser, contentieux à régler, formation d’observateurs nationaux, et des médias…, d’accompagnement politique également, pour un processus transparent, inclusif et, nous l’espérons toujours, apaisé.
L’OIF, pour tout cela, sait rassembler les expertises adaptées aux besoins de chaque pays. Nous connaissons le terrain. Là réside notre plus-value. Vous le savez, vous qui faites appel à nous à ces moments cruciaux des échéances électorales.
La toute dernière aura été chez vous, Monsieur le Président de la République du Mali, et nous avons aussi apporté notre appui en amont de la présidentielle qui s’est tenue dimanche au Cameroun où j’ai dépêché, pour conduire notre mission, mon envoyé spécial, l’ancien Premier Ministre du Burkina Faso, M. Kadré Désiré Ouédraogo, l’actuel président de la Commission de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Tout ce travail est bien adossé aux expertises de nos équipes, de mes envoyés spéciaux qui sont des personnalités émérites, et de nos 16 réseaux institutionnels qui regroupent plus de 600 institutions issues de 60 pays de notre espace.
Nous le portons aussi de manière concertée et coordonnée avec notre assemblée consultative, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, et – j’y tiens beaucoup – avec les Organisations partenaires : au premier chef, l’ONU, l’Union africaine et l’Union européenne.
Mais la tâche est souvent rude, en raison des circonstances de violentes tensions, et nous aurons eu à déployer plus d’une cinquantaine d’autres missions de facilitation et de médiation.
Oui, nous affrontons des temps de fortes crispations : toutes ces menaces transnationales inédites que sont le terrorisme, l’extrémisme, la radicalisation violente, la criminalité organisée, tous ces trafics qui favorisent la corruption, fragilisent l’État de droit, exacerbent les fractures sociales, minent les structures économiques, et mettent à mal tant d’efforts consacrés au développement humain !
Dans ce contexte, l’OIF a pris une part de plus en plus active et très appréciée de l’ONU, à la mission universelle de construction de la paix et de la sécurité. Et dans le cadre de l’Initiative du Secrétaire général Guterres, « Action en faveur du maintien de la paix », je viens de signer un accord-cadre de coopération avec le Bureau d’appui à la consolidation de la paix.
C’est que nous jouons un rôle légitime depuis près de 15 ans dans les Opérations de maintien de la paix (OMP) dont près de la moitié sont déployées dans des théâtres francophones et mobilisent près des deux tiers de personnels de terrain.
Pouvoir interagir dans la langue de ces pays et disposer d’une connaissance de leur culture institutionnelle et politique est essentiel pour la mise en œuvre efficace des mandats confiés par le Conseil de sécurité. Et là, justement, réside notre plus-value.
Nous nous sommes investis durablement dans les domaines de la formation et du développement de l’expertise civile dans les missions de paix, avec notamment la mise en réseau et le développement des programmes des Centres de formation au maintien de la paix établis dans les pays francophones.
Nous nous sommes attachés à produire, en partenariat avec la France, et au bénéfice des pays contributeurs non francophones, une méthode d’apprentissage du français sur objectifs militaires, la Méthode « En Avant ! » dont plus de 23 500 exemplaires ont été diffusés dans le monde pour ces formations déployées.
Nous avons aussi largement publicisé et rendu compréhensibles les procédures de recrutement. Et je veux vous dire ma satisfaction de voir progresser de manière significative la contribution en personnels francophones aux missions de paix des Nations unies.
Mais beaucoup reste à faire…
C’est pourquoi, la Francophonie s’est dotée, en mars 2017, sur une initiative française soutenue par le Canada et la Belgique, d’un dispositif novateur, l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix, afin de mieux préparer les États francophones qui participent à ces missions. L’Égypte, le Cambodge et le Maroc ont récemment rejoint cette initiative.
