La Tunisie a enterré lundi les six membres des forces de sécurité tués la veille dans l’ouest du pays, lors de l’opération jihadiste la plus sanglante depuis la série d’attaques de 2015 et début 2016, revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Après une cérémonie en présence du ministre de l’Intérieur sur une base de la Garde nationale près de Tunis, les enterrements ont rassemblé des centaines de personnes chacun en plusieurs points du pays.
A Douar Hicher, une banlieue populaire de Tunis où la police annonce régulièrement des arrestations d’extrémistes, la dépouille d’un jeune policier, Arbi Guizeni, a ainsi été accompagnée par un important cortège, en tête duquel se trouvaient des membres des forces de sécurité en cagoule et armes à la main.
Dans la maison qu’il était en train de faire construire, sa mère, veuve, s’est effondrée sur le cercueil de son fils, pilier de cette famille très modeste.
Les six agents de la Garde nationale ont été tués, et trois autres blessés, lorsque leurs voitures ont été attaquées dimanche matin avec un engin explosif artisanal près de la frontière avec l’Algérie, dans le secteur de Ain Sultan, dans le gouvernorat de Jendouba.
Les trois policiers blessés sont « dans un état stable », selon le porte-parole de la Garde nationale, le colonel Houssemeddine Jebabli.
Il a précisé que les opérations de recherches lancées dimanche avec l’armée se poursuivaient.
La branche tunisienne du groupe jihadiste Aqmi, Okba ibn Nafaa, a revendiqué l’attaque et affirmé avoir saisi plusieurs armes, selon le centre américain de surveillance des sites jihadistes SITE.
– Crise politique –
Cette attaque risque d’accentuer la crise politique profonde que traverse la Tunisie, où le Premier ministre Youssef Chahed fait face à une offensive au sein de son propre camp.
« Nous allons venger nos héros », a déclaré M. Chahed, tout en soulignant que « la situation sécuritaire est sous contrôle ».
« La guerre contre le terrorisme (…) nécessite le renforcement de l’institution militaire loin des calculs étroits », a indiqué son parti, Nidaa Tounès, dans un communiqué signé du principal rival de Youssef Chahed, Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président de la République.
M. Chahed a récemment limogé le ministre de l’Intérieur et des dizaines de responsables du ministère ont été démis de leur fonctions sans explication précise.
Le président Béji Caïd Essebsi, qui s’est rendu au chevet des policiers blessés lundi soir, a appelé à l’unité dans ses premières déclarations depuis l’attaque, assurant à la télévision « on veut que le peuple soit solidaire, ce qui n’est pas le cas ».
Il a annoncé qu’il présiderait un conseil de sécurité mardi pour faire la lumière sur l’attaque.
A Sidi Bouzid, dans le centre tunisien, des dizaines de policiers ont manifesté pour réclamer davantage de moyens, selon un correspondant de l’AFP.
Des heurts ont régulièrement lieu à la frontière algérienne mais c’est la première fois depuis plus de deux ans que les forces de l’ordre essuient de telles pertes.
La dernière attaque de grande ampleur en Tunisie remonte à mars 2016, lorsque des jihadistes avaient lancé des opérations coordonnées contre des installations sécuritaires de Ben Guerdane, près de la Libye, entraînant la mort de 13 membres des forces de l’ordre et sept civils.
Bien que perpétrée dans une zone montagneuse, loin du littoral touristique, cette attaque intervient à un moment sensible pour ce pays qui fut le pionnier des Printemps arabes en 2011.
Frappée par une série d’attentats jihadistes meurtriers, notamment au musée du Bardo à Tunis et sur une station balnéaire en 2015, la Tunisie a beaucoup misé sur l’accalmie de ces deux dernières années pour relancer le tourisme, poumon vital de son économie.
Même si la situation sécuritaire s’est nettement améliorée, le pays reste sous état d’urgence depuis l’attentat suicide commis en plein Tunis contre la sécurité présidentielle (12 agents tués), en novembre 2015.
La rédaction