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L’Afrique, continent le plus cher du monde ?

Comme le dit le proverbe, « c’est avec l’eau du corps qu’on tire celle du puits »… Il semble malheureusement que le citoyen africain ait trop souvent à faire des efforts démesurés pour consommer au juste prix, son pouvoir d’achat étant rogné, raboté par des surcoûts quasi systématiques.
Le consommateur urbain subsaharien achète ainsi des biens et services à des prix en moyenne 25 % plus élevés que la normale. Une voiture peut même coûter 100% plus cher qu’en Europe, du fait de droits de douane prohibitifs. Le consommateur est souvent contraint d’acheter des produits de moindre qualité, malgré leur nom poétique. « Au revoir l’Europe » : nom donné aux 4 millions de voitures d’occasion arrivant annuellement dans les ports africains (contre 400 000 voitures neuves vendues). « Fripperie » : vêtements usagés que la France exporte à hauteur de 70.000 tonnes par an sur le continent. « Chinoiseries » : surnom donné aux articles bas de gamme « made in China » disponibles sur les étals des marchés.

Des solutions éprouvées existent pourtant pour sortir de cette situation et donner du pouvoir d’achat au consommateur africain.

Tout d’abord, les acteurs publics et privés doivent continuer à améliorer une logistique continentale globalement peu performante (comme le montre le classement Banque Mondiale) qui pèse sur le coût de fabrication ou d’importation des biens. Manutentionner un conteneur coûte ainsi en moyenne trois à quatre fois plus cher dans un port africain qu’en Europe. Il faut moderniser les ports et massifier les flux, comme à Tanger Med, beaucoup de biens étant importés. Il convient d’investir et d’innover pour améliorer les liaisons routières et ferroviaires (comme en Ethiopie et au Kenya) et fluidifier les transports dans des villes souvent congestionnées (train urbain de Dakar, tramways marocains).

Ensuite, il faut que la puissance publique lutte contre les rentes et revoit sa politique fiscale (souvent trop dépendante des « droits de porte »). Elle doit encourager la concurrence et lutter contre les oligopoles qui restent trop souvent la norme en Afrique, notamment dans l’agroalimentaire (« fat cats » détenant les licences d’importation de sucre, de riz, d’huile), la construction (cimentiers), la logistique(opérateurs portuaires et transporteurs routiers).Le prix du ciment en Afrique est en moyenne trois fois supérieur à la moyenne globale. La Banque Mondiale estime que l’application du droit de la concurrence et la suppression de certains obstacles tarifaires et non tarifaires permettraient de baisser la facture cimentière pour le consommateur de 2,5 milliards de dollars par an.Il faut également continuer à soutenir le développement de la distribution moderne, notamment locale (CDCI en Côte d’Ivoire), qui propose des produits normés à des prix compétitifs, en court-circuitant les intermédiaires.

Les Etats doivent également promouvoir les investissements privés dans la production manufacturière locale pour nourrir ses populations à des prix raisonnables : textile-habillement (régions de savane productrices de coton), cuir et chaussure (cheptels d’Ethiopie, du Tchad), produits pétroliers, chimiques et plastiques (Nigéria et autres pays pétroliers).Par ailleurs, l’Afrique a vocation à être une super puissance agricole et non un importateur net de sucre brésilien, de grains européens, d’huile de palme asiatique, de poulet thaïlandais.

Il faut également investir massivement pour diminuer le coût de l’énergie, un facteur de production essentiel, qui coûte en Afrique de l’Ouest deux fois plus que le prix moyen dans le monde, avec des coupures pouvant atteindre 80 heures par mois.Le Sénégal montre la voie, avec quatre des treize fermes solaires du continent, ce qui permet de baisser le coût moyen de production.

Il convient enfin que les Etats s’entendent et offrent des marchés plus profonds aux sociétés manufacturières locales, en favorisant les échanges au sein des blocs régionaux (COMESA, UEMOA), voire au niveau continental (Zleca). Les échanges entre pays du continent demeurent très faibles (12%, contre 30% et 60% dans l’ASEAN et l’UE), offrant peu d’économies d’échelles.

La cherté du coût de la vie n’est pas un thème obscur réservé aux économistes. Elle est une revendication récurrente – et légitime – de la rue africaine. Il appartient aux acteurs publics et privés de mettre en place un environnement permettant de sortir leurs concitoyens des véritables « trappes à pauvreté » dans lesquelles ils sont trop souvent enfermés, qui nourrissent l’instabilité sociale et politique, car comme le dit l’adage « ventre affamé n’a point d’oreilles ».

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