La Conférence internationale sur la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation violente que nous avons organisée à Paris, en juin 2016, et à votre demande pressante, notamment du Président Beji Caid Essebsi de Tunisie, tant nous étions de toutes parts, et nous le sommes encore, frappés par des attaques terroristes. Cette conférence a rassemblé un nombre saisissant des principaux acteurs nationaux et internationaux concernés, politiques comme de la société civile.
Il nous fallait engager une dynamique de mutualisation de nos forces, de nos moyens, de nos renseignements, de nos stratégies et l’OIF, par une action fédératrice de tous les acteurs, aide à produire des outils, à déployer des expertises et à mobiliser des ressources. Et dans une résolution du Sommet de Dakar, vous avez souhaité que l’OIF joue ce rôle de facilitation.
C’est dans cet esprit que nous avons lancé, en septembre dernier, le Réseau francophone de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents pouvant conduire au terrorisme (FrancoPREV), ce dispositif unique de veille, d’intervention et de prospective. Je veux remercier la Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que le gouvernement du Québec.
Déjà l’Alliance du G5 Sahel qui réunit le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, demande que FrancoPREV lui vienne en aide. Ce renfort viendra s’ajouter à l’importante expertise que nous apportons déjà aux pays du G5 Sahel pour la mise en place d’un dispositif de liaison et de coordination entre leurs Centres d’études stratégiques, de veille, de collecte de données, de renseignements, et d’alerte précoce.
Cet appui contribuera à rendre plus efficace la lutte contre les organisations criminelles, terroristes qui déstabilisent cette région et exposent les populations à tous les dangers.
Je n’ai eu de cesse d’interpeller, comme vous me l’avez demandé, Monsieur le Président de la République du Tchad, cher Idriss Déby Itno, la communauté internationale sur l’urgence de venir en renfort à la Force multinationale mixte des pays du bassin du Lac Tchad dans la lutte ardue contre Boko Aram, tout comme pour le financement de la Force de lutte contre le terrorisme du G5 Sahel : nous avons tenu à l’ONU une concertation ministérielle de haut niveau, l’an dernier sur le sujet, à laquelle les 84 États et gouvernements membres de l’OIF ont participé. J’ai porté le sujet de la mobilisation nécessaire jusqu’au Conseil de sécurité, à l’invitation du Sénégal.
La Francophonie, Excellences, Mesdames et Messieurs, est désormais au cœur de l’agenda international.
J’en veux pour preuve l’exceptionnelle mobilisation que nous avons orchestrée pour l’adoption à l’ONU, en 2015, des objectifs de développement durable, ou encore, le soutien que nous avons apporté à vos États lors de chacune des Conférences sur le climat.
C’est l’Institut de la Francophonie pour le Développement Durable (IFDD), basé à Québec, qui porte cette action si appréciée depuis 30 ans de nos pays et de nos partenaires.
L’IFDD a pris toute sa part dans l’organisation de la Conférence internationale sur la désertification et l’économie verte qui, à notre initiative conjointe, Monsieur le Président de la République du Niger, a réuni, les 26 et 27 juillet dernier, à Niamey, 21 pays de la région et au-delà, dont 17 membres de l’OIF.
Comme vous, Monsieur le Président, Je formule le vœu que l’« Appel de Niamey » issu de cette Conférence soit validé par les Chefs d’État lors de la réunion qui se tiendra en novembre 2018 dans votre capitale, car cet Appel insufflera, j’en suis persuadée, une nouvelle dynamique à la lutte contre les effets dévastateurs du réchauffement climatique dans ces pays, tout particulièrement dans ceux qui sont le plus exposés aux problèmes d’insécurité et de remontée des groupes terroristes.
Je me félicite que la Francophonie soit toujours plus active sur le terrain, aux côtés des populations.
Car notre force est celle de tous les peuples que nous rassemblons sur les cinq continents d’Afrique et d’Europe, d’Asie et du Pacifique, des Amériques et de l’océan Indien, du Proche et du Moyen Orient. Notre Organisation tire, plus que jamais, son énergie des collectivités territoriales et locales, du génie et des forces vives du terrain, acteurs économiques, associations citoyennes, de femmes, de jeunes, d’hommes, d’action et de volonté, avec lesquels nous avons rénové notre partenariat lors de la 11è Conférence des OINGs qui a eu lieu ici-même à Erevan le mois dernier.
