Beaucoup de questions dans la presse malienne et au-delà dans la presse de la sous-région après la décision des autorités de Bamako de saisir la justice en vue d’inculper Amadou Toumani Touré de haute trahison. L’ancien président malien est accusé d’avoir laissé le nord du Mali aux mains des groupes armés.
Le Républicain, à Bamako, s’interroge sur les responsabilités à la tête de l’Etat et estime qu’il y a eu, en fait, faillite collective… « Quand l’Etat s’effondrait où étaient l’Assemblée nationale et les députés ? Où était IBK, l’actuel président, au moment où Aqmi s’installait dans le désert malien et prenait des otages ? Qu’a fait IBK président de l’Assemblée nationale et IBK député ? (…) Nous ne sommes pas en train de soutenir qu’ATT est blanc comme neige, relève Le Républicain, encore moins le dédouaner, mais c’est une évidence qu’il ne peut pas être seul tenu responsable de la situation querellée. Nous devons poser les vraies questions : où étaient les autres institutions, les contre-pouvoirs – particulièrement l’Assemblée nationale dont l’un des rôles est le contrôle de l’action gouvernementale – les partis politiques, la société civile ? »
Et puis note encore le quotidien malien, il y a la question du trafic de drogue : « La plainte du Procureur général pour haute trahison ignore superbement la question d’Air Cocaïne. Qui va porter plainte, s’interroge le journal, pour les fautes et infractions liées à Air Cocaïne et les trafics de drogue en général ? »
Le site d’information Afrique Inside renchérit : « ATT est dans le viseur », mais est-ce « l’heure des comptes pour tous ? (…) La crainte d’une chasse aux sorcières n’est pas loin même si IBK a promis de ne pas céder à la tentation. Reste à définir le champ d’action du gouvernement. Jusqu’où ira la soif de justice et de lutte contre l’impunité ? La détérioration du climat sécuritaire au nord du Mali ne date pas d’hier, estime Afrique Inside, et incombe aux différents régimes qui se sont succédé depuis au moins trois décennies. L’actuel président le sait bien. Lui qui a occupé les fonctions de ministre des Affaires étrangères et de Premier ministre sous le régime d’Alpha Oumar Konaré jusqu’en 2000 avant de batailler pour l’élection présidentielle de 2002 remportée par ATT. »
Le Pays, au Burkina, est sur la même ligne : « La classe politique malienne, dans son ensemble, paraît responsable des problèmes de mal gouvernance politique et économique hérité de tous les régimes. En effet, la désaffection du corps électoral lors des dernières législatives montre que de nombreux acteurs ont perdu de leur crédibilité. Plusieurs d’entre eux avaient probablement les mains souillées. D’une manière ou d’une autre, ils ont trempé dans les régimes précédents. » Et pour le quotidien burkinabé, IBK a d’autres chats à fouetter : « Ibrahim Boubacar Kéita a intérêt à sécuriser son pays au maximum, rassurer ses partisans et répondre rapidement aux nombreuses attentes des Maliens. L’examen de la plainte contre ATT ne paraît donc ni opportun, ni urgent. Le contexte politique et militaire ne convient pas, pour l’heure, à la tenue d’un tel procès. Le Mali a d’autres impératifs, en rapport avec les défis de la réconciliation nationale, de la sécurisation et de la reconstruction. »
Méprise et soupçons
Dans la presse du continent également, la Centrafrique avec la chasse aux « Tchadiens ». En effet, relève L’Observateur Paalga à Ouagadougou, c’est « la pire des confusions : celle qui consiste à assimiler les soldats du contingent du Tchad à des soutiens de la Seleka et les ressortissants de ce pays à des complices de cette dernière, après la méprise “musulman égale membre de la Seleka”. Conséquence de cela, une chasse aux sorcières tchadiennes qui fait fuir des milliers de personnes vers le Nord, et la mise en place d’un pont aérien qui a déjà rapatrié 5 000 Tchadiens. »
Et L’Observateur Paalga de pointer la responsabilité du président tchadien : « Si aujourd’hui en Centrafrique, les apparences sont contre les Tchadiens aux yeux de certaines populations, c’est du fait de Deby : y faisant la pluie et le beau temps, combien de régimes successifs n’a-t-il pas faits puis défaits ? (…) Celui-ci doit cesser d’exposer ses compatriotes par son interventionnisme dans les affaires des pays voisins, car il finira bien par s’en mordre les doigts. »
En effet, précise Libération en France, « malgré ses dénégations, Idriss Deby, est soupçonné par de nombreux observateurs d’avoir armé et financé, au moins partiellement, les rebelles de la Seleka. (…) L’amalgame entre la Seleka, les musulmans et les “Tchadiens” s’est ainsi cristallisé au fil des mois. Pour ajouter à la confusion, le pouvoir de Ndjamena fournit le plus gros contingent au sein de la force de paix déployée en Centrafrique : environ 850 hommes. »
Résultat, note Libération : « La Misca a violé l’une des règles cardinales du maintien de la paix, qui veut que les pays impliqués dans un conflit ne participent pas à une opération de paix. Pour les “Tchadiens” de Bangui, cette erreur a une conséquence aussi concrète que tragique : la valise ou le cercueil. »
Source : RFI