Le Cameroun a lancé lundi la première campagne de vaccination systématique et à grande échelle au monde contre le paludisme, une “étape historique” selon l’OMS dans la lutte contre cette maladie parmi les plus meurtrières chez les enfants africains.
Noah Ngah, un nourrisson de six mois, a reçu sa première injection du vaccin RTS,S sous les encouragements et les chants des infirmières d’un petit hôpital de la ville de Soa, à 20 km de la capitale Yaoundé, l’un des nombreux centres de vaccination des 42 districts déclarés “prioritaires” par le gouvernement de ce vaste pays d’Afrique centrale de quelque 28 millions d’habitants.
Un enfant meurt chaque minute
Le paludisme, également appelé malaria, est une maladie transmise à l’être humain par les piqûres de certains types de moustiques. Elle tue plus de 600.000 personnes chaque année, dont 95% en Afrique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Et sur le continent, les enfants de moins de cinq ans comptent pour plus de 80% des décès.
Plus de 300.000 doses du vaccin antipaludique RTS,S du groupe pharmaceutique britannique GSK, le premier à avoir été validé et recommandé par l’OMS, avaient été livrées au Cameroun le 21 novembre.
Il a fallu deux mois pour organiser le début de cette campagne durant laquelle l’injection antipaludique est proposée gratuitement, selon le gouvernement, et systématiquement à tous les enfants de moins de six mois, en même temps que les autres vaccins classiques.
Le RTS,S a été testé depuis 2019 dans des “programmes pilotes” dans trois pays africains, le Kenya, le Ghana et le Malawi, dans un nombre limité de lieux.
Au Ghana, le ministre de la Santé Kwaku Agyeman-Manu note l’impact significatif de la vaccination dans la réduction de la mortalité liée au paludisme chez les moins de cinq ans, passant de 1,7% en 2008 à 0,06% en 2022.
“Ce n’est pas seulement rentable, c’est aussi un moyen très efficace d’assurer la survie des enfants”, a-t-il assuré à l’AFP.
Le lancement au Cameroun de la première campagne au monde de vaccination à grande échelle et “systématique”, selon l’OMS qui la coordonne, est financé notamment par l’Alliance du vaccin Gavi.
Le programme pilote avait “entraîné une baisse spectaculaire de 13% de la mortalité, toutes causes confondues, chez les enfants en âge de recevoir le vaccin, ainsi qu’une réduction substantielle des formes graves du paludisme et des hospitalisations”, concluait l’OMS en novembre.
Le Cameroun “est le premier pays au monde à introduire directement la vaccination contre le paludisme”, s’est enthousiasmée à Genève (Suisse) Aurélia Nguyen, directrice des programmes de Gavi.
En Afrique, “un enfant de moins de 5 ans meurt du paludisme pratiquement toutes les minutes”, souligne l’OMS, qui salue lundi “l’introduction” du vaccin “dans les programmes de vaccination essentiels” et “de routine” dans les pays à risque.
Les prochains pays à se lancer dans la vaccination à grande échelle, dans les jours ou semaines qui viennent, après avoir déjà reçu 1,7 million de doses de RTS,S, sont le Burkina Faso, le Liberia, le Niger et la Sierra Leone, précise l’OMS.
“La mise en oeuvre à grande échelle de la vaccination antipaludique” est “une étape historique” qui “pourrait changer la donne en matière de lutte contre le paludisme et sauver des dizaines de milliers de vies chaque année”, estimait l’OMS fin novembre.
Les données du projet pilote au Kenya, au Ghana et au Malawi ont “montré l’innocuité et l’impact du vaccin RTS,S” et “fourni des éléments sur l’acceptation du vaccin et son adoption” par les populations, ce qui a permis à l’OMS d’en recommander un deuxième le 2 octobre 2023, “le R21, fabriqué par le Serum Institute of India (SII)”, écrit l’OMS.
“La malaria est une telle tueuse que les populations concernées l’ont accepté massivement”, assure au Kenya le Dr Willis Akhwale, conseiller spécial du comité kényan du fonds mondial End Malaria, coprésidé par Bill Gates. “Ce n’est pas encore la solution miracle attendue (…) mais même avec une efficacité de 40%, elle sauve des vies”.
Depuis un hôpital camerounais, le Dr Alma Mpiki se montre également optimiste: “j’ai bien vu des parents qui hésitent, notamment depuis le Covid-19, et les campagnes pour vacciner contre le cancer du col de l’utérus, mais je fais confiance à l’avenir”, fait-elle valoir, convaincue que “les gens seront plus disposés à faire vacciner leurs enfants” en “voyant les effets”.
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