Les organisations de la société civile sont des vigies de la protection des droits et des libertés, ces principes inaliénables qui nous gouvernent et que nous ne devons d’aucune façon mettre en veilleuse.
Elles sont aussi des sources d’inspiration et des forces de proposition pour notre Organisation comme pour nos États et gouvernements.
Elles nous apportent cette vivifiante bouffée d’oxygène dont nous avons tant besoin pour répondre toujours plus efficacement aux attentes.
C’est pour mieux répondre aux aspirations des peuples que l’OIF a renforcé le mandat de ses six bureaux régionaux à Antananarivo, Bucarest, Hanoï, Libreville, Lomé et Port-au-Prince, et que vos Ministres ont décidé avant-hier de l’ouverture d’un nouveau Bureau en Tunisie, dès 2019, Monsieur le Président, suivi d’un autre au Liban en 2020 ou 2021, Monsieur le Président.
La force de notre Francophonie, c’est aussi celle d’une jeunesse qui représente dans beaucoup de pays plus de 70% de la population. Jamais les jeunes n’ont été aussi nombreux dans l’histoire de l’humanité. Jamais ils n’ont été à tel point désireux de prendre part à la construction d’une société plus juste, d’un développement plus humain, plus inclusif. Jamais ils n’ont autant aspiré à « Vivre ensemble », pour reprendre le thème que vous avez choisi pour ce Sommet, Monsieur le Premier ministre, cher Nikol Pachinian. Ils nous l’ont dit hier, au cours de la cérémonie inaugurale, et ils nous l’ont montré en contribuant massivement à la préparation de « l’Appel francophone d’Erevan pour le vivre ensemble » qui est soumis à votre approbation aujourd’hui.
Jamais l’OIF n’a su mobiliser, ni rejoindre les jeunes en aussi grand nombre. Nous avons lancé avec eux l’initiative Libres ensemble, et nous avons touché plus de 2 millions de jeunes de l’espace francophone grâce à une plateforme et à une campagne vigoureuse sur Internet. Libres ensemble est désormais un mouvement d’actions portées par les jeunes sur le terrain, dans tout l’espace francophone, des pays comme le Bénin, le Président Talon peut en témoigner, en ont fait un élément phare de leur politique jeunesse. La Bulgarie témoignait hier de la portée de libres ensemble dans la région. L’ONU, l’UE, le SEGIB, la CPLP… tous se sont associés à notre Stratégie jeunesse, la qualifiant d’innovante et d’avant-garde.
Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de gouvernement,
Le monde a plus que jamais besoin d’une Organisation internationale de la Francophonie qui soit au cœur de tous les grands enjeux internationaux, qui ne s’interdise rien, qui avance au rythme du monde, sans complexes, résolument projetée vers l’avenir, toujours plus audacieuse dans ses partenariats, toujours plus stratégique dans ses interventions, ciblant de manière inclusive, les femmes et les jeunes, acteurs incontournables d’un développement humain et économique durable, vecteurs de stabilité et de paix, pour nos sociétés, pour nos pays et pour le monde.
Le 20 mars 2020 nous célébrerons les cinquante ans d’existence de cette Francophonie institutionnelle. Le moment me paraît opportun pour élaborer ensemble un véritable « Agenda pour la Francophonie » sur la base d’une large consultation, une réflexion approfondie pour mesurer la pertinence du chemin parcouru et des évolutions enregistrées.
À cet effet, je vous suggère de créer un groupe de réflexion de haut niveau, qui aurait pour mandat d’éclairer votre décision en vous faisant des recommandations, avec l’ambition de pouvoir soumettre à votre approbation au Sommet de Tunis de 2020 cet « Agenda pour la Francophonie ».
Je vous remercie de votre attention.
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Source: Mediapart