Brusquement la mutinerie s’est muée en coup d’État par l’arrestation des officiels civils et militaires sur les lieux de leur travail.
Le coup d’État a connu son parachèvement avec l’arrestation du PR et son PM et la contrainte des désormais mutins-putschistes sur le PR IBK pour lui arracher sa démission de ses fonctions, la démission du Gouvernement et la dissolution de l’Assemblée nationale.
Procédant ainsi, les désormais putschistes croyaient avoir l’argument constitutionnel de la démission du PR pour justifier leur forfaiture qui n’est d’autre chose qu’un coup d’État prescrit comme un crime imprescriptible en bonne place dans la Constitution du 25 février 1992.
La démission étant volontaire au regard de la loi suprême, le Président de la République IBK l’a clairement dit qu’il en a été obligé ; en conséquence, nous avons en face de nous un coup d’État au-delà de tout habillage intellectualiste ou opportuniste des supporters du CNSP.
Il est incohérent et inconséquent de la part des relais nationaux et locaux du coup d’État de soutenir la thèse de la démission du PR IBK pour que les animateurs de ce crime ne soient appelés des putschistes aussi simplement que leur acte se présente trivialement au regard de notre Constitution démocratique.
Mieux le CNSP peut-il justifier, sur la base de la Constitution du 25 février 1992, le rôle inconstitutionnel qu’il a usurpé pour ouvrir une transition au Mali ?
La réponse est évidemment non, car le CNSP est par essence inconstitutionnel par les conditions de son existence, sa composition et son fonctionnement.
À travers la prise du pouvoir public par le CNSP sur fond d’incohérence ou de confusion, c’est-à-dire par la violation flagrante de la Constitution, le Mali vient de connaitre un faux départ qui ouvre la porte à toutes les aventures pouvant rendre incertaine l’arrivée.
Faisant l’intrusion dans l’espace politique, les putschistes déclarent reconnaître tous les traités et engagements internationaux auxquels le Mali a souscrit entre autres : l’Accord d’Alger, la présence des forces internationales la MINUSMA, la force Barkhane, l’opération Takuba, le G5 Sahel.
Aussi déclare-t-il, le porte-parole du coup d’État, le Colonel Major WAGUE, que le CNSP n’a pas de lien avec le M5.
Il a fallu attendre le vendredi 21 août 2020 pour que le CNSP s’affiche publiquement en noce avec le M5 lors du meeting de soutien à lui dédier par celui-ci.
Par ruse, le CNSP fait un clin d’œil aux organisations sous-régionales, continentale et internationales (CEDEAO, UA, UE, ONU…) et d’autre part s’appuie à l’interne sur le M5 pour se légitimer au plan sociopolitique.
Les forces démocratiques et républicaines du Mali vont-elles croire ou accepter naïvement ce saupoudrage politico-militaire savant du coup d’État du CNSP et soutiens ?
Le présent coup d’État ne doit et ne peut prospérer, car ses conséquences pourront être géométriques pour le Mali, la sous-région ouest-africaine et la communauté internationale tout entière.
Le CNSP et ses alliés déclarés ou non veulent remettre en cause tous les acquis démocratiques (nombre et durée de mandat présidentiel au Mali……..) et faire changer le paradigme référentiel de la troisième République et sa démocratie à savoir les événements de Mars 1991.
Cette remise en cause de la démocratie malienne, ses acquis et ses acteurs, est justifiée par des jugements généraux des militaires et acolytes, car ils présentent tout ce qui est relatif à ceux-ci de façon négative sans aucun effort cognitif de distinction ou d’introduction de degrés d’appréciations des faits ou des acteurs du mouvement démocratique.
Aussi, le coup d’État ouvre la voie plus facile à la réalisation des préoccupations individuelles au goût nauséabond du règlement de compte, de vengeance et du jeunisme rampant de certains opportunistes désireux de se donner un destin public par la facilité sans aucune forme d’engagement socio-politique conséquente.
Grosso modo, les acteurs du CNSP, militaires assermentés, s’ils veulent rendre véritablement service aux Maliens, ils doivent allier la forme et le contenu de leur démarche afin qu’elle soit républicaine et démocratique. Cela passe par le fait de sauver la démocratie et la république de notre pays par leur intermédiation impartiale.
Cette intermédiation doit consister à concilier les deux positions opposées de la majorité et du M5 au sujet des solutions de sortie de l’actuelle crise socio-politique majeure du pays.
Les membres du CNSP, militaires de terrain et diplômés des grandes écoles militaires, doivent faire attention à leur entrée sur le terrain politique par effraction, car celui-ci peut être assez glissant, voire particulièrement mouvant, pour eux.
Au militaire l’art qui lui sied, celui de la guerre, et au politique celui de gouverner la cité ; c’est cela la justice dans la conduite des actions socio-politiques dans un pays en mode démocratique : à chacun son domaine de compétence.
M. Seydou CISSE, professeur de philosophie morale et politique à l’ENSup.
BKO, le 24 août 2020
Source: Journal le Pays-Mali